À la veille du lancement de la campagne de vaccination contre la Covid-19, c’est un sentiment mitigé qui anime les frontliners du service hospitalier. Avec la nécessité de se faire vacciner pour se protéger, se mêle l’appréhension face à un vaccin « méconnu » et « redouté » comme ces vaccins ont été conçus dans un très court délai.
Le coup d’envoi de la campagne de vaccination contre la Covid-19 sera donné ce mardi 26 janvier à l’hôpital Victoria. Cela, grâce au don de 100 000 doses de vaccins AstraZeneca-Oxford du gouvernement indien dans le cadre de la mission « Vaccine Maitri ». Ces vaccins sont destinés en priorité aux frontliners : personnel hospitalier, ceux qui travaillent dans les centres de quarantaine et Covid centres, ceux qui font le traçage de cas, et l’effectif de la Rapid Respond Team, entre autres.
La plupart des médecins sont disposés à se faire vacciner, selon le Dr Vinesh Sewsurn, président de la Medical and Health Officers Association (MHOA). Selon lui, avec tous les renseignements que les médecins ont obtenus, ils sont cohérents quant à leur décision et vont le faire « volontairement ». « Selon les indications, il y a une grande partie qui est prête à se faire vacciner », avance-t-il. Les médecins doivent aussi envoyer un signal positif et fort à la population, ajoute le président de la MHOA. « Nous devons être réalistes, il n’a pas de traitement contre le virus. La seule manière de se protéger, c’est la prévention à travers les gestes barrières et le vaccin. Nous devons donc nous faire vacciner pour sensibiliser les autres », soutient-il.
Après avoir tâté le pouls de plusieurs membres du personnel : médecins, infirmiers, ambulanciers, Hospital Attendant, Health Care Attendant et « Records » Attendant, force est de constater qu’il n’y a aucune bousculade pour s’inscrire sur la liste des personnes qui souhaitent se faire vacciner. Cela, même si la plupart de ceux que nous avons interrogés reconnaissent la nécessité d’être immunisés afin de se protéger et protéger leurs proches.
Nasser Essa, président de la Nurses Union (NU), constate par exemple que seuls 50 % des infirmiers sont disposés à se faire vacciner. « Il y a une appréhension parmi les membres du personnel. Certains veulent être vaccinés, d’autres non », clame-t-il. La raison évoquée : c’est un vaccin qui est nouveau et qui n’a pas encore fait ses preuves. Il souligne cependant que ce sera une bonne chose pour les frontliners de pouvoir se faire vacciner, car cela va les protéger dans l’exercice de leur fonction.
« Il y aura moins de frayeur et nous serons plus motivés », affirme le président de la NU.
Davantage de renseignements
C’est presque le même son de cloche du côté de plusieurs urgentistes du SAMU. Selon Nalini*, plusieurs infirmiers et infirmières ont soulevé leur véto par rapport à cette campagne de vaccination. « Nous n’avons pas suffisamment d’informations à propos du produit et nous ne savons pas si cela peut avoir une incidence chez celles qui veulent avoir des enfants », explique-t-elle. L’infirmière, qui compte de nombreuses années de service et qui a été en contact avec des patients positifs à la Covid-19, préfère avoir davantage de renseignements sur le vaccin avant d’accepter de le faire.
Elle s’interroge également sur le don des 100 000 vaccins que Maurice a obtenus de l’Inde. « Est-ce qu’on ne va pas se servir de nous comme des cobayes », se demande-t-elle. Nalini affirme que même les frontliners qui sont proches de la soixantaine ou qui ont diverses pathologies et qui se trouvent parmi les groupes les plus vulnérables, ne sont pas emballés à l’idée de se faire vacciner.
AstraZenaca-Oxford v/s Pfizer-BioNTech
Alors que c’est le vaccin AstraZeneca-Oxford que Maurice a obtenu pour débuter sa campagne de vaccination, Reshad*, médecin généraliste, explique que cela aurait été mieux d’avoir celui de Pfizer-BioNTech, qui, selon lui, a un plus grand taux d’efficacité, soit de 95 % contre 60 à 65 % (AstraZeneca-Oxford). « Je suis encore à lire les littératures sur les différents vaccins, mais en raison de mon travail, je vais être bien obligé de me faire vacciner avec celui que nous avons reçu », soupire-t-il. Selon lui, il y a de nombreux médecins qui sont dans la même situation que lui.
Amarjeet Seetohul, président de la Ministry of Health Employees Union : «Il est important de se faire vacciner»
« Nous devons faire le vaccin en dépit des éventuels effets secondaires ». Tels sont les propos du président de la Ministry of Health Employees Union (MHEU), Amarjeet Seetohul. Selon lui, les risques d’avoir des effets secondaires sont présents pour n’importe quel médicament. Avec la pandémie de Covid-19, il est « important » de se faire vacciner afin de se protéger, lance-t-il. Cela, en marge de l’ouverture de nos frontières sans aucune restriction de quarantaine. « Actuellement, nous n’avons pas de touristes, mais tôt ou tard, ils vont revenir », poursuit le président de la MHEU. Pour lui, nous devons mettre toutes les chances de notre côté et nous protéger le mieux possible, même si aucun vaccin n’est à 100 % fiable.
Exercice de simulation
Le ministère de la Santé procèdera à un exercice de simulation avec une vaccination à sec. Cela, en marge du lancement de la campagne de vaccination contre la Covid-19. Ce sera ce lundi 25 janvier à l’hôpital Victoria, où le lancement de la campagne sera effectué le lendemain, soit le mardi 26 janvier.
Pharmacovigilance
Anil attend, lui, le début de la campagne de vaccination. Pharmacien dans l’un des hôpitaux régionaux, il estime que c’est important de commencer la campagne de vaccination pour ouvrir nos frontières. « Je suis au courant que pas mal de personnes ont des appréhensions, mais c’est important de le faire. Il y a des dispositions pour prendre en charge les vaccinés en cas d’effets secondaires ressentis, mais chacun peut réagir de différentes manières ». Selon le pharmacien, le Serum Institute of India est assez renommé dans la fabrication de produits pharmaceutiques et il n’y a aucune crainte à avoir quant à la qualité des vaccins que nous avons reçus. « Plusieurs des médicaments que nous utilisons proviennent de cette société », précise-t-il. Néanmoins, en raison de la nouveauté du vaccin, son efficacité reste à confirmer, ainsi que ses possibles effets secondaires. Pour lui, la pharmacovigilance aura fort à faire pour surveiller les réactions que peuvent avoir ceux qui vont être vaccinés et les répertorier. « Le ministère de la Santé doit mettre des dispositions en place pour prendre note des éventuels effets secondaires. Il doit aussi avoir une bonne supervision pour encadrer les personnes. Tous les cas doivent être rapportés par le personnel soignant et non-soignant », préconise le pharmacien.
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !