Ce cas lève le voile sur les étrangers clandestins qui travaillent au noir dans le pays pour le compte de certaines compagnies. Si le ministère du Travail accuse les services de l’immigration de laxisme, ledit organisme lui renvoie le blâme. Le dossier des travailleurs étrangers qui vivent clandestinement dans le pays refait surface surtout depuis le décès du ressortissant chinois Ding Hong Guang. Ce dernier, qui est arrivé à Maurice muni d’un Business Permit de 30 jours, a été embauché par la firme China State Construction Engineering Corporation Ltd afin d’accorder une expertise technique au projet.
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Selon nos recoupements, une centaine d’étrangers possédant des visas de touristes, d’Occupational Permits, ou encore de Business Permits travaillent au noir pour le compte de plusieurs individus et autres petites et moyennes entreprises. Ils seraient tous issus des pays asiatiques. Environ 400 autres étrangers qui détiennent des ‘Work Permits’ et qui ont déserté leurs lieux de travail officiels, dont la majorité sont d’origine indienne et bangladaise, travaillent illégalement chez nous. Ils sont employés dans les secteurs d’activités tels que la construction, le textile, la boulange, ou encore les secteurs tournés vers l’exploitation des produits finis. Une infime minorité opère dans le circuit touristique comme animateurs sportifs.
Comment deviennent-ils des travailleurs clandestins ? « C’est simple. Une fois à Maurice, ils se font facilement leurrés par certains individus ou certains directeurs de petites compagnies, étant donné que ces derniers leur proposent un salaire plus attrayant. C’est ainsi qu’ils désertent leur lieu de travail officiel et leur lieu d’hébergement pour travailler ailleurs. Le temps passe et ils deviennent clandestins à Maurice », explique une source. Mais, précise notre interlocuteur, c’est un scénario courant. Il y a d’autres cas comme, par exemple, la surexploitation des étrangers et la rétention de passeports par les directeurs de compagnies. Las de cette situation, certains étrangers désertent leur lieu de travail et s’évaporent dans la nature.
Le Défi Plus est en présence d’une copie de la Non Citizen (Employment Restriction) Act où la cédule 3 de l’article 4 est claire concernant l’embauche des clandestins, ou encore les sans-papiers qui cherchent du travail sur le sol mauricien. La loi prévoit une amende de Rs 20 000 à Rs 50 000 et une peine d’emprisonnement pour ceux trouvés coupables de ces délits. Le ressortissant étranger coupable doit, selon la loi, purger sa peine d’emprisonnement à Maurice, être décrété 'Persona Non Grata' sur le sol mauricien et est ensuite rapatrié vers son pays d’origine.
Pour rappel, le ‘Work Permit’ est délivré par le ministère du Travail et de l’Emploi en fonction de la durée du contrat d’embauche. Le temps de séjour varie entre quelques mois et quelques années. Le ‘Business Visa’, en revanche, est de 90 jours. Le détenteur dispose toutefois de 30 jours additionnels mais doit quitter le sol mauricien après les 90 jours d’hébergement comme ple dicte la loi. Le visa de touriste est accordé à l’aéroport de Plaisance à l’arrivée du ressortissant étranger. L’octroi du visa dépend toutefois du comportement et du lieu d’hébergement, entre autres, de celui qui le réclame.
Le Ministre du Travail : «Le PIO doit assumer ses responsabilités»
Le ministre du Travail et de l’Emploi, Soodesh Callichurn, n’y est pas allé de main morte. Dans une déclaration exclusive au Défi Plus, ce dernier a fait ressortir qu’il est du devoir des services de l’immigration de traquer les étrangers lorsque leur permis de séjour arrive à expiration. Le ministre a aussi fait ressortir qu’il compte demander que les employeurs des sans-papiers soient poursuivis et qu’il y aura un contrôle plus rigoureux pour traquer ceux qui emploient des personnes en situation irrégulière. Selon des renseignements, une correspondance dans ce sens a déjà été adressée au Commissaire de police et aux responsables du PIO.
« Le ministère du Travail et de l’Emploi délivre des ‘Work Permits’ aux travailleurs étrangers. L’Economic Development Board délivre toutefois des ‘Occupational Permits’. Le PIO octroie des ‘Business Visas’ à des ressortissants étrangers qui ont des expertises techniques. Mais le ministère ne dispose pas de relevés sur ces étrangers une fois qu’ils se retrouvent dans la clandestinité. C’est la raison pour laquelle les officiers des services de l’immigration doivent assumer leurs responsabilités lorsque les permis de séjour des ressortissants étrangers arrivent à terme », fait ressortir le ministre Callichurn.
Ce dernier a ensuite souligné que son ministère « fait de son mieux pour traquer les travailleurs en situation irrégulière. Le ministère du Travail et de l’Emploi sera dorénavant intransigeant envers les entreprises qui emploient la main-d’œuvre étrangère clandestine. Le ministère, le PIO et le bureau du Commissaire de police travaillent sur un protocole visant à sanctionner sévèrement ces employés qui commettent un grave délit en connaissance de cause », annonce le ministre du Travail et de l’Emploi. Ce dernier propose aux officiers de l’immigration d’initier des actions afin de traquer les clandestins au bout de cinq jours après l’expiration de leur permis de séjour.
Inspecteur Shiva Coothen : «Ce n’est pas uniquement la responsabilité du PIO»
L’inspecteur Shiva Coothen, le responsable de la cellule de communication de la police, qui intervenait au nom de l’ASP Manoj Luchan, le patron des services de l’immigration, a fait ressortir que la traque des clandestins n’est pas uniquement la responsabilité du PIO mais de tous les citoyens. « Le bureau de l’immigration effectue un travail colossal en ce qu’il s’agit du contrôle des travailleurs étrangers sur notre territoire. Normalement, à chaque fois que le bureau de l’immigration est au courant de l’expiration des permis, la ‘Tracking Team’ de ce service fait tout pour retracer les travailleurs étrangers à travers des opérations minutieuses. Le rapatriement des clandestins s’ensuit. Ces policiers rencontrent souvent des obstacles, car ils ne disposent pas suffisamment d’informations concernant les agences de recrutement et les employeurs. La police n’est informée que lorsqu’un travailleur clandestin est porté manquant. Mais qu’en est-il de la responsabilité citoyenne ? N’est-il pas du devoir de tout un chacun d’informer les autorités si un cas de clandestinité présumé est remarqué ? "Nous ne sommes pas là pour harceler les travailleurs étrangers sur notre territoire aussi longtemps qu’ils sont en règle, mais une fois qu’un étranger se retrouve dans l’illégalité, le service de l’immigration va sévir », précise l’inspecteur Shiva Coothen.
Des hauts gradés au Central Criminal Investigation Department travaillant sur le dossier de la clandestinité et du trafic humain ont aussi été approchés. L’un d’eux explique, sous le couvert de l’anonymat, que l’une des raisons qui poussent une compagnie à embaucher la main-d’œuvre étrangère est la maximisation des profits par la compagnie. « Il y a beaucoup d’individus et de compagnies qui embauchent de la main-d’œuvre étrangère sans procéder aux vérifications nécessaires. Pour ces patrons, c’est le profit qui compte. Les travailleurs ne perçoivent aucune augmentation de salaire, sont hébergés dans des conditions non-conformes aux Health and Safety Regulations et ne sont couverts par aucune police d’assurance. Dans certains cas, des ouvriers se sont plaints de ne pas être rémunérés comme il se doit. Certains touchent Rs 300 par jour et ont droit à un repas. Mais dans le fond, ces compagnies deviennent complices de ces démarches illégales qui constituent un délit grave de trafic humain tant décrié dans plusieurs rapports internationaux », soutient notre source.
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