Enn simp ti-dimoun kinn resi rasanble enn lekip pou amen enn sanzman dan enn ti landrwa… Ce dimanche, découvrons l’histoire de Christiane Pasnin, travailleuse sociale et directrice du centre Lakaz Lespwar, un projet de Caritas Solitude.
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Elle œuvre pour « un monde meilleur au sein de [sa] communauté ». Sans rien demander en retour. Sa récompense : un sourire, un merci, la réussite de ses protégés, ceux qu’elle accompagne inlassablement au sein du centre Lakaz Lespwar. Et au-delà, dans son quartier.
« Tout le monde sait où je vis. Ils viennent me voir à n’importe quelle heure. Mon téléphone sonne nuit et jour. Je fais tout ce que je peux pour aider ceux qui ont besoin de mon aide », souligne Christiane Pasnin, directrice du centre Lakaz Lespwar, un projet de Caritas Solitude. La travailleuse sociale est également la coordinatrice pour la région nord de Caritas Ile Maurice.
Cet engagement social qui la caractérise a pris vie à la suite d’une rencontre. Celle d’un petit garçon. Christine Pasnin travaille alors comme baby-sitter. Un jour, alors qu’elle sort du boulot, elle l’aperçoit, assis sur un tronc d’arbre au bord de la route. Il a une feuille de papier et un crayon dans les mains. Elle s’approche de lui et apprend qu’il s’appelle Emmanuel. « Kifer to pa dan lekol ? » lui demande-t-elle. Le garçon fuit son regard sans dire un mot.
Christiane Pasnin prend place à côté de lui. Pendant une quinzaine de minutes, elle reste avec lui pour qu’il puisse finir son dessin de Bouba, le petit ourson. Lorsqu’elle voit le dessin, elle est émerveillée par le talent d’Emmanuel. Elle lui dit alors qu’elle lui rendra visite dans la soirée. « Mo dan kartie. Mo pre ek li. Me mo pa kone kot li reste. Monn al get enn misie. Monn dir li to kone kot Emmanuel reste, to anvi akonpagn mwa. Nou inn al ansam kot Emmanuel. »
En mettant nos compétences ensemble, nous avancerons tipa tipa pour une communauté heureuse»
Sur place, Christiane Pasnin voit une famille brisée par l’alcoolisme. Et en grande détresse. « Le soir même, nous avons organisé un colis alimentaire pour aider cette famille. Le lendemain, je suis repartie chez elle et nous avons commencé à accompagner cette famille. »
Elle apprend, en interrogeant la mère de famille, que les enfants ne sont pas scolarisés parce qu’ils n’ont pas d’acte de naissance.
« Nou inn ed li pou gagn sa bann dokiman-la. Ce n’était pas possible pour moi de rester les bras croisés, donn manze ek fini ar zot. »
Christiane Pasnin sollicite des collégiens de son quartier pour venir en aide à ces enfants. Elle en parle également au Père Michel Boullé, qui met la salle d’œuvres à sa disposition.
« Tout en gardant mon emploi de baby-sitter, le social a commencé avec un groupe de collégiens mis au service des enfants moins fortunés de Solitude. À partir du petit Emmanuel, j’ai réalisé qu’il y avait 12 enfants dans cette situation dans ma communauté. Après, ce nombre est passé à 48 enfants. »
Elle cherche des personnes de la communauté ayant des compétences diverses pour aider ces enfants en difficulté. « Monn al rod dimoun. Monn dir zot vinn ed nou. Ban profeser inn akonpagn sa bann zafan-la ek donn zot leson. »
Petit-déjeuner avec l’aide des grands-mères
Lorsque 70 familles vivant en situation de pauvreté viennent habiter dans les maisons NHDC à Solitude, Christiane Pasnin va à leur rencontre. « Je me suis aperçue que les enfants n’allaient pas à l’école. Nous avons commencé à leur donner des colis alimentaires. Nous avons ensuite réalisé que les enfants n’allaient toujours pas à l’école. »
C’est ainsi que Christiane Pasnin demande aux grands-mères de Solitude de lui donner un coup de main pendant leur temps libre, notamment pour donner le petit-déjeuner à ces enfants vulnérables. Une chaîne de solidarité se met en place. « Mo ti ena lide, me mo pa ti kone kouma pou fer sa. Enn gramer dir mwa ‘ki to pe kas latet Krystiann. Mwa mo pou amen brok’, enn lot dir mwa mo pou amen goblet, enn lot dir pou amen boulwar ek enn lot dir li pou amen diber. »
Pour le pain, Christiane Pasnin sollicite le boutiquier du quartier et en obtient à crédit. « J’ai eu confiance en moi même si je ne savais pas comment le payer à la fin du mois. Nounn komanse toudswit. »
Elle passe également une annonce après la messe, avec l’accord du Père Michel Boullé. Elle explique son projet d’offrir un petit-déjeuner aux enfants vulnérables du quartier afin qu’ils puissent aller à l’école. Un monsieur, en sortant de la messe, lui remet Rs 1 000. À partir de ces Rs 1 000, le projet démarre et se poursuit aujourd’hui avec actuellement 1 500 bénéficiaires. « Ces Rs 1 000 ont été multipliées chaque année. Elles ont augmenté de Rs 3 000 à Rs 10 000, et aujourd’hui, nous en sommes à Rs 15 000 et nous continuons à aider les enfants du quartier », se réjouit-elle.
Ce n’était pas possible pour moi de rester les bras croisés, donn manze ek fini ar zot»
La salle d’œuvres finit par devenir étroite pour la distribution du petit-déjeuner et l’accompagnement scolaire. Avec Caritas Ile Maurice, un projet d’espace communautaire pour Solitude est envisagé. « Un jour, alors que je me rendais au travail, j’ai vu un arc-en-ciel devant moi. J’ai demandé à Dieu ce que je devais faire. Ma vie allait se terminer ainsi, je devais retourner travailler, puis revenir partager mon temps avec la communauté. Et puis, Dieu m’a écoutée. Cela n’a pas pris trop de temps et nous avons finalement trouvé un financeur. Le groupe Ciel a accepté de financer le projet. »
« Jamais, je n’avais compris ce qu’était un travailleur social... »
En tant que baby-sitter, elle ne sait pas comment écrire un projet. Sa patronne lui dit : « To ti bizin enn travayer sosial. » Christiane Pasnin avoue : « Jamais, je n’avais compris ce qu’était un travailleur social. Je pensais que c’était une opportunité. Le projet Lakaz Lespwar est né. Par la suite, les financeurs exigent la coordination d’un comité professionnel pour le projet, soit moi, soit quelqu’un d’autre. J’ai fini par quitter mon travail pour faire cela. »
C’est un risque. Car son emploi de baby-sitter lui permet de gagner un salaire de Rs 9 000 pour subvenir aux besoins de ses trois enfants, alors même que son époux a perdu son emploi. Par amour pour sa communauté, elle prend le risque même si le salaire est plus bas. « Je visualisais déjà des enfants bénéficiant de ce projet et c’est cela qui m’a motivée. »
Elle commence à travailler avec un petit groupe de son quartier, notamment des femmes de ménage et des grands-mères. Le financeur exige qu’un autre comité professionnel soit mis en place pour le projet. Cependant, ils n’ont pas ce type d’intelligence. « J’étais un peu en colère, mais après un temps de réflexion, j’ai réalisé que le plus important était le bien-être de ma communauté. »
Christiane Pasnin prend donc son bâton de pèlerin pour trouver les compétences requises au sein de la communauté. Elle se tourne vers un employé de l’usine sucrière de Belle Vue Harel avec son projet écrit en collaboration avec Patricia Adèle de Caritas Ile Maurice. « Il m’a dit qu’il était partant. Il m’a demandé d’aller voir un autre monsieur. Celui-ci m’a dit d’aller voir une dame. Le comité est né ainsi, et après sept ans de collaboration, le projet Lakaz Lespwar a vu le jour en 2010. »
Lakaz Lespwar
Ce projet communautaire devient l’espoir d’un meilleur avenir. Dans l’espace de Lakaz Lespwar, les jeunes et les aînés plantent chacun un arbre. Ceux qui ne sont plus là ont leur arbre qui témoigne de leur contribution à ce projet, indique Christiane Pasnin.
Aujourd’hui, Lakaz Lespwar, un centre polyvalent de formation, est doté d’un jardin communautaire qui permet aux femmes victimes de violences de gagner un peu d’argent pour subvenir aux besoins de leurs enfants. Mais aussi pour gagner en compétences et trouver un emploi. « Nous travaillons avec elles pour qu’elles puissent devenir financièrement autonomes. »
Le centre a également ouvert ses services aux hommes, jeunes et enfants pour répondre à des besoins spécifiques. « La boutique de vêtements a commencé avec trois jeunes qui sont venus nous demander de l’aide pour faire des études à l’école hôtelière. Nous sommes allés vers d’autres associations pour les aider et aujourd’hui, l’un d’entre eux travaille sur un bateau de croisière. »
L’idée de créer une boutique solidaire a germé pour pouvoir aider beaucoup plus de jeunes à poursuivre leurs études. « En collaboration avec nos sponsors, 28 élèves chaque année peuvent faire des études à l’université ou dans des institutions de formation », soutient Christiane.
Son plus grand souhait est d’avoir un lieu dans le nord de l’île pour aider les femmes victimes de violences, en leur offrant une écoute attentive et en les aidant à retrouver le goût de la vie et le bonheur.
Si vous n’aviez pas pris le risque de quitter votre emploi de baby-sitter, où en seriez-vous aujourd’hui ? « Je serais probablement encore baby-sitter », plaisante-t-elle. Plus sérieusement, elle affirme : « Sans doute, je n’aurais pas pu faire tout ce que j’ai fait jusqu’à présent, contre vents et marées, pour un monde meilleur au sein de ma communauté. »
Depuis deux ans, elle délègue les responsabilités aux jeunes de son quartier, afin de se concentrer sur l’initiation de nouveaux projets. On dit qu’elle mérite d’être médaillée de la République de Maurice pour sa contribution. Qu’en pense-t-elle ? « Qu’on me donne une médaille ou pas, je suis une personne simple qui continuera à œuvrer pour le bien-être de sa communauté avec le soutien de ma famille, des Forces Vives et d’autres habitants du quartier. En mettant nos compétences ensemble, nous avancerons tipa tipa pour une communauté heureuse », conclut Christiane Pasnin.
L’école de la vie
« Ma plus grande école de vie a été les métiers que j’ai faits. Quand j’y réfléchis, tout l’amour que j’ai reçu auprès des gens que j’ai côtoyés ont forgé la personne que je suis et mon engagement envers les autres », affirme Christiane Pasnin.
C’est à l’âge de 16 ans qu’elle commence à travailler. Elle prend de l’emploi dans une usine textile. Elle monte en grade pour devenir « supervisor ». Six ans plus tard, elle quitte ce métier. Elle se marie et donne naissance à son premier enfant. Un autre naîtra pendant les trois ans qu’elle est femme au foyer. Ensuite, elle travaille comme bonne dans une maison à Péreybère pendant une décennie, jusqu’au décès de son employeur.
Pendant les quatre années qui ont suivi, Christiane Pasnin travaille comme baby-sitter. Un métier qu’elle finira par quitter pour s’engager pleinement dans le social.
À 44 ans, elle retourne sur les bancs de l’école
En 2012, une jeune femme du quartier demande à Christiane Pasnin de l’aide pour s’inscrire à une bourse d’études en Community Services au Charles Telfair Institute (CTI). Cependant, une fois la bourse obtenue, elle décide de devenir enseignante en suivant des cours au Mauritius Institute of Education.
Comment refuser cette bourse par téléphone ? Christiane Pasnin se rend au CTI. La personne qui la reçoit lui dit : « Tu aides les gens en difficulté. Cette bourse est pour toi. » « J’ai échoué en anglais pour le School Certificate », répond la travailleuse sociale. « Apporte tes certificats. Viens passer un test d’anglais avec nous », lui déclare-t-on.
C’est ainsi que 24 ans après avoir échoué à ses examens de Form V (grade 11), elle décide d’accepter cette bourse d’études. Mais elle reçoit un appel lui disant que le financeur a décidé d’accorder cette bourse à une autre élève. « Je me suis assise dans un coin de Caritas Solitude et j’ai pleuré », confie Christiane Pasnin.
Le 28 février de cette même année, trois semaines après le début des cours, elle reçoit un appel. « Nous t’avons choisie pour cette bourse d’études », lui dit-on au bout du fil. Avec un cahier, un crayon et une bouteille d’eau dans son sac, Christiane Pasnin, âgée de 44 ans à l’époque, se rend en classe.
Sur place, une étudiante qui la connaît l’attrape par la main. « Viens t’asseoir à côté de moi. Je vais t’aider à rattraper le retard », lui dit-elle. Quatre ans plus tard, elle sort du CTI avec un diplôme en Community Services. Cela lui permet aujourd’hui d’appliquer ses connaissances dans ce domaine pour développer des projets à Lakaz Lespwar et assurer le bien-être de sa communauté. « L’impossible est devenu possible. »
D’où vient cette empathie envers les autres ? « Sans doute de ma mère. Nous avons toujours reçu des invités chez nous pour les fêtes de Pâques et de Noël. Mon père disait toujours que nous ne pouvions pas faire la fête si les autres n’avaient rien à manger », explique-t-elle.
Enfant d’un père laboureur et d’une mère qui travaille comme bonne, Christiane a grandi en les voyant faire de leur mieux pour subvenir à ses besoins et ceux de son frère. À l’école primaire, ses amis avaient toujours des gâteaux, mais pas elle. Alors, elle grimpait aux arbres pour cueillir des fruits pour manger. Marie, sa copine de classe, l’emmenait aussi quand elle allait manger à la maison.
Christiane Pasnin échoue au Certificate of Primary Education. Mais inspirée par son amie Kina qui réussissait à l’école, elle s’applique et réussit à la seconde tentative. « Je leur suis très reconnaissante. Elles m’ont beaucoup aidée. »
Avait-elle des complexes ? Est-ce la raison pour laquelle elle a choisi d’abandonner l’école ? « Mo panse mo ti anvi gagn kass ek vinn indepandan. À 16 ans, mo ti pe gagn Rs 14 enn zourne travay », relate Christiane Pasnin. Que faisait-elle de cet argent ? « Premièrement, j’ai acheté des biscuits que nous n’avions jamais mangés, des céréales, du lait et quelques provisions pour la maison. J’ai gardé un peu d’argent pour payer le transport pour aller travailler. »
Dans un éclat de rire, elle confie que sa mère lui avait demandé de « met kass dan larmwar. San dout pou ramas inpe. Me mwa mo ti pe servi kass pou aste tou seki nou pann manze zame ».
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