L’Independent Broadcasting Authority (Amendment) Bill sera présenté, ce mardi 23 novembre 2021, en première lecture à l’Assemblée Nationale. La création d’un Independent Broadcasting Review Panel fait débat. Réactions des juristes.
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Me Sanjay Bhuckory (SC) : «Le principe d’équité sera bafoué»
Concernant la nomination du président et ses assesseurs à l’Independent Broadcasting Review Panel, Me Sanjay Bhuckory, Senior Counsel, soutient que le principe d’équité sera bafoué. Selon lui, la perception sera que les assesseurs seront à la solde du régime et qu’ils agiront sous son diktat.
Est-ce qu’un individu qui aura à répondre de ses actes devant le panel, bénéficiera-t-il d’un procès équitable ?
« Absolument pas ». Me Bhuckory évoque l’adage anglais qui veut que : « Justice must not only be done, but must manifestly be seen to be done ». Mais un dicton rodriguais résume mieux la situation, lance-t-il : « Zot mem bat zot tambour, zot mem danse ».
D’autre part, le Senior Counsel soutient que le terme « dictateur » n’est pas inapproprié, car les règles de justice naturelle seront faussées à la base. Ainsi, affirme-t-il, l’Independent Broadcasting Authority (IBA) perdra sa crédibilité et l’image de notre pays en souffrira davantage.
Me Bhuckory ajoute qu’un individu qui n’est pas satisfait de la décision du panel pourra toujours faire appel. Mais il évoque que les conditions pour faire appel seront « trop contraignantes » et le recours final par voie de révision judiciaire en Cour suprême sera encore plus « limitative ».
Démocratiquement, il est d’avis qu’un tribunal spécialisé aurait été le recours idéal. « Mais ce n’est pas ce qui est recherché ici. Le but inavoué de cet amendement est de clouer le bec d’une certaine radio privée », conclut-il.
Me Arshaad Inder : «Il y a un overlapping de l’Exécutif et du Législatif»
Pour Me Arshaad Inder, la mise sur pied de l’Independent Broadcasting Review Panel n’est « ni arbitraire ni anticonstitutionnelle ». Car le président nommé sera un avocat avec plus de cinq ans d’expérience. « Ce sera quelqu’un d’indépendant qui répondra de l’Ordre des avocats. Il aura un devoir envers la cour et le Judiciaire », dit-il. Cependant l’avocat concède qu’il y a un « overlapping de l’Exécutif et du Législatif ». L’avocat explique qu’il y aura deux autres membres qui seront nommés. Ces derniers seront des experts dans le « broadcasting ». Me Inder affirme que chacun aura un devoir envers ses régulateurs. « Je ne crois pas qu’ils seront ‘biased’ et se laisseront faire. Ce sont des professionnels de haut calibre et ne se laisseront pas tenter ».
D’autre part, selon la section 11 de cet amendement qui parle de conflits d’intérêts, dit Me Inder, l’indépendance même de ce panel est sauvegardée. Car quiconque ayant un intérêt pécuniaire dans un procès devant le panel doit le dévoiler. Toute personne bénéficiera d’un procès équitable devant ce panel, indique l’avocat. Le panel ne pourra agir comme un dictateur, en vertu de la section 30(g) qui nous parle de « procedural fairness ». Aussi, si une personne n’est pas satisfaite de la décision du panel, elle peut avoir recours à une révision judiciaire, précise Me Arshaad Inder. Le panel est un forum de première instance afin de filtrer les cas frivoles.
Me Rubesh Domun : «Un tribunal rendra la procédure formelle»
«Le législateur semble se pencher vers une structure plus simple et moins procédurale en prévoyant pour l’avenir un panel qui remplacera le Standards Committee et le Complaints Committee » est d’avis Me Rubesh Domun, de Dentons Mauritius. Un tribunal, dit-il cependant, serait mieux pour rendre la procédure formelle.
« Le panel, comme prévu par le législateur en ce moment, ne sera pas lié par les règles de preuve contrairement à un tribunal. Donc, ce serait important que le législateur se penche vers une structure plus adéquate et un formalisme plus strict que le panel des affaires spécialisées », explique Me Domun. Par exemple, soutient-il, auparavant le Complaints Committee était composé de six membres et d’un président, qui était un avocat avec au moins 10 ans d’expérience. Maintenant le législateur a prévu que le panel pourrait être présidé par un avocat ayant au moins cinq ans d’ancienneté. « Il me semble que le but de simplifier donne l’impression que la procédure de nommer les membres est arbitraire. Cependant, la loi prévoit des garanties contre cela. Par exemple, le panel ne doit pas, dans l'exercice de ses fonctions, être soumis à la direction ou au contrôle d'aucune autre personne ou autorité », souligne Me Domun.
Pour l’homme de loi, le législateur permet au directeur de l’IBA de désigner un officier pour agir comme secrétaire du panel. Le but semble être de préserver la possibilité pour l’IBA de prendre note du déroulement et de vérifier le bon fonctionnement du panel.
Abus de confiance
Cependant, indique Me Domun, la nouvelle loi ne prévoit pas la façon dont le directeur pourrait contribuer au bon fonctionnement du panel ou dans quelle mesure le directeur pourrait intervenir pour influencer la décision du panel. « Le législateur aurait pu prévoir plus clairement la façon dont le directeur apporterait sa contribution au lieu de prévoir généralement qu’il pourrait intervenir en tant que secrétaire ». « L’IBA peut toujours fournir l'assistance technique, administrative et de secrétariat pouvant être nécessaire pour permettre au panel de s'acquitter correctement de ses fonctions en vertu de cette loi ».
D’autre part, il indique que le président du panel cesse d'exercer ses fonctions s'il n'est pas apte à présider en raison d'un abus de confiance, d'une mauvaise conduite ou d'un manquement à l'exercice de ses fonctions. Ce qui représente une des garanties contre un abus de confiance par le président, évoque Me Domun. Il affirme que le terme générique « mauvaise conduite » pourrait inclure le fait que le président agit dans l’intérêt d’une des parties qui se présentent devant le Review Panel.
Par ailleurs, Me Rubesh Domun ajoute que tout membre du panel doit aussi, divulguer la nature de tout intérêt, pécuniaire ou matériel, par écrit au président. Cela avant que l’affaire ne soit entendue. Aussi, dit-il, ce membre ne pourra participer aux délibérations du panel relatives à cette question sans l'approbation des autres membres.
En ce qui concerne une affaire soumise devant le panel, soutient Me Domun, toute partie peut se faire représenter par un avocat, un avoué ou un autre représentant dûment autorisé. Ce qui permet, dit-il, à cette partie lésée de mettre toutes les chances de son côté pour mieux présenter sa version.
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