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Énergie renouvelable : les premières percées

ceb La décision du CEB d'éliminer l'utilisation du charbon a été saluée.

Le gouvernement mauricien s’est engagé à produire 35% d’électricité à partir des énergies renouvelables d’ici 2025. Est-ce un pari réalisable ? En vue d’atteindre cet objectif, une série de mesures et de projets vient d’être approuvée par plusieurs autorités gouvernementales.

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Sept ans. C’est le nombre d’années dont dispose le gouvernement pour atteindre son objectif de produire 35% d’électricité à partir des énergies renouvelables. En fait, il s’agit d’un pari pris mais perdu par l’ancien Premier ministre, Navin Ramgoolam. Lors de son mandat premier-ministériel, il avait annoncé que la barre des 35% allait être franchie en 2015. Mais la réalité est tout autre car selon les chiffres obtenus auprès de Statistics Mauritius, la production d’électricité à partir des énergies renouvelables était de 20% en 2017. 

C’est donc après les élections générales de 2014, que l’objectif a été reporté à 2025. Si les premières années du gouvernement et du ministère des Services publics et de l’énergie étaient timides en termes de politique d’énergie renouvelable, force est de constater que certaines décisions prises récemment, de même que la mise en chantier de certains projets, sont en train d’être salués par certains écologistes.

En effet, Michel Chiffonne de Rezistans ek Alternativ salue la décision du Central Electricity Board (CEB). « Nous avons été les premiers avec Rezistan s ek Alternativ à réclamer au CEB d’éliminer l’utilisation du charbon avec les Independent Power Producers (IPP) dont les contrats vont bientôt arriver à terme. Nous apprenons que la centrale d’Alteo va être phase out. Cela veut donc dire qu’on a commencé à nous écouter », dit-il.

Refus de tout nouveau projet à base de charbon

La Mauritius Renewal Energy Agency (MARENA), créée en 2015 et au point mort pendant longtemps, est enfin sur les rails depuis le début de l’année. La finalisation de son plan stratégique témoigne du sérieux que veut démontrer cette agence.  Le président du conseil d’administration, Arjoon Sudhoo, explique que la MARENA a pour objectif de réduire l’utilisation du carbone de 30% et d'améliorer l’efficience énergétique d'au moins 20%. Ce plan stratégique fait parallèlement la part belle à l’énergie marémotrice. « Plusieurs études ont été menées par rapport à la production de l’énergie à partir des vagues avec des consultants australiens et elles démontrent que Maurice ne peut négliger le potentiel des vagues surtout dans la région sud-est », explique Arjoon Sudhoo.

Il indique toutefois que le plus grand défi se pose au niveau de l’utilisation des équipements pour l’énergie solaire et éolienne. « Il faut à présent nous mettre d’accord sur le standard des équipements utilisés et une étude sera entreprise en ce sens avec l’aide de la SADC. »

Le CEB a aussi mis en chantier une série de projets et de mesures en matière d’énergie renouvelable. Il y a d’abord l’instruction formelle de refuser tout nouveau projet conçu à base de charbon. Pour les autres projets existants, les directives sont claires. Le ratio bagasse-charbon dans les centrales doit passer à 1 :1. Des négociations sont actuellement en cours en ce sens avec des IPP tels que Terra et Omnicane.  A cela, il faut ajouter le projet de ferme photovoltaïque à Henrietta d’une capacité de 2 mégawatts, ou encore l’installation de batterie de stockage d’énergie.

Abandon des plantations

L’écologiste, Michel Chiffonne estime cependant qu’il faut davantage d’efforts. Il déplore le manque de considération du gouvernement vis-à-vis des petits planteurs qui pourraient eux aussi être des 'players' en termes d’énergie renouvelable à travers leurs terres agricoles.

Par ailleurs et concernant la décision d’obliger les IPP à utiliser davantage de bagasse, Michel Chifonne soutient qu’il faut être prudent. « De plus en plus de planteurs sont en train d’abandonner leurs plantations de cannes à sucre et plusieurs plantations de canne sont converties pour les projets de Smart Cities. Y aurait-il au final suffisamment de ressources pour produire de la bagasse ? »


Questions à Khalil Elahee - Energie renouvelable : «Nous stagnons»

khalilLe ministère des Services publics et de l’Energie espère ramener le taux de production d’électricité à partir des énergies vertes à 35% d’ici 2025. Est-ce un objectif réalisable ?
Oui à condition de passer de la parole aux actes de manière radicale, pour ne pas dire à une révolution énergétique. D’abord, il ne faut pas oublier que l’efficacité et les économies d’énergies sont indissociables des énergies renouvelables. Ensuite, il faut savoir qu’il y a 50 ans, plus de 60% de notre électricité étaient vertes. À l’époque, des pays comme le Danemark, le Portugal ou la Grande Bretagne, mais aussi des îles comme le Cap Verde, ne produisaient que très peu d’électricité verte.  Aujourd’hui, il y a des jours où ces pays roulent à 100% aux énergies renouvelables. En moyenne, ils ont passé de rien à 30%, voire plus pendant la dernière décennie. Nous parlons souvent de gigawatts d’augmentation de capacité. Ici, nous stagnons à environ 20% depuis presque 30 ans. Entre 2016 et 2017, nous avons encore perdu 1% ! Passer de 20 à 35% n’est pas une question mathématique, mais de vision et de stratégie. Je suis persuadé qu’à force de viser un changement graduel et de ne pas agir avec force, un ‘incremental change’, nous nous enfermons dans le piège, une sorte de ‘tunnel vision’ de notre avenir étroit. Il faut viser plus haut et changer d’approche…

Le CEB a décidé de ne pas renouveler le contrat d’Alteo, à Beau-Champ, qui opère une centrale à charbon et s’engage aussi à refuser tout projet énergétique à base de charbon. Est-ce suffisant pour démontrer le sérieux du gouvernement en termes de politique énergétique ?
Le gouvernement n’a pas d’autre choix que de fermer une vieille centrale inefficiente et polluante. Cela arrive avec plus de cinq ans de retard. D’ailleurs, les bailleurs de fonds, comme la Banque mondiale, ont cessé de financer des projets de centrale à charbon. Malheureusement, remplacer le charbon par le LNG dans notre politique énergétique ne montre pas le sérieux mais l’influence de certains lobbies. Pour notre futur, il faut définir un mixte énergétique durable, encourager la décentralisation comme avec des smart ‘minigrids’, soit des réseaux intelligents et interconnectés, tout en misant sur la gestion de l’énergie. Une telle volonté n’existe pas…

Selon vous, est-ce réaliste de réduire à zéro l’utilisation du charbon pour la production énergétique ?
Non seulement, c’est réaliste à l’heure où même les USA avec Trump ne peuvent rien pour sauver les centrales à charbon, mais c’est une obligation pour un petit État insulaire vulnérable au changement climatique comme le nôtre. La Chine aussi s’éloigne graduellement du charbon et les petites centrales, comparables à celles que nous avons, vont toutes fermer. Il y a des alternatives comme la biomasse, les déchets, etc. mais il faut un plan holistique.

Plusieurs écologistes déplorent le fait que le gouvernement délaisse les PME et les petits planteurs concernant la production énergétique. Votre avis ?
Ce n’est rien par rapport à la menace que présentera demain un lock-in avec le LNG. Il n’aura pas de place pour les PME, les petits planteurs, les coopératives et même les plus gros promoteurs d’énergies renouvelables comme le solaire ou les énergies marines qui devront faire de la place au LNG. Une masse critique pour le LNG aura un impact sur l’énergie dont nous avons aussi besoin pour le transport. Au fait, l’heure est à l’encouragement d’une diversité de producteurs, petites et décentralisées, au lieu de gros projets qui feront l’affaire de quelques personnes seulement.  Pourquoi ne pas encourager les consommateurs à devenir des producteurs, des ‘prosumers’ ? Cela fera avancer les renouvelables et la gestion de la demande à la fois. Nous voyons comment cela marche ailleurs. Pourquoi pas ici ?

 

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