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En attendant le grand oral : ce que révèlent les déclarations autour du Budget 2025/26

Navin Ramgoolam et Paul Bérenger prônent une reconfiguration du modèle économique.

Le Budget 2025/26, attendu pour le lundi 9 juin, ne se joue pas seulement dans les chiffres. Il s’écrit déjà dans les mots. Et ces mots, lâchés ces dernières semaines par les principaux acteurs politiques et économiques, en disent long sur l’état d’esprit d’un gouvernement confronté à une équation budgétaire des plus tendues. Ministres, économistes, ou représentants de la société civile, tous s’accordent sur une chose : le temps des illusions est terminé. Ce budget s’annonce comme celui de la vérité, de la rupture et peut-être aussi de la réparation.

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Ramgoolam plante le décor 

Le Premier ministre Navin Ramgoolam a frappé fort : « Se enn bidze dir ki pe vini ». En clair, ce ne sera pas un budget pour plaire, mais pour faire face. Une rare franchise dans un paysage politique souvent habitué aux promesses attendrissantes. Le ton est donné : l’heure n’est pas aux fanfaronnades, mais à l’austérité assumée.

Il dresse un tableau alarmant : « La dette du pays s’élève à plus de 90 %. Aujourd’hui, chaque maman, papa, jeune et enfant porte une dette de Rs 530 000 sur la tête. » Cette image-choc devient le symbole du discours de rupture. La dette n’est plus un débat de technocrates. Elle devient un poids générationnel, un fardeau presque existentiel.

Ce qui se profile, selon Ramgoolam, est une reconfiguration du modèle économique : « Souvent les hommes d’affaires recherchent ce que le gouvernement ne peut offrir. Nous ne ferons pas comme l’ancien régime qui croyait que la banque était sa propriété privée. »

Paul Bérenger, Premier ministre adjoint et leader du MMM, ne mâche pas ses mots non plus : « Zot inn fini lekonomi sa pei-la. Nous devons obligatoirement présenter un Budget difficile. » Pour lui, le discours ne doit pas se limiter à une réparation comptable, mais à une refondation des institutions : « Nous redressons les institutions une par une, à commencer par le Parlement. »

Il situe l’action gouvernementale sur un horizon quinquennal : « Nou bizin get 5 an divan nou. » Une manière de replacer le budget dans une vision de long terme, loin de toute manœuvre électoraliste. Et d’en faire un outil de stratégie nationale plutôt qu’un simple exercice de gestion.

L’heure des décisions impopulaires 

Du côté du ministère de l’Industrie, le message est tout aussi lucide. Aadil Ameer Meea alerte : « Des décisions difficiles, peut-être même impopulaires, devront être prises. » Il ajoute : « Mais si nous voulons véritablement redresser l’économie, c’est maintenant ou jamais. »

Le ton est tranché, presque dramatique. L’enjeu est de taille : rompre avec l’attentisme politique et démontrer que la stabilité économique ne peut s’accommoder d’ajournements. Loin de fuir ses responsabilités, le ministre Meea les convoque : « Le premier budget du gouvernement devra refléter les urgences économiques du moment tout en traçant les grandes lignes de notre vision pour l’avenir. »

Dhaneshwar Damry, Junior Minister aux Finances, va encore plus loin dans le détail. Il dresse un état des lieux alarmant : « Chaque citoyen, par tête, doit aujourd’hui supporter une dette de près de Rs 518 000, contre Rs 449 000 auparavant. » Il dénonce une dynamique « insoutenable », issue d’une gouvernance antérieure « irresponsable ».

Mais Damry ne se limite pas au diagnostic. Il esquisse un cap : « Notre priorité est claire : nous devons réduire la dette par des réformes structurelles et non par davantage d’endettement. » Et il avertit : « Il ne suffit plus d’apporter des mesures ponctuelles. Il nous faut des réformes de fond. »

Pour autant, le gouvernement affirme ne pas vouloir sacrifier l’équité : « Le budget touchera chaque citoyen du pays. » Et dans une note presque poétique, Damry cite Jack Ma : « Aujourd’hui, c’est difficile. Demain sera encore plus difficile. Mais après-demain matin sera très beau. »

La charge la plus directe contre les intérêts dominants est venue d’Ashok Subron, ministre de la Sécurité sociale : « Ce n’est pas une clique de capitalistes qui va tout prendre et tenir le gouvernement en otage. » Il dénonce : « Ces riches refusent de payer la Corporate Tax. Ce sont des profiteurs. »

Il milite pour un relèvement de l’impôt sur les profits : « Les 15 % devraient passer à 20 %, car la justice sociale doit primer. » Ce discours marque un changement de ton, voire une inflexion idéologique assumée. La redistribution devient un pilier de la rigueur.

Une synthèse périlleuse

Ce budget sera le socle du mandat gouvernemental. Il définira la crédibilité de l’Alliance du Changement, son rapport au réel, et sa capacité à tenir son cap face à l’opinion, aux marchés et aux institutions.

À moins d’un mois de sa présentation, tout indique que le Budget 2025/26 tentera une synthèse périlleuse entre rigueur, justice et vision. Il ne pourra pas tout faire. Mais il devra tout dire. Le pays attend non seulement des chiffres, mais un cap — clair, assumé, explicite.

L’avertissement des économistes

Face à ces annonces, les économistes appellent à la clarté, à la méthode et à l’équilibre. Pour Louis Clensy Appavoo, CEO de HLB Mauritius, « la déclaration du Premier ministre peut être interprétée comme une tactique pour préparer l’opinion à des mesures impopulaires. »

Mais il met en garde : « Le prochain Budget devra jongler entre des objectifs contradictoires : contenir le déficit sans freiner la croissance, maintenir les aides sociales tout en relançant les investissements publics. » Il appelle à une « pédagogie budgétaire sérieuse ».

Sudesh Lallchand, économiste, rappelle de son côté que « le taux de dette publique à 90 % du PIB est très élevé », et que « le gouvernement devra dire noir sur blanc quel sera l’objectif par rapport à la dette publique ». Il insiste sur l’obligation de rendre des comptes : les arbitrages devront être rendus lisibles, et les cibles chiffrées.

Les consommateurs, eux, scrutent les signes. Suttyhudeo Tengur, président de l’Association pour la protection de l’environnement et des consommateurs (Apec), salue certaines initiatives (baisse du prix des carburant, encadrement des prix) mais note leur portée limitée : « Les baisses ne se répercutent pas significativement sur le budget des ménages. » Il avertit : « Sans une accélération significative des réformes promises, un sentiment de frustration risque de s’installer. »

Il rappelle que les attentes sont immenses, surtout après une campagne électorale qui a suscité de grandes espérances.

 

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