Interview

Heera Boodhun : «La violence au sein de la société mérite une étude»

Elle dilue ses réflexions, sans doute en tant qu’universitaire, en bon « lecturer ». Mais Heera Boodhun, chargée de cours en criminologie à l’université de Maurice, est catégorique : les meurtres les plus crapuleux surviennent souvent au sein de la famille. Elle concède qu’il est temps de secouer la société, surtout les jeunes qui sont encore récupérables.

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Plusieurs crimes ont été recensés depuis le début de l’année. N’est-ce pas alarmant pour un petit pays comme Maurice ? 
Maurice n’est pas le seul pays à souffrir de ce fléau de criminalité. Selon les statistiques officielles, le nombre de crimes a augmenté de 4,8 % en 2016 et 5,1 % en 2017, mais il était prévu que ce taux serait inférieur pour 2018. Là, ce ne sont que des chiffres, mais sont-ils réels ? La justice joue son rôle, mais l’État doit jouer le sien et apporter des mesures, car un crime a un impact sur la vie de toute une famille, d’une société. Et souvent des crimes ne sont pas répertoriés et les chiffres officiels sont alors faussés.

Pas plus tard que vendredi matin, le corps d’un homme de 88 ans a été retrouvé à son domicile. Un vol serait le motif du crime. Pourquoi cela prend-il de l’ampleur ? 
Ce n’est qu’un cas parmi d’autres, où les personnes les plus vulnérables sont les victimes d’agressions, pour des questions d’argent liées à la drogue, entre autres. La violence au sein de la société mérite une étude approfondie, on doit savoir où est le mal. On vole ses proches, ses amis, etc. Et on tue.  The punishment should be just - but not too excessive - so that the discomfort is greater than the pleasure or gain. Il faut apprendre à celui qui fait du mal que ce qu’il a commis ne devrait pas se répéter et qu’il apprenne de cette leçon.

Comment expliquez-vous que nous vivions dans une société où la tolérance n’a plus sa place ? 
Aujourd’hui, les enfants, les ados ne savent plus ce que sont les valeurs humaines, le respect de l’autre, de soi, la tolérance. Ils n’ont plus de role model et se laissent influencer par tout ce qui est négatif dans la société. On parle d’une nation arc-en-ciel, mais les couleurs sont séparées. On doit créer une culture where we accept that we may have different characteristics - gender, age, race, ethnicity, socioeconomic status, sexual orientation, religion - but we are all equal and we can all help and support each other. Il est beau de voir, à la maternelle, ces enfants chanter l’hymne national, mais cette entente se perd avec l’âge. C’est dommage.

L’impulsivité, la frustration, l’addiction et le niveau intellectuel jouent dans le système sociétal »

Il semble que les crimes sont de plus en plus odieux et crapuleux… 
On a constaté que les crimes crapuleux sont souvent liés aux proches. On ne peut dire si la violence est pire, mais la médiatisation pourrait expliquer cette impression. Est-ce que les médias n’inciteraient pas d’autres à avoir recours à la violence pour régler des conflits internes ? Je présume qu’avec les réseaux sociaux et les médias, les crimes sont plus mis dans l’actualité qu’auparavant. This could then create the perception that, now, the crimes are more horrible than before. 

Récemment, il y a eu, étalé dans la presse, un cas de parricide. Pourquoi les gens, surtout les jeunes, agissent-ils avec une telle impulsivité ? 
Il nous faut comprendre les raisons qui poussent les enfants à tuer leurs parents. Après un tel crime, ils sont stigmatisés à vie. Très souvent, une étude approfondie de la vie de ces jeunes criminels révèle des éléments choquants : négligence parentale, usage de drogues, violence domestique, entre autres. Les autorités ne doivent pas attendre que ce genre d’incidents arrive pour punir, mais elles doivent apporter des solutions proactives et ne pas stigmatiser à vie ces jeunes.

Quels sont les éléments sociétaux qui poussent les individus à la violence et à la criminalité ? 
L’impulsivité, la frustration, l’addiction et le niveau intellectuel jouent dans le système sociétal. Des études ont démontré qu’au niveau d’une famille avec plus de trois enfants, une maman jeune, un manque de communication, de discipline et de supervision sont des facteurs à risque. Puis, il y a le risque représenté par les peers, qui ont une influence terrible sur les jeunes.

Dans de nombreux cas, les gens agissent sous l’effet de la colère, sans réfléchir aux conséquences. Quel est leur état d’esprit, sur le plan psychologique, au moment des faits ? 
Je le répète, l’impulsivité revient à la surface et on agit sans penser aux conséquences. Un exemple : si un mari découvre que sa femme le trompe, il va faire ce qu’il ne faut pas, juste pour laver son honneur. Il oublie que son acte pourra détruire l’avenir de ses enfants. C’est une question d’égo qui détruit tout. Puis, cet homme pense qu’il pourra échapper à la justice, mais c’est faux, on se fait toujours rattraper.

Les ados ne savent plus ce que sont les valeurs humaines, le respect de l’autre, de soi, la tolérance... »

Il y a un sentiment d’insécurité dans le pays. Pourquoi ce phénomène ? 
Il y a un phénomène dans les médias : un crime est commis lundi et on va en faire le suivi les jours suivants, avec des rebondissements, ce qui donne l’impression qu’il y a eu plusieurs crimes. C’est du toc. Mais ce que je conseille est de bien verrouiller la maison, de ne pas marcher seul dans un endroit isolé, d’éviter de porter des bijoux de valeur. It is good to note that there is a perception that we may be attacked by a stranger, but the reality is that we are more likely to be harmed by someone we know.

Est-ce que la drogue a une influence primaire dans ces vols avec violence ? 
La drogue a ceci comme relation au crime : certains drogués deviennent violents, mais l’autre aspect, c’est qu’elle coûte et là, ils vont voler, voire tuer pour avoir leurs doses. Je suis d’avis qu’on ne peut les pousser vers la sortie et les aider à sortir de ce fléau. Ce ne sont pas que les toxicomanes qui ont recours à la violence ou au vol. Dans certains cas, les crimes sont dus aussi à l’attrait de l’argent facile, à la cupidité, à l’addiction au jeu... 

Les jeunes ados deviennent intolérants et n’ont plus de respect pour les adultes. Qu’est-ce qui explique ce phénomène ? 
Selon les statistiques de 2017, le taux de délinquance juvénile a augmenté de 5,2 à 6,8 %. Trop de jeunes grandissent dans des foyers où la violence domestique est monnaie courante. Ils sont entourés d’adultes qui consomment de l’alcool et des produits illicites. There is a lack of positive role models in the environment.

 

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