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En attendant le Finance Bill : un dernier appel au sommet de l’État  

Ashvin Gudday, François de Grivel, Maya Sewnath et Haniff Peerun.

Avant même sa publication officielle, le Finance Bill fait déjà l’objet de vives contestations. Les syndicalistes réclament le gel immédiat de la réforme des pensions. Côté entreprises, certains aménagements sont aussi jugés indispensables.

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Ashvin Gudday : « Dès le départ, la réforme des pensions aurait dû être gelée » 

«Maurice n’est plus la même depuis le 5 juin », affirme Ashvin Gudday, négociateur à la General Workers Federation, en faisant référence à l’annonce de la réforme des pensions. Son syndicat est à l’avant-garde du mouvement de protestation, ayant rejoint la plateforme syndicale dans cette cause. Il accuse le gouvernement d’avoir agi sans légitimité. « Nous faisons campagne contre cette réforme depuis plusieurs jours. Le gouvernement n’a pas le mandat pour imposer une mesure aussi radicale. Elle ne figurait pas dans le programme électoral », soutient-t-il. 

Il constate que le gouvernement a cédé quelque peu aux tensions avec des comités pour discuter dessus et l’introduction d’un Income Support, mais selon lui, cela ne suffit pas. « Dès le départ, cette mesure aurait dû être gelée », insiste-t-il. D’autant plus, ajoute Ashvin Gudday, que la pension universelle est un droit acquis. « C’est un pilier de l’État-providence. On ne peut pas le démanteler ou en faire une mesure ciblée », avance-t-il. Il appelle donc à un retrait pur et simple de cette mesure du Budget : « Une réforme aussi importante mérite un débat national avec tous les acteurs concernés. Elle ne peut pas être introduite en catimini dans un Budget », soutient Ashvin Gudday. 

François de Grivel : « La relance de l’économie et de l’investissement est essentielle »

L’industriel François de Grivel est d’avis que la proposition de réforme de l’Income Tax pour les personnes physiques et les entreprises devrait être revue, malgré une situation marquée par une lourde dette à supporter. Car, pour lui, la relance de l’économie et de l’investissement est essentielle. 

« Il n’y a pas assez d’incitations, notamment dans les secteurs agro-industriel et manufacturier », soutient-il. Il juge également important que les investisseurs étrangers continuent à investir à Maurice, notamment dans l’immobilier, mais aussi dans les activités productives — qu’elles soient industrielles, financières ou touristiques. Il salue donc les efforts du Conseil des ministres pour revoir les diverses conditions liées à l’Income Tax. « C’est une bonne chose pour assurer cette relance économique », ajoute-t-il. Toutefois, pour que cette relance soit effective, François de Grivel appelle à un dialogue constant entre le secteur privé et le secteur public. « Sans dialogue, on n’y arrivera pas. Il faut un dialogue permanent », recommande-t-il. 

Bon à savoir : Des ajustements apportés

À la suite d’un Conseil des ministres spécial tenu samedi, le Finance Bill a été renvoyé au State Law Office (SLO) pour intégrer les amendements discutés. Ainsi, le projet de loi devrait inclure : - 

  • Un Income support, mesure ne figurant pas dans le Budget initial, mais décidée suite aux protestations sur la réforme des pensions. Ainsi, 7 500 personnes par an, sur 5 ans, bénéficieront d’une somme mensuelle de Rs 10 000. Le coût total de ce soutien est estimé à Rs 8,7 milliards. 
  • Un réajustement de la « Fair Share Contribution », cette mesure budgétaire visant les hauts revenus et les entreprises, mais jugée dissuasive par plusieurs opérateurs, qui estiment qu’elle risque de freiner l’investissement.
  • Un mécanisme de « grandfathering » et un moratoire pour le secteur immobilier. 

Maya Sewnath : « Il faut permettre aux PME de respirer »

Du côté des petites et moyennes entreprises, le ton est assez critique. Maya Sewnath, vice-présidente de la SME Chambers, regrette un manque d’écoute de la part du gouvernement. « Nous avons soumis notre mémoire pendant les consultations budgétaires, mais rien n’a été retenu. Ce Budget est une vraie déception. » Elle souligne les nombreuses tentatives pour rencontrer les ministres des Finances et des PME : « Ce n’est que vendredi dernier que nous avons pu parler pendant seulement 30 minutes avec le ministre des PME, pris par d’autres engagements. »

Maya Sewnath déplore les difficultés croissantes des PME, entre dettes impayées auprès de la DBM ou encore des contraintes pour accéder à de nouveaux financements bancaires. 

« Lors du renouvellement de contrats pour les travailleurs étrangers, les banques exigent désormais des garanties. Comment voulez-vous que les PME évoluent avec autant de contraintes ? » souligne-t-elle. S’agissant des mesures budgétaires, elle note que certains « schemes » ont été rabaissés. « Il faudra revoir tout cela pour permettre aux PME de respirer », recommande-t-elle.  Concernant le seuil d’enregistrement obligatoire à la TVA, abaissé de Rs 6 millions à Rs 3 millions, elle fait un constat nuancé :« Pour les micro et petites entreprises, c’est une charge lourde, avec une administration difficile à gérer. Mais pour les moyennes entreprises, cela peut représenter un avantage. Il faudra peser le pour et le contre. »

Haniff Peerun : « Le président ne doit pas signer le projet de loi »  

Le président du Mauritius Labour Congress (MLC), Haniff Peerun, exprime son profond désaccord avec le Finance Bill. « Le gouvernement n’a pas pris en considération l’impact social des mesures budgétaires sur les Mauriciens, surtout ceux en bas de l’échelle. Le Finance Bill n’apporte aucune solution pour calmer la tension sociale créée par ce même gouvernement qui prétend être proche du peuple, mais l’a trahi », déclare-t-il.

Il lance donc un appel au président de la République : « Il reste à savoir si le président, qui a entendu la détresse de la population à travers les médias, donnera son assentiment et signera ce projet de loi. Sera-t-il partie prenante des décisions gouvernementales, laissant ainsi le peuple continuer à souffrir ? ». Pour Haniff Peerun, le président doit agir en toute indépendance, en tant que garant de la Constitution et des acquis du Welfare State. « Il ne doit pas être un simple ‘rubber stamp’, même s’il a été nommé politiquement. »

Il appelle ainsi le président à ne pas signer le Finance Bill, afin « d’empêcher que la population continue de vivre dans la misère ». « Dans le passé, des présidents ont déjà pris des décisions courageuses. Nous ne lui demandons pas de démissionner, mais de ne pas signer ce projet de loi pour que le gouvernement revoie ses propositions qui vont clairement à l’encontre de l’intérêt du peuple », ajoute-t-il. 




 

 

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