Ehsan Abdool Rahman est un Meta Coach professionnel qui encadre les leaders du pays dans différentes sphères d’activité. Fort de son riche passé de citoyen engagé, il porte un regard acéré sur cette île Maurice complexe qui se construit contre vents et marées. Membre engagé du défunt Institut pour le Développement et le Progrès (IDP ) au plus fort de son action libératrice, chantre du mauricianisme, poète, Ehsan est un de ces rares êtres de lumière pouvant changer notre vision du monde. Lindley Couronne a entamé une intéressante discussion avec lui.
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Qui est Ehsan Abdool Rahman ?
Je dirai d’abord et avant tout un Mauricien riche de la diversité qui m’a habité depuis mon enfance. Enfant de Port-Louis, scolarisé au collège Bhujoharry, je vis maintenant à Albion.
Vous avec un parcours riche et varié : dans le textile, comme Senior Adviser au Ministère de l’Éducation, sept ans dans les services financiers. À travers des études spécialisées, vous avez aussi affiné votre connaissance du développement organisationnel et vous êtes maintenant à votre compte comme Meta Coach. Expliquez-nous en quoi consiste ce métier ‘étrange’.
J’appartiens à une école de coaching neuro sémantique qui met l’accent sur l’accompagnement des personnes dans leur quête de sens et de la performance holistique : ce qui touche à la tête, le corps, les émotions et par extension à notre qualité de vie. Mon job consiste à pousser les leaders des compagnies et autres corporates à déverrouiller leur potentiel humain, au-delà des pertes et profits !
On connaît moins le Ehsan Abdool Rahman engagé au plus profond de notre société. IDPiste, jeune idéaliste jetant des passerelles entre les religions et cultures, grand admirateur du père Souchon et militant des droits humains. Cet Ehsan existe-t-il encore ou a-t-il disparu avec son activité professionnelle et son ‘frottement’ avec les capitalistes?
(Sourire)
La diabolisation des détenteurs de capitaux n’est plus, selon moi à l’ordre du jour.
Non. Je demeure un citoyen actif et attentif de ce pays que j’adore et j’espère lui être utile. J’ai juste fait le choix d’être plus discret. Vous me forcez à dire que j’accompagne aussi les leaders des ONG bénévolement et suis sollicité par divers acteurs de la société civile. D’ailleurs, je suis l’évolution de DIS-MOI avec intérêt, et surtout votre volonté de vous établir dans le sud-ouest de l’océan Indien. Je peux vous dire que je suis disposé à vous aider dans cette démarche.
Vous n’avez donc pas perdu cette fibre militante de travailleur social !
Non, heureusement sinon je ne pourrais pas me regarder dans un miroir ! Le militantisme est le fil conducteur que guide ma vie. Lorsque j’étais au collège Bhujoharry, des amis et moi avions fondé un club que nous avions nommé ‘Jeunesse indépendante ’. À cette époque, il y avait beaucoup de clubs dans le pays et l’expression ‘Members only’ était courante. Nous sommes allés à contre-courant et notre devise était ‘Pa zis pou Nou’. Les premières personnes que nous avons accueillies étaient des SDF et nous partagions nos repas et vivions même avec eux. Par la suite, j’ai vécu une belle aventure humaine avec l’Institut pour le Développement et le Progrès (IDP) et avec l’extraordinaire être humain qu’était le père Henri Souchon.
Changeons de registre, M. Rahman. Au niveau politique, nous sentons des citoyens qui ont perdu toute confiance en la classe politique, tous partis confondus. Y-a-t-il de la place pour un nouveau système politique ou sommes-nous condamnés aux dynasties Ramgoolam-Jugnauth ?
Mon constat est triste et impitoyable. Aujourd’hui notre démocratie est l’otage de ‘money politics’. Tout s’achète et se vend. Nos votes s’achètent et nous avons développé, durant ces trois dernières décennies, une culture politique qui atrophie notre démocratie et nous éloigne des enjeux sociétaux. Ce qui est plus terrible, c’est que des professionnels de la communication (du domaine politique) sont arrivés à manipuler nos esprits et déformer nos pensées. Je vais même plus loin, nos acteurs politiques sont aujourd’hui otages de la logique castéiste et communaliste. Par conséquent, la fonction publique et toutes les institutions publiques et paraétatiques sont asservies à cette logique et, disons-le franchement, à une politique discriminatoire au niveau de l’emploi.
Quel regard portez-vous sur cette société mauricienne qui a opté pour l’ultralibéralisme, que d’aucuns qualifient de capitalisme sauvage ?
Nous avons aujourd’hui plus de questions que de réponses, plus de doutes que de certitudes dans cette République de Maurice en pleine transition. La quête de sens et de finalité est plus que jamais présente. En choisissant l’ultralibéralisme, nous sommes entrés de plain-pied dans la société de consommation et du gaspillage. Avec les avantages matériels que cela comporte et les nombreuses contradictions y relatives. Ce dérèglement lié à la mondialisation apporte des fractures. Et dans un système politique à bout de souffle et incapable de se réinventer, il y a beaucoup de menaces potentielles. Surtout avec la discrimination institutionnelle mentionnée plus haut et qui est un frein au véritable développement du pays.
Vous donnez donc raison à l’‘Affirmative Action’ qui stigmatise la violation des droits des minorités à Maurice ?
En tant que citoyen responsable, je ne peux évoluer dans le déni. Collectivement, si nous voulons d’une république digne de ce nom, où les droits humains ne sont pas une théorie abstraite, si nous voulons d’une citoyenneté égale pour tous, nous devons admettre qu’il existe des citoyens laissés pour compte dans ce pays.
Comprenez bien, ce n’est pas une question ethnique ou communale que de reconnaître, surtout à la veille de la célébration de l’Abolition de l’esclavage, le fait historique qu’une frange de notre population, depuis l’Indépendance, les Afro-Mauriciens, ont été victimes de discrimination et ne bénéficient pas de chances égales. Il faut dire que ce pays est assis sur un volcan. La chance que nous avons, c’est notre filet de protection à travers notre Welfare State. Ce filet atténue les méfaits du capitalisme sauvage présent à travers le monde. Aux USA, pays le plus riche de la planète, si tu es gravement malade et n’as pas les moyens de te soigner, c’est la mort assurée.
Pensez-vous que les droits des minorités ont sa raison d’être dans ce pays ?
Évidemment. Il suffit de voir le scandale des recrutements dans tous les secteurs de la fonction publique. Les institutions n’ont aucune crédibilité et plus le respect qu’elles devraient avoir des citoyens. Micheline Virahsawmy, plus de 30 ans de cela, se réappropriait la fameuse berceuse ‘La Rivière Tanye’ pour fustiger la société où la méritocratie est bafouée et où les compétences ne comptent pas ‘Nek kuler ek ou nom ki divan’. L’île Maurice de 2019, il est triste de le souligner, n’a pas changé en ce sens.
Dernière question. Y-a-t-il une culture des droits humains à Maurice et comment voyez-vous son évolution ?
R9 : Honnêtement, mis à part DIS-MOI qui est la référence en matière de sensibilisation et de formation des jeunes à Maurice, je ne vois pas beaucoup d’initiatives en ce sens. Amnesty International, il y a une dizaine d’années, faisait ce travail et a beaucoup fait pour améliorer la culture des droits humains. Ce qu’entreprend DIS-MOI est très sain et prometteur pour l’avènement d’une meilleure île Maurice. La dimension régionale de votre travail est tout autant exaltante. Vous mettez en pratique l’idéal de l’indianocéanie et c’est une excellente chose de pouvoir ‘Koste lepepe océan Indien’ (Patrick Victor).
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