Cette année, l’inflation globale devrait atteindre 1,5 %, selon les récentes projections de la Banque de Maurice. Est-ce un niveau suffisamment élevé pour consentir à une hausse salariale dès janvier 2017 ?
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Pour les douze mois se terminant à août 2016, a affirmé Statistics Mauritius dans un document en date du 8 septembre, l’inflation globale s’est élevée à 0,9 % (le même qu’en juin et juillet). Cet indicateur s’est maintenu dans la fourchette de 0,8 à 1,3 % sur les huit premiers mois de l’année, selon les données de la Banque de Maurice (BoM).
L’inflation globale — headline inflation — mesure l’évolution du coût de la vie sur une base annuelle. C’est la moyenne de la hausse des prix sur douze mois comparé à la précédente période correspondante. Le chiffre qui résulte des calculs donne un aperçu global des fluctuations de prix, au lieu des pics et des chutes d’un mois à l’autre. D’habitude, c’est cet indicateur qui est utilisé dans les discussions entre le gouvernement, le secteur privé et les syndicats.
Or, les syndicalistes, interrogés sur la pertinence d’une compensation au vu de ce niveau d’inflation, sont d’avis qu’il est tout à fait justifié. Leurs arguments se résument en deux principaux points. D’une part, les données de Statistics Mauritius ne reflèteraient pas forcément la réalité quand on effectue ses achats mensuels. Et d’autre part, il y a une nécessité de soutenir les employés au bas de l’échelle.
Fossé grandisssant
« Le Consumer Price Index n’indique pas la réalité. Rien qu’en se fondant sur cet indicateur pour accorder une hausse salariale annuelle, on n’arrivera pas à combler, dans une certaine mesure, le fossé grandissant entre ceux touchant des salaires dérisoires et ceux en haut de l’échelle », fait ressortir d’emblée Radhakrishna Sadien, président de la Confederation of Free Trade Unions, instance regroupant quelque 18 000 membres venant du secteur public, d’organismes parapublics et du privé. « Avec le gouvernement en place, nous sommes dans une logique d’assurer un salaire minimal aux Mauriciens. En attendant que cela se concrétise, il faudrait compenser les employés pour 2017, surtout ceux de la classe moyenne, l’épine dorsale de notre société. »
Les négociations salariales durent en moyenne un mois, avec le quantum final approuvé par le conseil des ministres. À ce jour, aucune communication officielle n’a été émise sur la question, qui touche des centaines de milliers de Mauriciens. Interrogé sur la question, le mercredi 7 septembre, au cours d’une conférence de presse, le ministre des Finances et du Développement économique a affirmé : « Je n’ai pas encore pris connaissance de tous les éléments concernant ce sujet. Je reviendrai certainement sur la question quand j’aurai toutes les données en main. »
Depuis l’installation au pouvoir du gouvernement actuel, la somme de la compensation salariale pour 2015 et 2016 a varié entre Rs 750 et Rs 850. D’abord, en 2015, l’État et le secteur privé tombaient d’accord de consentir une augmentation générale de Rs 600 à tout le monde. L’inflation globale, cette année-là, est de 3,2 %. Et l’année dernière, l’indice des prix à la consommation a chuté à 1,3 % — le niveau le plus bas sur la décennie écoulée. Toutefois, les parties concernées arrivent à un compromis sur un montant de Rs 250 pour ceux percevant moins de Rs 10 000 par mois et Rs 150 pour tout employé touchant plus.
« L’idéal serait une compensation de Rs 600, comme c’était le cas en 2015. Il faudrait tenir en ligne de compte l’évolution de la moyenne de dépenses mensuelles d’une famille de quatre personnes. C’est une meilleure indication du coût de la vie, au lieu de l’inflation que calcule Statistics Mauritius », affirme Rashid Imrith, président de la All Employees Confederation, rassemblant environ 37 000 membres des secteurs public et privé. « Nous ne devons pas attendre le National Wage Consultative Council. La question de compensation salariale est une décision politique. Il incombe donc au ministre des Finances d’inviter tous les partenaires à la table des négociations dans les meilleurs délais. »
Reste à voir maintenant le poids de la conjoncture économique du pays dans l’urgence ou la nécessité de payer une compensation. Dans les milieux des affaires et du patronat, on tient à faire ressortir qu’il y a des paramètres à respecter. Qui plus est, la croissance n’atteindrait les 4,1 % qu’à partir de la mi-2017. Et il y a aussi cette question de productivité.
Évolution de l’inflation de 2007 à 2016
Année Inflation
2007 8,8 %
2008 9,7 %
2009 2,5 %
2010 2,9 %
2011 6,5 %
2012 3,9 %
2013 3,5 %
2014 3,2 %
2015 1,3 %
2016 0,6 %*
(Source : Statistics Mauritius)
* : À fin juin
Arvind Nilmadhub, économiste : «Le quantum est plutôt une question politique»
Notre interlocuteur est d’avis que le présent système est dépassé. L’économiste Arvind Nilmadhub explique que l’accent devrait être sur les salaires dans le secteur privé.
Quel niveau d’inflation est requis pour décider si une compensation est nécessaire ou pas ?
Je vais être franc. Le système de compensation salariale dans sa forme actuelle doit être revu. Cela ne répond plus aux besoins du pays. C’est plutôt une tradition qui se perpétue, sans aucune valeur ajoutée. Il faut plutôt y réfléchir. Cela dit, le taux d’inflation n’est pas une mesure appropriée pour mesurer la compensation, parce que cet indicateur n’affecte pas tout le monde de la même manière. Mais ça, c’est un autre débat.
L’inflation est à un niveau historiquement bas. L’année dernière, l’État et le secteur privé ont cédé à la pression. Est-ce logique d’en faire de même cette année ?
Il y a eu plusieurs injections de milliards de roupies dans l’économie depuis janvier 2015. Outre la pension à Rs 5 000 par mois, nous avons eu droit au remboursement des clients de la BAI à coups de milliards de roupies. Ensuite, cette année, l’État s’est aligné sur les recommandations du Pay Research Bureau (PRB) pour les fonctionnaires. Étrangement, les commerces se plaignent de la morosité. Les Mauriciens ne dépensent pas. Mais le niveau de l’épargne n’augmente pas également. Où va tout cet argent ? Le quantum de la compensation salariale est plutôt une question politique, pas économique.
Peut-on se permettre d’être généreux une fois de plus ou pas ?
Oublions la compensation salariale pour un moment. Nous avons déjà le transport qui est gratuit pour les personnes âgées et les étudiants. Les subsides sont maintenus. Le prix du gaz ménager a baissé. Les parents ne paient pas les frais d’examens. Le gouvernement vient de lancer sa campagne d’inscription pour l’aide sociale. Si on ajoute tout cela, alors le Mauricien moyen obtient beaucoup plus que la compensation salariale. L’État est déjà assez généreux. Mais ce sont plutôt les employés du secteur privé qui ne sont pas aussi bien lotis que ceux du public. Je pense que les employés du privé méritent une bonne compensation, surtout que la plupart des entreprises du privé réalisent des bénéfices mirobolants. Il n’y a qu’à parcourir les bilans annuels pour s’en rendre compte.
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