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Fraude autour du Youth Employment Programme : l’étau se resserre

yep Plus de 20 000 jeunes ont été placés en entreprises sous le YEP.

La Commission anti-corruption (ICAC) enquête actuellement sur plusieurs entreprises qui auraient profité du Youth Employment Programme (YEP) pour se remplir les poches. Au niveau du ministère du Travail, on annonce que les critères ont été revus pour éviter les maldonnes. 

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Jeudi 18 avril 2019. Harrish Bheemul, le directeur de la compagnie Train to Gain Ltd, est arrêté par l’Independent Commission against Corruption (ICAC). Il est soupçonné d’avoir fait de fausses réclamations au Human Resource Development Council (HRDC) pour le compte de 66 stagiaires sous le YEP. Il aurait d’ailleurs empoché Rs 556 384 depuis 2013. Le hic : il s’agirait de demandes fictives. Si l’ICAC poursuit son enquête sur ce directeur pour détecter d’autres éventuels abus, la Commission suit également de près d’autres compagnies qui auraient également fait des réclamations fictives sous le YEP. Il est question de plusieurs millions de roupies qui auraient été détournées frauduleusement.

Une nouvelle qui ne laisse pas indifférent. Pour la syndicaliste Jane Ragoo, cette affaire est « extrêmement grave ». « Le gouvernement vient de l’avant avec une mesure visant à donner de l’expérience professionnelle et de l’emploi aux jeunes. Or, des patrons malhonnêtes détournent le système pour leur intérêt personnel. Il faudrait les punir légalement voire les emprisonner », fulmine Jane Ragoo. Au niveau du patronat, on est tout aussi indigné. « Ce sont des cas malheureux. Si certaines entreprises n’observent pas les dispositions légales et outrepassent les procédures, il est du devoir des instances régulatrices de sévir », fait ressortir Pradeep Dursun, Chief Operating Officer chez Business Mauritius. 

Roland Dubois, anciennement Training Consultant au ministère du Travail et responsable du YEP, ne mâche également pas ses mots. « Comme dans tout système, il y a malheureusement un petit groupe de canards boiteux qui essaient de ‘beat the system’ comme dirait l’anglais. C’est triste et malsain de leur part. Ils font beaucoup de tort à cette belle initiative dont le but est de rendre les jeunes employables avec possibilité d’avoir un emploi à la fin de leur stage », martèle Roland Dubois. « Ceci dit, le nombre cas de maldonne, de fraude et de non compliance au programme fait partie d’une minorité. La grosse majorité des entreprises suivent les directives et jouent le jeu. D’ailleurs, plusieurs entreprises ont permis aux jeunes d’avoir de l’expérience sur le marché du travail et de décrocher un emploi », renchérit Pradeep Dursun. 

Ils doivent dénoncer les maldonnes et réclamer leurs dus s’ils sont des victimes»

Ces observateurs sont tous unanimes à dire que des dispositions doivent être prises pour éviter ce genre de situation à l’avenir. « Chaque programme a des critères et en cas de failles, il faut apporter des retouches. S’il y a eu maldonne, les autorités doivent prendre le relais. D’ailleurs, l’une des attributions des institutions qui gèrent les programmes est de s’assurer que le remboursement se fait selon les critères établis. Il faut de l’accountability et de la transparence. Si ces institutions savent que des réclamations ne sont pas conformes à la loi, c’est leur rôle d’enquêter et de référer les cas à l’ICAC, la police et d’autres autorités concernées », insiste Pradeep Dursun. 

Jane Ragoo se prononce pour des mesures à prendre en amont.  « Il faudrait que le HRDC et le ministère du Travail fassent un suivi continu avec ces jeunes pour savoir si tout se passe comme il faut et non d’attendre la fraude pour agir », recommande-t-elle. L’avocat Dev Ramano est du même avis. « Le Youth Employment Programme a des critères bien définis et les entreprises qui emploient les jeunes doivent le faire selon les conditions émises. S’il y a des abus, c’est une question de suivi et d’inspectorat. Le ministère du Travail doit se donner les moyens nécessaires pour faire le suivi, pour vérifier et encadrer les jeunes placés en entreprise. Il doit vérifier si les patrons ne faussent pas leurs comptes ou ne respectent pas les contrats établis en termes d’embauche ou de rémunération », avance-t-il. Me Dev Ramano préconise aussi une « prise de conscience » de la part des jeunes qui sont placés en entreprises. « Ils doivent dénoncer les maldonnes et réclamer leurs dus s’ils sont des victimes », recommande-t-il. 
Roland Dubois propose, quant à lui, trois solutions : Il faut punir sévèrement les entreprises et les poursuivre au pénal. Il faut les contraindre à rembourser tout remboursement qui leur a été effectué. Finalement, elles ne doivent plus pouvoir participer au programme du YEP ou autres systèmes de placement/formation mis en place par le ministère du Travail. 

D’ailleurs, au niveau du ministère du Travail, l’on précise que l’on a déjà pris les devants. « Nous avons pris note des récents cas de réclamations frauduleuses et nous allons agir en conséquence. Le Youth Employment Programme marche bien et les cas de réclamations frauduleuses sont des cas isolés. Bien sûr, ceux qui se livrent à des magouilles devront en assumer les conséquences. Le système a été revu pour que ce genre de situation ne se répète pas », indique Leevy Frivet, attaché de presse au ministère du Travail. Ainsi, les employeurs devront obtenir l’aval du ministère pour enregistrer des jeunes sous le YEP.  Un aval qui sera donné qu’après vérification que ces jeunes sont bien sans emploi. Par ailleurs, le ministère devra donner son aval pour tout remboursement (Ndlr : auparavant, le remboursement se faisait par le HRDC sans passer par le ministère). Pour les autorités, il s’agit de resserrer la vis et de s’assurer que certains patrons véreux ne profitent plus du système. 


Rs 8 millions en jeu 

Dans un article publié en janvier 2019, Le Défi Media Group avait annoncé que l’ICAC travaille sur des dossiers où il est question de réclamations douteuses à hauteur de Rs 8 millions. Au moins cinq sociétés étaient suspectées d’avoir fait des réclamations frauduleuses. L’ICAC aurait interrogé une soixantaine de jeunes. Certains ont avoué n’avoir jamais travaillé pour ces entreprises ni n’avoir bénéficié de salaire. Pourtant, leurs noms figuraient sur la liste des salariés. Ce n’est, toutefois, pas la première fois que le YEP se retrouve sous les feux des projecteurs. En octobre 2015, Le Défi Media Group faisait état de plusieurs cas rapportés contre les employeurs qui avaient sous-payés voire rien payés aux jeunes durant leur placement. 


Le ministère et le HRDC veillent au grain

Le ministère du Travail a récemment revu le mécanisme de remboursement sous le YEP. Il faut savoir que tous les employeurs participant au YEP doivent remplir un formulaire qu’il est possible de télécharger sur la page consacrée au YEP. « Le ministère fait ces jours-ci un suivi pour s’assurer que les employeurs respectent les conditions relatives au YEP. En cas de rapport défavorable suite à l’exercice de suivi, le Human Resources Development Council (HRDC) en est informé et le remboursement est gardé en suspens », indique-t-on au niveau du HRDC. En effet, ce n’est qu’en se basant sur les informations reçues mensuellement par les employeurs et sur l’accord du ministère du Travail que le HRDC effectuera le remboursement des allocations aux employeurs.

Les stipends que reçoivent les jeunes
Détenteurs d’un degré   Rs 15 000 
Détenteurs d’un diplôme  Rs 10 000 
Détenteurs d’un HSC  Rs 8 000
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