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Drogue, corruption et protection

Comme indiqué, à juste titre,  par le travailleur social Ally Lazer devant la commission Lam Shang Leen, les plus gros obstacles dans la lutte contre la drogue demeurent la corruption et la protection occulte. Trois décennies après la première commission d’enquête présidée par sir Maurice Rault, qui avait levé le voile sur les gros trafiquants et leurs complices, le commerce de la mort n’a point connu de répit. Bien au contraire ! Les toxicomanes sont devenus de plus en plus jeunes et dans les collèges, la situation est, paraît-il, bien plus sérieuse qu’il ne semble, car beaucoup de cas ne sont tout simplement pas rapportés pour ne pas éveiller les soupçons et entacher la réputation des établissements concernés. Un immense espoir est, par conséquent, fondé sur cette nouvelle commission d’enquête qui a déjà atteint sa vitesse de croisière. Si le combat contre ce fléau constitue une véritable course contre la montre, c’est parce que la drogue demeure toujours – devançant même le sexe – le commerce le plus rentable, tant au niveau local qu’international. Un marché florissant, des profits énormes, des réseaux  organisés : la drogue représente, en effet, un pactole de plus en plus attrayant, à Maurice comme ailleurs. Pourtant, pour une île comme la nôtre, qui ne produit pas de drogue dure, une place dans le peloton de tête au niveau mondial en ce qu’il s’agit de la consommation des opiacés aurait dû, depuis belle lurette, interpeller nos dirigeants et susciter une profonde réflexion quant à la stratégie à mettre en place pour mener le combat. Il est évident que le durcissement des peines, qui ne constitue qu’une démonstration théorique de la volonté de réprimer la toxicomanie, n’a pas produit les résultats escomptés. D’ailleurs, presque toutes les conventions internationales sur la drogue signées ces dernières décennies indiquent, qu’au-delà de la répression, la prévention, l’éducation et la thérapie doivent occuper une place prépondérante dans cette lutte. Si les drogues de synthèse, fabriquées dans des laboratoires clandestins douteux à partir des produits hautement toxiques, sont en train de gagner du terrain, si les deux points d’entrée de l’héroïne depuis son introduction sur notre territoire au début des années 80 n’ont jamais pu être sécurisés, si la drogue et autres produits prohibés ne sont jamais en manque dans un circuit fermé comme la prison d’où, selon les observations d’Ally Lazer, proviendraient les plus grosses commandes, c’est qu’il existe vraisemblablement de graves manquements au niveau du fonctionnement des institutions concernées, à commencer par les forces de l’ordre. Par ailleurs, la précarité engendrée par un système économique de plus en plus compétitif et sélectif constitue un autre facteur non moins significatif ayant suscité une recrudescence du trafic des stupéfiants dans le monde. Cette précarité-là tend à exclure du train du développement un nombre grandissant de jeunes et de moins jeunes. En effet, la concurrence internationale féroce a jeté des millions de  travailleurs dans les affres de la narco-économie, qui est devenue leur seule chance de survie. En Amérique latine, plus de deux décennies de guerre acharnée contre la drogue n’a pu faire reculer la culture de coca dans les Andes, où elle occupe encore environ 150 000 hectares et continue d’alimenter un marché estimé à plus de $100 milliards, selon les experts. Si l’exploitation semble avoir perdu du terrain en Colombie, premier producteur mondial de cocaïne, c’est pour en regagner chez ses voisins, le Pérou et la Bolivie, toujours selon les mêmes sources. Ainsi, c’est à une mise à plat du système économique mondial marqué par de profondes inégalités qu’il convient de se livrer pour tenter d’éradiquer un fléau devenu planétaire. À Maurice, il est temps de sortir des sentiers battus, de faire preuve d’une réelle volonté politique et institutionnelle – mise à part la fermeture de la Natresa –, mettant l’accent sur la conscience professionnelle pour un assainissement de notre société « à la dérive », comme le reconnaît le Premier ministre lui-même, et sauver une jeunesse enfouie dans la désespérance.
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