Les Mauriciens ne croient plus en la commission anticorruption. Ils semblent convaincus que l’enquête dans l’affaire Sobrinho ne débouchera sur rien de concret. Ceux interrogés expliquent comment la commission pourrait regagner la confiance du public.
Publicité
Personne ne semble faire confiance à l’Independent Commission against Corruption (Icac) pour mener à bien l’enquête sur l’homme d’affaires angolais Alvaro Sobrinho. C’est le constat qui s’impose depuis que le Premier ministre, Pravind Jugnauth, a annoncé avoir envoyé une lettre anonyme à la commission anticorruption pour qu’elle ouvre une enquête sur les cadeaux faits par l’homme d’affaires controversé à certains VIP mauriciens.
Si certains estiment qu’il faut bouger vers plus de transparence pour redorer le blason de l’Icac, d’autres, en revanche, estiment qu’il appartient à ceux qui sont à la tête de l’institution de bien jouer leur rôle afin de ne pas laisser planer le doute sur leur indépendance. La présence de policiers dans l’équipe d’enquêteurs poserait également problème.
Rajen Bablee, de Transparency Mauritius, commence par souligner le fait que c’est un peu la faute du gouvernement si le public a une mauvaise opinion de l’Icac. « Déjà, l’étude d’Afrobarometer a révélé qu’une majorité de Mauriciens ne fait pas confiance aux institutions et l’Icac n’est pas en reste. Elle est perçue, par plus d’un, et ce depuis des années, comme un outil politique. En fait, d’une certaine manière, le présent gouvernement a donné du fioul à ceux qui pensent ainsi en faisant partir, après les élections générales de 2014, l’ancien directeur-général (DG) sur la base qu’il était un nominé politique. »
Sauf que si celui qui est éjecté est un nominé politique, son remplaçant l’est aussi, puisqu’il est nommé selon les mêmes procédures. Comment s’y prendre pour sortir du piège des nominations qui laissent planer le doute ? « Depuis des années, Transparency Mauritius demande que le recrutement au poste de DG ou à tout autre poste à l’Icac se fasse de façon transparente et que les entrevues soient publiques. L’idéal serait d’avoir un comité comprenant des parlementaires de tous bords pour faire les interviews. » Rajen Bablee estime que l’Icac devrait considérer la possibilité de faire des audiences publiques pour plus de transparence.
Toutefois, un spécialiste de la loi anticorruption, qui a souhaité demeurer anonyme, explique que le mode de nomination n’a rien à voir avec l’indépendance d’une institution. « Que ce soit pour l’Icac ou pour n’importe quelle autre institution, l’indépendance ne vient pas de la personne qui vous nomme. Le chef juge est nommé par le président de la République sur recommandation du Premier ministre. Va-t-on pour autant dire que le chef juge n’est pas indépendant ? » L’indépendance, selon cette source, est déterminée par la proximité ou l’absence de proximité avec la classe politique. Même si on inscrivait le poste de directeur de l’Icac dans la Constitution, argue cette source, ce ne serait pas une garantie d’indépendance.
Cette source montre un autre problème du doigt : « Aujourd’hui, les enquêteurs sont des officiers de police plutôt que des civils. L’Icac aurait dû recruter uniquement des civils comme enquêteurs pour mieux assurer son indépendance. »
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !