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Électron libre - Anil Beeputh : «Trop de désirs tuent l’être humain»

Anil Beeputh Certaines tâches ménagères ne le dérangent pas. Ici, il aide sa femme à faire la vaisselle.
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Il est de cette race d’individus qui déposent rarement leurs armes et sont prêts à saisir les instances pour dénoncer les travers de la société. À 65 ans, Anil Beeputh reste ‘alive and kicking’ comme à ses 20 ans. À Cassis, il est connu comme un « agitateur social incorruptible », le dernier de son espèce.

Tous les matins, balai à la main, Anil nettoie devant sa maison.
Tous les matins, balai à la main, Anil nettoie devant sa maison.

Comme tous les matins, Anil Beeput balaie devant sa porte. Tignasse blanche, barbe finement taillée, sa vitalité ferait pâlir plus d’un adolescent, tant il dégage de l’énergie. « Moi, je suis résolument positif, les tracas passent », dit-il. Dans sa rue, les passants qui le croisent le saluent. La famille Beeputh était l’une des premières à s’enraciner dans la région où résident encore les parents Vallijee, une richissime famille gujaratie, proche des Currimjee, qui a donné son nom à la localité. Anil connait bien cette histoire.

Dans sa maison toute en longueur, il préserve les meubles qui lui rappellent ses parents. Son père, Siwa, était infirmier et il avait recueilli d’autres parents. « Avec son salaire, les pensions, il a fait vivre une tribu de 12 personnes, dont une tante et ses deux enfants. La philosophie arya-samajiste le guidait, c’est grâce à lui que j’ai pris des leçons chez le pandit Basdeo Bissoondoyal. » Anil est le seul garçon parmi quatre filles. Il fait figure de vilain petit canard, car sa vie est un livre d’aventures marqué par des paradoxes. La figure du Che n’est jamais loin de celle de Shiva. « Je suis à la fois athée et croyant, version spiritualité. »
Trois collèges fréquentés

Après l’école d’État de Cassis, il fréquentera trois collèges de la capitale : Trinity, Port Louis High School et Bhujoharry. En 1975, il s’en va à Chandigarh étudier la psychologie, l’anglais et la sociologie, alors que son père le voyait plutôt avocat.

En 1979, un avion revenant d’Inde se crashe : il y a sept Mauriciens parmi les victimes. Son père croyant qu’il en fait partie est victime d’une crise cardiaque. À son retour, Anil vient grossir l’armée des gradués-chômeurs, creuset du militantisme MMM. Pas lui. « La politique ne m’a jamais tenté, je me suis fait à l’idée que tous les partis politiques se ressemblent au fond », dit-il.

Après trois ans de chômage, il décroche un job de Postal Officer, puis épouse Mirella, jeune métisse sino-indienne, durant une cérémonie réduite à quelques proches. Après la poste, il intègre le service des Douanes puis devient inspecteur du travail. Il n’y fera pas long feu et rejoint la sucrerie Ste Marie Hussonia, à Gros-Cailloux. Ensuite, il alternera les boulots à court terme et les périodes de chômage. Durant ces années, il croise le combat d’Eddy Sadien, directeur de l’Association culturelle de Tranquebar, dont il est toujours le trésorier. Ensemble, ils se joignent à l’association CEDREFI où militent feu KishoreMundil, Pynee Chellapermal et son cousin Raj Dassyne.

Marchand de boulettes

On le retrouvera marchand de boulettes, où il se fait escroquer par son partenaire en affaires, puis Personnel Manager à l’usine de textile Manupan, où il incite les ouvriers à la grève, ou chauffeur de taxi ‘marron’ sans permis.

« Dans le cas des boulettes, je me suis rendu compte que je n’avais pas du tout l’âme d’un commerçant, je suis trop tolérant », dit-il. En 2003, il est secrétaire de l’association ‘Taxi Malere’, que dirige Mario Flore. Il y croise l’avocat Rama Valayden : « C’est alors que ma période d’activisme social a vraiment commencé. »

Son engagement le conduit devant l’ambassade américaine, gros financier des ONG locales qui, selon lui-même, Eddy Sadien et Salim Muthy, ne sont pas toutes crédibles ou sont simplement des organisations ‘fantômes’. Durant la manif devant l’ambassade, Anil n’hésitera pas à dire que l’ambassade avait failli à ses devoirs. « On lui avait remis une lettre, or c’est un ‘attendant’ qui l’a ouverte. L’ambassade a admis son erreur et s’est excusée », se souvient-il.

Aujourd’hui, Anil est engagé dans le combat pour récupérer les terres volées durant la colonisation ; estimant que la Commission Vérité et Justice n’a pas accompli son travail jusqu’au bout, 'par crainte des lobbies'.

« On attend les recommandations de Dev Manraj », dit-il. En attendant, Anil est toujours pris avec ses amis, plus que sa famille. « Ma famille, c’est ma femme, et mon fils qui a réussi son parcours scolaire. Au CPE, il était brillant en mathématiques. Cela me réjouit », lance-t-il. Pour le reste, cet activiste se contente de peu : un toit, de quoi se remplir la panse dignement. « Trop de désirs tuent l’être humain », déclare-t-il philosophiquement.

“Dépénalisons la consommation du cannabis”

C’est un combat sans relâche chez Anil Beeputh. Un engagement qu’il soutient à coups d’arguments massue. « Tous les pays ayant légalisé la consommation du cannabis ont connu une baisse de la petite criminalité liée à la drogue. À Maurice, le lobby des alcools est trop puissant. Je ne réclame pas la légalisation, mais la dépénalisation », dit-il. « Un certain nombre de jeunes professionnels consomment le cannabis et ne s’en portent pas plus mal, ça n’altère pas leurs capacités intellectuelles. J’ai fait mon plaidoyer sur les radios privées, mais à chaque fois, on fait l’amalgame entre drogues dures et cannabis, faussant les débats. »

 

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