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Eau : l’Objectif 24/7 remis en question

Selon Prem Saddul, l'approvisionnement en eau se fait périodiquement pour 40 % de la population.

Il reste un peu plus d’un an au gouvernement pour réaliser sa promesse d’une fourniture d’eau 24/7. Si on s’attend que le Bagatelle Dam améliore considérablement la situation d’ici l’année prochaine, l’objectif pourrait être, malgré tout, difficilement réalisable.
 
Le gouvernement ne dispose que d’une petite année pour concrétiser sa promesse de fournir de l’eau au pays tous les jours et à toute heure.
Le ministre de l’Énergie et des Services publics, Ivan Collendavelloo, l’a même réaffirmé un peu plus tôt cette année. De surcroît, il est sûr d’y arriver avant la fin du mandat de ce gouvernement mais, dans les faits, en sera-t-il capable ? Actuellement, les efforts des autorités se concentrent sur l’entrée en opération du Bagatelle Dam une fois l’entrée en service de sa station d’épuration l’année prochaine et le remplacement de vieux tuyaux qui laissent échapper au moins la moitié de l’eau potable produite dans le réseau de distribution. Certes, personne ne nie que ces deux projets devraient avoir un impact considérable d’ici l’année prochaine, toutefois, les doutes subsistent sur la promesse de distribuer l’eau 24/7.

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Harry Booluck, ancien directeur de la Central Water Authority (CWA), reste dubitatif. « Le problème de l’eau n’est pas politique, même si le gouvernement l’a politisé »,  commente-t-il. Il ajoute : « L’objectif de fournir de l’eau sur une base 24/7 ne sera pas atteint ni aujourd’hui ni dans un futur proche ». Une telle ambition est réalisable, assure l’ancien directeur, mais pas maintenant, plutôt dans des années, selon lui.  « Ce sont des promesses, simplement pour leurrer les personnes », assure Harry Booluck.

Pourquoi un tel pessimisme? L’ancien directeur de la CWA cite le facteur météorologique : « Nous entrons dans la période sèche, après les grosses pluies de décembre à avril. En hiver, il ne pleut pas assez et ce sera la même chose l’année prochaine ». Dans ces conditions, il est difficile d’assurer une fourniture ininterrompue toute l’année. 

Et le Bagatelle Dam ? « Ce barrage va aider à réduire la pression » consent-il, « mais cela ne suffira pas pour régler tout le problème. C’est la même chose pour le Rivière-des-Anguilles Dam dans le Sud ».

Prem Saddul, également ancien président de la CWA, préfère relativiser et mettre les choses en perspective : « Il faut d’abord souligner qu’environ 60% de la population sont desservis sur une base 24/7. Dans les poches, où il y a de gros problèmes, c’est là où il faut mettre le paquet pour améliorer la fourniture ». Et cela requiert des investissements massifs. « Ce gouvernement ne pourra pas nécessairement réaliser  son objectif,  bien qu'il soit réalisable », selon lui. 

Quoiqu’il arrive, le Bagatelle Dam est condamné à changer la donne pour une bonne partie de la population au cours de l’année 2019, selon Prem Saddul. « Une fois que la station d’épuration sera opérationnelle, tout le Nord de Rivière-Noire, les basses Plaines-Wilhems et Port-Louis seront connectés ». Avec la mise en service de cette station, on s’attend qu’environ 70% à 75% de la population aient de l’eau courante 24/7. Faute de 100% de fourniture 24/7, Prem Saddul estime que le gouvernement peut viser un bon pourcentage de réussite en un an.

Il rejoint Harry Booluck sur un point : la météo et le climat vont considérablement compliquer la tâche des autorités. Il explique : « De plus en plus, les tendances par rapport à la pluviosité changent. Le mois de septembre devient plus humide que le mois d’août et le mois le plus pluvieux de l’année est mars, plutôt que février. » Le décalage est temporel et spatial : il ne pleut plus dans les mêmes lieux qu’auparavant. De plus, le retour prochain d’El Nino dans la région ne va pas arranger les choses. 

« Il faudrait repenser à toute la politique de captage », estime Prem Saddul. Selon lui, il faudrait multiplier les mini-réservoirs autour du pays, surtout dans le triangle humide formé par Vacoas-Mahébourg-Souillac, d’où l’importance du barrage de Rivière-des-Anguilles, situé au beau milieu de ce triangle. Les autres barrages augmenteraient considérablement le volume d’eau capté. 

Les zones rouges en approvisionnement en eau

L’ancien président de la CWA, Prem Saddul, estime qu’il y a des « poches » de problèmes de fourniture d’eau dans le pays, alors que plus de la moitié de la population jouit d’une fourniture d’eau ininterrompue. Il identifie les régions suivantes comme étant celles qui sont les plus affectées et qui doivent faire appel le plus souvent aux camions-citernes :

  • Rose-Hill et Beau-Bassin
  • Coromandel
  • La côte ouest, de Flic-en-Flac jusqu’à Baie du Cap, Case Noyale et Chamarel
  • Le Sud

Les milliards de la CWA dans les projets de production et de distribution

La stratégie de la CWA pour assurer une bonne fourniture d’eau tourne essentiellement autour de l’amélioration des infrastructures, notamment le stockage et du réseau de distribution. En d’autres mots, il s’agit de la construction de réservoirs et de stations d’épuration, ainsi que le remplacement de vieux tuyaux qui laissent échapper la moitié de l’eau potable produite. On parle de milliards d’investissements au total. Voici la liste des projets les plus onéreux prévus par la CWA pour la période 2015-2019 :

Autour du Bagatelle Dam

  • Construction de la station d’épuration - Rs 1,25 milliard
  • Construction du pipeline de la station d’épuration de Bagatelle à Sorèze - Rs 228 millions
  • Construction du pipeline de la station d’épuration de Bagatelle à Belle-Rose et Rose-Hill - Rs 182 millions

Projets de stockage

  • Nouvelle station de traitement pour La Ferme - Rs 400 millions
  • Travaux d’amélioration à la station d’épuration de Mont-Blanc - Rs 187 millions
  • Nouvelle station d’épuration à Rivière-des-Anguilles - Rs 1,6 milliard
  • Construction de cinq nouveaux 'service reservoirs' à Alma, Balisson, Rivière Dragon, Cluny et Riche-en-Eau - Rs 125 millions
  • Nouvelle station d’épuration à Grande-Rivière Sud-Est - Rs 425 millions
  • Remise à neuf et extension de la station d’épuration de La Nicolière - Rs 715 millions

Projets de distribution

  • Projet de 'non revenue water’ dans la région 'Upper Mare-aux-Vacoas' - Rs 1 milliard
  • Remplacement de tuyaux à Beau-Bassin et Rose-Hill - Rs 500 millions
  • Remplacement de tuyaux à Roche- Bois - Rs 100 millions
  • Remplacement de tuyaux à Vallée-des-Prêtres - Rs 180 millions
  • Renouvellement du réseau Roche-Bois - Plaine-Verte - Rs 100 millions
  • Pipeline Alma-Malinga - Rs 100 millions
  • Renouvellement du pipeline de Pierrefonds - Rs 300 millions
  • Remplacement de tuyaux de Rose-Belle à Beau-Vallon - Rs 250 millions
  • Renouvellement du pipeline de Grand Bel-Air à Ville Noire - Rs 120 millions
  • Remplacement des principaux tuyaux de Piton-du-Milieu à Quartier-Militaire - Rs 100 millions
  • Lallmatie, Brisée-Verdière et Laventure - Rs 200 millions
  • Réseaux Rivière-du-Rempart - Roches--Noires - Rs 220 millions

Collendavelloo sur l’affermage et l’augmentation des tarifs

Le ministre de l’Énergie et des Services publics, Ivan Collendavelloo, a répondu à pas moins de deux Private Notice Question (PNQ) sur le projet d’affermage de la Central Water Authority (CWA) cette année, l’une en avril et l’autre en juillet. S’il s’est surtout évertué à rassurer par rapport à la phobie de la privatisation, il a également indiqué qu’il n’était pas question d’une augmentation de tarif, bien que le bruit courrait avec insistance que ce n’était qu’une question de temps.

Sous le contrat d’affermage, chapeauté par la Banque mondiale, la CWA demeurerait propriétaire de toutes les infrastructures et de ses actifs. Le partenaire privé prendrait la relève uniquement en termes de gestion et obtiendrait un paiement de la CWA pour ses services. L’idée est de professionnaliser les services de la CWA, particulièrement avec l’expertise et la technologie étrangères.

« Il n’était jamais question d’une majoration généralisée des tarifs de l’eau ». C’est la garantie donnée par le ministre au Parlement. Il a aussi précisé qu’il était uniquement question de ciblage. Les ménages consommant plus de 50 m3 d’eau par mois se verraient frappés d’une augmentation de 30%. Dans sa réponse à la question du leader de l’opposition, Ivan Collendavelloo a même pris à contre-pied le directeur de la CWA, Yousouf Ismaël, qui avait cité des chiffres concernant une potentielle augmentation dans la presse.

Concernant le calendrier pour l’allocation du contrat d’affermage, le « Request for Proposals » devait être lancé ce mois-ci et le partenaire stratégique sélectionné avant la fin de l’année. 


Le rôle de la recherche dans le développement du secteur de l’eau

Il n’est pas rare, quand un pays fait face à certains défis, que ses universitaires contribuent à la quête d’une solution durable. Est-ce le cas pour le secteur de l’eau avec l’Université de Maurice ? Trois chercheurs du département du génie civil, le Dr Manta Devi Nowbuth, Yashwaree Baguant Moonshiram et Deejaysing Jogee étudient notamment la question. Le Dr Manta Nowbuth a révélé au Défi Plus les sujets spécifiques sur lesquels ses pairs et elle travaillent.

Première précision : le soutien des universitaires dans le secteur de la fourniture d’eau n’a rien de nouveau. « Depuis le début des années 70, l’UoM a été un partenaire-clé dans le développement du secteur de l’eau », explique-t-elle. « Nous avons différents programmes dans le domaine de l’ingénierie et de l’agriculture, notamment. Un programme dédié, un Diploma in Hydrology, a même été offert pour répondre aux besoins du pays ».
Actuellement, ce soutien se traduit en termes de travaux de recherches avec la collaboration des partenaires régionaux et internationaux. « Nous avons des études en cours sur l’entrée de l’eau de mer », explique Manta Nowbuth, avant d’ajouter : « Cela nous donne des informations fiables sur l’étendue de l’intrusion de l’eau de mer à l’intérieur des terres et peut nous guider sur l’emplacement des forages sur la côte ».

Deuxième étude en cours : l’utilisation de la géophysique pour dresser une carte des flots et la direction de l’eau souterraine dans les formations basaltiques. Cette étude doit également aider à identifier les sites potentiels de forage pour l’eau potable. 

Un troisième projet, qui vient de démarrer, concerne l’identification des sources de pollution de l’eau potable : « Nous utilisons des isotopes stables dans un projet de surveillance environnementale pour identifier les sources de pollution. Cette étude va également réduire les coûts dans le traitement de l’eau ».

Toutefois, la chercheuse estime que l’UoM pourrait en faire plus, surtout en termes de formation. « Récemment, nous avons vu de gros investissements dans le secteur de l’eau pour améliorer et réhabiliter les infrastructures. En parallèle, des fonds devraient être alloués pour la formation, afin de s’assurer qu’on dispose des compétences nécessaires pour garantir un développement et une gestion durables du secteur ». Un rôle que l’UoM pourrait aisément jouer, selon elle, si les autorités venaient de l’avant avec une proposition.

 

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