Où sont les femmes ? Si selon les statistiques, les filles font mieux que les garçons au primaire, secondaire et durant les premières années universitaires, les chiffres changent drastiquement par la suite. Dans certains domaines, tels que la science et la technologie, on ne voit que très peu de femmes.
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«Nous avons besoin de la science et la science a besoin de nous. La science a besoin des hommes et des femmes. Oui, des femmes. La science a besoin de nous. » Déclaration haut et fort de la doctoresse Madhvee Madhou, Research Coordinator, lors de son exposé dans le cadre de l’atelier de travail intitulé « Participation of Girls and Women in STEM in Mauritius ».
L’initiative revient au Mauritius Research Council dans le cadre de la Journée internationale des femmes et des filles de science, proclamée le 11 février de chaque année et ce, depuis 2015. L’égalité des genres étant une priorité mondiale, cette journée a pour but de promouvoir les femmes et les filles. Les conclusions d’un travail de fourmi ont été présentées à l’audience. A savoir que STEM est un acronyme qui signifie Science, Technology, Engineering and Mathematics.
Selon les statistiques des dix dernières années, il ressort que les filles font mieux que les garçons au niveau du primaire et au secondaire.
«Arrivées aux études tertiaires, elles sont toujours dans la course, mais il y a un changement drastique après le diplôme ou le degré. Les filles ne continuent pas leurs études et il y a lieu de s’interroger à ce sujet. Nous remarquons aussi que malgré des performances les plus prometteuses, les femmes souffrent plus que les hommes du chômage et décrochent moins de postes de responsabilité. De plus, il y a une disparité flagrante en termes de salaires. »
«La science a besoin de l’homme comme de la femme»
« Ce n’est pas une question de féminisme. Ce n’est pas qu’il faut seulement défendre les droits de la femme. C’est juste que chaque personne doit avoir l’opportunité de contribuer à ces filières pour la diversité et pour s’améliorer tout simplement », avance le Dr Madhou. Cette dernière insiste que la femme a sa place dans le domaine de la science et de la technologie. « Il y a beaucoup de possibilités d’emploi dans ce domaine. Les femmes doivent aussi faire des efforts pour intégrer ces domaines. »
Et de faire ressortir que certaines femmes ont tout le potentiel, cependant elles ne croient pas assez en elles.
« Elles n’ont pas confiance en leurs aptitudes. C’est une chose très sérieuse. J’espère qu’on commencera à s’attarder dessus afin de travailler avec les femmes pour qu’elles ne se cachent plus. »
Pour y arriver, elle compte sur un soutien holistique. « Le gouvernement doit prendre des décisions en ce sens. Il faut également que tous les autres acteurs soient parties prenantes, que ce soit la société, les employeurs, les institutions académiques mais aussi la famille, les parents », conclut-elle.
Dr Brinda Oogarah-Pratab : «Il faut agir à plusieurs échelles»
Responsable par interim de la School of Applied Science au Mauritius Institute of Education (MIE), le Dr Brinda Oogarah-Pratab estime qu’il ne revient pas toujours aux femmes de se faire une place dans les domaines où les hommes prédominent. « Pour diverses raisons, certaines femmes ne veulent pas se retrouver dans un endroit où il n’y a que des hommes qui travaillent. Exemple : sur un chantier de construction. »
Pour remédier à cela, il y a toute une éducation à refaire, avance-t-elle. « Cela nous concerne tous. C’est une affaire de société. Il faut que nous, les femmes, nous nous disions que nous pouvons le faire et que nous démontrions nos compétences. Il faut aussi que les hommes nous respectent à leur tour et reconnaissent nos capacités. Il faut aussi qu’ils acceptent de nous faire une place. Il faut mettre un frein aux stéréotypes et arrêter de se dire que ces filières sont pour les hommes et ces autres domaines pour les femmes. Cette éducation doit commencer dès le plus jeune âge. Il faudrait aussi que cela se fasse au sein des entreprises, entre autres sur les chantiers. C’est bien de commencer avec les petits, mais si les plus grands ne suivent pas, ce n’est pas de sitôt qu’on verra les premiers résultats. Je souhaite qu’il y ait de nombreuses campagnes de sensibilisation à tous les niveaux.»
Dr Devika Saddul, Research Scientist : «Il faut oser»
« Il existe des opportunités, des métiers, des entreprises qui veulent donner aux femmes leur chance, mais il faut oser », précise le Dr Devika Saddul, Research Scientist, qui est également Présidente de la blanche mauricienne de l’Organization for Women in Science for the Developing World (OWSD). Toutefois, elle précise que cela doit venir aussi des femmes. « Il faut qu’ensemble on brise tous ces stéréotypes, qu’on revoie le rôle des femmes à la maison, qu’on prenne en compte leurs engagements familiaux et pourquoi pas leur proposer des métiers avec plus de flexibilité. Il faut de la diversité dans ce domaine. » Ainsi, le Dr Devika Saddul ne rate pas d’inviter les femmes à s’informer sur les diverses opportunités qui s’offrent à elles, à Maurice comme sur la scène internationale.
Jenny Dee, ambassadrice australienne à Maurice : «I am a STEMinist !»
« Je suis fière de dire : « I am a STEMinist ! » Jenny Dee va droit au but. Elle estime que c’est mauvais signe lorsqu’il faut toujours mettre en place des comités pour discuter de l’intégration des femmes dans ce domaine. « J’espère que nous n’aurons plus besoin des sessions spéciales qui se concentrent sur la création d’opportunités pour les femmes et les filles. Malheureusement, ce n’est pas le moment. Les intégrer devrait être tout à fait naturel. Cela devrait faire partie du processus de recrutement de chaque entreprise. Ces entreprises devraient avoir un business plan inclusif. »
« En tant que représentante du gouvernement australien, mon rôle consiste en partie à répondre aux besoins de Maurice dans ces secteurs. L’un des principaux mécanismes de mise en œuvre de ce programme est l’aide de nos programmes de bourses d’études », précise-t-elle. Et de faire ressortir que l’objectif est de renforcer les capacités humaines et les liens avec l’Australie et la région. « Nos lauréats étudient depuis longtemps comme ingénieurs et, plus récemment, dans des domaines tels que la biotechnologie. L’un des principaux objectifs de notre programme d’aide au développement consiste à autonomiser les femmes et les filles. Je suis heureux de dire que 50% de nos lauréats australiens sont des femmes. Nos bourses cherchent à susciter un amour et fascination pour la science à un jeune âge chez les filles et les garçons. »
Notre interlocutrice poursuit : « en tant qu’organisateurs de conférences et d’ateliers, il est important que nos présentateurs et nos panels soient inclusifs et reflètent la diversité - cela peut être un défi. Mais, avec l’engagement et l’effort de tous, c’est possible. Je vous mets au défi, en particulier les hommes de refuser de participer à un groupe spécial s’il n’y a pas une telle diversité ».
L’ambassadrice estime que toutes ces initiatives commencent avec une seule personne. « Même si vous êtes une goutte d’eau dans un océan, ces gouttes d’eau combinées font de l’océan un puissant véhicule et une source d’énergie. Nous devons faire comprendre aux filles que lorsqu’une fille voit le pouvoir que représentent les STEM (Science, Engineering, Technology and Mathematics) et l’informatique, elle devient un modèle pour ses amis et sa communauté. Les femmes peuvent amener une différence significative dans l’amélioration de la société. Après tout, un pays ne pourra jamais atteindre son plein potentiel s’il n’exploite pas, n’utilise pas les talents, les compétences, les points de vue, les idées et les renseignements d’environ 50% de sa population. »
Pour conclure, Jenny Dee avance « qu’il ne s’agit pas uniquement d’équité. mais d’un sens économique éprouvé. Il est important que cette diversité se reflète au plus haut niveau du gouvernement, du monde universitaire et de l’industrie ».
Et de conclure que le pouvoir du mentorat - par les hommes et les femmes - est un ingrédient essentiel pour encourager davantage de femmes à réussir.
Aartee Jodheea, Lecturer en Design and Technology : «Auparavant les filles n’y étaient pas exposes»
Aartee Jodheea est lecturer en Design and Technology au Mauritius Institute of Education (MIE). Elle est affectée dans un domaine où les élèves sont surpris au début, tout simplement parce qu’elle est une femme. « Ils se demandaient ce que je faisais là. Par la suite, le courant est passé. Nous travaillons bien ensemble et je pense qu’ils se sont rendus compte, que ce soit homme ou femme, ce sont les compétences qui comptent avant tout. »
Elle fait ressortir qu’elle rencontre de plus en plus de filles qui souhaitent étudier cette matière : « Auparavant les filles n’y étaient pas exposées, sauf dans certains collèges privés. Cependant, depuis l’année dernière, le sujet a été introduit dans d’autres collèges et les filles peuvent désormais choisir cette matière. Je suis sûre qu’elles travailleront très bien, car elles sont très créatives. »
Nafiisah et Sushma : «Tout dépend des opportunités»
Les deux collègues au bureau du ministère des Infrastructures publiques estiment que le monde de la science et des technologies est un monde fascinant. Cependant, elles avancent qu’avant d’encourager leurs enfants dans cette voie, elles s’assureront d’abord, en tant que parents que les autorités offrent toutes les opportunités. « Nous suivons la tendance. Si nous voyons que le gouvernement investit dans ces domaines et que ce sont des métiers d’avenir, nous n’hésiterons pas à encourager nos enfants. »
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