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Dans les pas de Lovebridge : immersion à Bel-Ombre

Bel-Ombre
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Village sucrier à l’ère du tourisme intégré, Bel-Ombre séduit par ses développements hôteliers et sa vue imprenable sur le lagon bleu azur dans le Sud de Maurice. Toute médaille a cependant son revers. Le Défi Quotidien a suivi l’anthropologue Dhareena Seernauth de l’ONG Lovebridge pour découvrir la face cachée de ce village.

Le soleil brille de mille feux à la plage de Bel-Ombre. En face, on trouve des maisons et des commerces. On emprunte la rue Clair-de-Lune pour rejoindre Dhareena Seernauth au bureau régional de l’organisation non gouvernementale (ONG) Lovebridge. Un portail en bois donne sur une maison. On se demande si on est au bon endroit. En même temps, Kat, une des travailleuses de terrain, vient nous ouvrir. Une fois le seuil de la porte franchi, on est propulsé dans un tout autre décor.

Assise à une table où sont éparpillés agenda, papiers, crayons et post-it, Dhareena Seernauth classe ses rendez-vous en buvant son café. Anthropologue de formation, elle travaille pour le projet Lovebridge depuis trois ans. Elle est coordinatrice de district pour la région de Savanne et celle de Bambous.

Lorsqu’elles se rendent à Bel-Ombre,  Kat et Dhareena s’arrêtent pour prendre des nouvelles des habitants.
Lorsqu’elles se rendent à Bel-Ombre, Kat et Dhareena s’arrêtent pour prendre des nouvelles des habitants.

Vêtue d’un T-shirt et d’un jeans, elle complète son look avec un sac en bandoulière. Ses baskets semblent avoir fait leur temps, mais ils sont les témoins du parcours qu’elle fait chaque jour. Elle connaît les ruelles comme sa poche. Elle brave le soleil de plomb pour rendre visite aux familles.

Avant d’atterrir à Lovebridge, elle raconte avec humour que son bureau était autrefois un banc sur la plage. Puis elle éclate de rire. « Les gens m’appelaient souvent pour me demander où se trouvait mon bureau. Un perron où je pouvais me poser et écrire mes notes me suffisait. Mais on est bien content d’avoir désormais un lieu où on peut tenir nos réunions et discuter avec les bénéficiaires en toute confidentialité », avoue-t-elle.

Fonceuse de nature, l’anthropologue se surpasse au quotidien pour veiller au bien-être des familles bénéficiaires de Lovebridge. Sur le terrain, dit-elle, tout est dans l’approche. Elle ajoute que les maîtres mots sont patience, persévérance, confiance et écoute. À Bel-Ombre, les travailleuses de terrain Kat et Sabrina connaissent les moindres recoins. Dhareena Seernauth se rend fréquemment sur place pour animer des réunions  afin de suivre l’évolution des familles qui ont intégré le projet de Lovebridge.

Tour rapide du quartier

À leur passage dans la rue, les enfants pressent le pas pour saluer Kat et Dhareena. Cette dernière s’arrête chez Shirley, une mère de famille qui bénéficie du soutien de Lovebridge. Celle-ci a un plâtre au pied. Dhareena s’enquiert de son état de santé. Après un brin de causette, direction la cité EDC de Bel-Ombre.

Sous la varangue de leur maison, des gamins ont les yeux rivés sur les travailleuses sociales. Dans l’impasse, une femme marche avec son bébé dans les bras. À l’arrière du centre social du village, un homme s’assoit à l’ombre d’un palmier multipliant. Des vêtements sèchent sur des cordes. Une femme assise sur un vieux frigo qui lui sert de banc feuillette des cartes bingo. On contemple les maisons EDC. Chaque habitant a aménagé la sienne à sa façon et selon ses moyens. Certaines sont en amiante.

Dhareena Seernauth, comme les autres travailleuses de Lovebridge, se surpasse pour veiller au bien-être des bénéficiaires.
Dhareena Seernauth, comme les autres travailleuses de Lovebridge, se surpasse pour veiller au bien-être des bénéficiaires.

En chemin, Dhareena Seernauth explique qu’à Baie-du-Cap et à St-Martin, Lovebridge accompagne une dizaine de familles. « Nous accompagnons encore dix autres familles à Bel-Ombre. Le village dépend principalement de la pêche et de l’agriculture. Parmi les 90 bénéficiaires que nous accompagnons dans le district de Savanne, il y a de nombreux enfants. Le travail que nous faisons ici porte sur le logement, l’éducation, la santé, l’alimentation et l’emploi, entre autres », explique-t-elle.

L’anthropologue précise toutefois que le pilier principal sur lequel Lovebridge met l’accent auprès de ses bénéficiaires est le MASCO (Motivation, Attitude positive, Savoir-faire et Courage). Le but est de les aider à adopter la meilleure attitude qui soit par rapport à la vie, à l’éducation et au travail. C’est ainsi que Lovebridge a établi un plan d’action pour l’empowerment de ses bénéficiaires.

Ces derniers, après leur adhésion au programme de l’ONG, avancent petit à petit malgré le long chemin à parcourir pour se remettre sur les rails. « Les résultats sont très positifs d’année en année. Ces familles de Bel-Ombre bénéficient du soutien de Rogers Foundation. Lovebridge accueillera bientôt les employés de l’hôtel Heritage comme bénévoles auprès de ces familles pour la partie ‘inclusion sociale’ du projet », conclut Dhareena.

  • Lovebridge a accompagné 350 familles.
  • Elle opère dans 55 localités.
  • Après avoir opéré dans 5 districts, Pamplemousses, Rivière-du-Rempart, Mahébourg et Flacq viennent de s’ajouter à sa liste. D’ici décembre 2019, Lovebridge comptera environ 1 600 bénéficiaires.

Jane, la bonne fée

Âgée de 51 ans, Jane se bat pour faire une différence dans la vie des enfants de Bel-Ombre, village où elle vit depuis son enfance. Malgré son handicap, elle ne lésine pas sur les moyens pour accompagner les enfants du village, dont certains sont des bénéficiaires de Lovebridge.

Après les heures de classe, les enfants qu’elle accompagne viennent dans sa maison où elle leur enseigne les mathématiques, le français et l’anglais, entre autres matières. Les cours se font de 15 heures à 16 h 45 du lundi au jeudi. Elle consacre ses vendredis à la correction des devoirs ou à la préparation de ses cours.

Pendant les vacances scolaires, l’accompagnement se fait de 9 heures à 11 heures du mardi au jeudi, précise Jane. Ses élèves ont entre huit et 16 ans. Son seul bémol est qu’elle a besoin des livres de STD 3 à la Form V pour mieux aider les enfants dans leur apprentissage. Elle lance un appel à toute personne pouvant lui offrir des livres inutilisés pour qu’elle fasse ses classes.


Comment sortir de l’impasse ?

Nadia Louis.
Nadia Louis.

Nadia Louis ne travaille pas depuis le début de l’année pour des raisons de santé. Cette mère de famille gagnait autrefois sa vie en tant que jardinière. Elle ne cache pas qu’elle peine à faire bouillir la marmite, mais elle fait de son mieux pour subvenir aux besoins de ses quatre enfants. Deux d’entre eux souffrent malheureusement d’épilepsie. Son mari Burty est lui aussi malade. Il souffre d’atroces douleurs aux pieds. Maçon, il peine à trouver du travail.

Nous rencontrons Nadia Louis dans sa maison de deux pièces, abîmée au gré du temps. Six personnes y vivent. Une chambre abrite les enfants, dont certains dorment sur des matelas posés à même le sol. L’autre pièce sert à la fois de chambre à coucher et de salon. Un peu plus loin, on trouve une cuisine qui fuit comme une passoire quand il pleut à verse. Idem pour la chambre du fils de 17 ans de Nadia Louis.

Faute de moyens, la mère de famille ne peut pas améliorer leurs conditions de vie. Kat, la travailleuse sociale, a repéré la famille Louis grâce à une liste dédiée aux élèves qui vivent en situation précaire fournie par l’école de la localité. Les noms des deux enfants de la famille y figuraient. C’est après avoir longtemps cherché la maison de leurs parents que Lovebridge a pu intégrer cette famille à son programme.
L’ONG a commencé par aider la famille en lui construisant des toilettes qui étaient jusqu’alors inexistantes. Elle suit également de près l’éducation des enfants de Nadia Louis. Elle leur offre un soutien psychologique qui influe positivement sur la famille.  

Grâce au soutien de Lovebridge, Nadia ne perd pas espoir d’offrir un avenir meilleur à ses enfants. Mais la mère de famille ne cache pas son angoisse constante de ne rien avoir à se mettre sous la dent. « Parfwa ena, parfwa pena. Me bizin kontinie viv », dit-elle.

Cette mère de famille dit avoir hâte de sortir de l’impasse. Depuis que Nadia Louis bénéficie du programme d’empowerment de Lovebridge, elle se dit plus confiante pour braver les aléas de la vie. Actuellement, elle suit diverses formations en entretien, en cuisine et en repassage. Autant d’aptitudes qui lui permettront de trouver un emploi.


Sandrine Ah-Choon, Communication & Development Coordinator : « Nous étendrons nos activités à Surinam et à Chemin-Grenier »

Dhareena fait un brin de causette avec Shirley, une bénéficiaire du projet de Lovebridge.
Dhareena fait un brin de causette avec Shirley, une bénéficiaire du projet de Lovebridge.

Lovebridge accompagne une vingtaine de familles dans le district de Savanne, plus précisément à Bel-Ombre, St-Martin et Baie-du-Cap. D’ici fin 2019, l’ONG étendra ses activités à Surinam et à Chemin-Grenier, indique Sandrine Ah-Choon, Communication & Development Coordinator de Lovebridge.

Pour évaluer le progrès de ses bénéficiaires à fin 2018, l’ONG a produit un Progress Report 2018. « Ces progrès identifiés résultent du travail mené sur le terrain par une équipe pluridisciplinaire de 50 personnes qui mettent en pratique les outils et les méthodes de travail développés au fil du temps et de l’expérience acquise sur le terrain », souligne Sandrine Ah-Choon.

Elle explique que la méthode Lovebridge comprend un accompagnement personnalisé pour chacune des familles en agissant sur les six piliers fondamentaux interconnectés que sont l’éducation, l’emploi/l’employabilité, le logement, la santé, l’alimentation/la nutrition, et le pilier psychologique, le MASCO, voire le moteur du processus d’empowerment.

Les résultats, dit-elle, sont basés sur les données issues du livret de chaque famille qui regroupe les principaux indicateurs de performance sur chacun des six piliers ainsi que sur le feedback recueilli auprès des familles à travers un questionnaire d’évaluation. Le rapport de progrès 2018 porte sur 224 familles de toutes les régions où opère l’ONG et ayant bénéficié de son programme d’accompagnement depuis plus de six mois.

« Les résultats les plus notables que nous avons identifiés sont que 65 % des familles bénéficiaires sont en progrès. Le taux d’échec scolaire est passé de 35 % à 26 %. Quant au taux de chômage, il est passé de 34 % à 15 % », conclut Sandrine Ah-Choon.

 

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