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Cour internationale de Justice : six États dénoncent la Grande-Bretagne

Cour internationale de Justice

Troisième jour d’audition devant la Cour internationale de Justice (CIJ). Huit pays se sont succédé devant cette instance des Nations-Unies pour donner leur opinion sur l’avis consultatif réclamé par l’Assemblée générale des Nations Unies sur les implications légales de l’excision de l’archipel des Chagos du territoire mauricien en 1965. Si l’Inde, les îles Marshall, le Kenya et le Guatemala ont pleinement soutenu la cause mauricienne, les États-Unis et Israël se sont rangés du côté de la Grande-Bretagne.

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Souveraineté de Maurice : les USA appellent la Cour internationale de Justice à ne pas statuer

USA

Les États-Unis confirment leur soutien à la Grande-Bretagne. Mercredi, Jennifer Newstead, conseillère juridique du département d’État américain, a souligné que l’affaire des Chagos « est un litige bilatéral entre deux pays ». Par conséquent, la Cour internationale de Justice ne peut s’y immiscer même si, depuis sa création, la CIJ n’a jamais refusé d’émettre un avis consultatif.

« Donner un avis serait inapproprié », soutient Jennifer Newstead, car la CIJ risque d’être entraînée dans un litige bilatéral. À plusieurs reprises, la représentante des États-Unis a souligné cette position.

Elle a aussi précisé que, pour qu’un cas puisse être résolu en se basant sur les lois internationales, les deux parties doivent être d’accord. Or, dans ce cas précis, le Royaume-Uni n’a pas donné son consentement. Outrepasser cela et donner quand même un avis créerait donc un dangereux précédent.

Jennifer Newstead précise que, lorsque Maurice a demandé son adhésion aux Nations-Unies, elle n’a aucunement mentionné une quelconque décolonisation incomplète : « Ce n’est que dix ans plus tard que Maurice a commencé à réclamer l’archipel. »

Il a aussi été question de la base militaire sur Diego Garcia. Pour les États-Unis, celle-ci est capitale pour assurer la sécurité de l’océan Indien et de la région.

Le Guatemala blâme la Grande-Bretagne

Guatemala

Gladys Marithza Ruiz Sanchez de Vielman, ambassadrice et représentante du Guatemala, a assuré Maurice de son soutien total dans la cause chagossienne. Pour celle-ci, le droit à l’autodétermination existe depuis 1966 et les îles Chagos ont été effectivement excisées de Maurice deux ans plus tard.

La Grande-Bretagne a donc enfreint la loi internationale qui existait à l’époque. La Grande-Bretagne ne peut non plus affirmer que les Chagos ne faisaient pas partie intégrante du territoire mauricien. Le seul fait qu’elle ait recherché l’approbation des hommes politiques mauriciens à l’époque, même si c’est de force, prouve bien qu’elle considérait que l’archipel faisait partie du territoire mauricien.

De plus, le fait d’indiquer, jusqu’à tout récemment, qu’elle est prête à restituer les Chagos à Maurice une fois qu’elle ne sera plus utile sur le plan militaire, vient prouver, une fois de plus, que Maurice en est bel et bien le propriétaire légitime.

Kenya : une décolonisation incomplète

Kenya

Pauline Mcharo, adjointe au conseiller juridique principal de l’Attorney General du Kenya, a assuré Maurice du soutien de ce pays. « Il n’y a aucune raison de refuser un avis consultatif. » Et de rappeler que 94 pays ont estimé l’an dernier qu’il fallait porter l’affaire devant la CIJ, seuls 15 pays ont voté contre.

« Il est clair que la décolonisation de Maurice n’est pas complète. Un territoire ne doit pas être démantelé avant qu’un peuple n’ait pu s’exprimer à ce sujet. Ce qui n’a pas été le cas ici », fait-elle ressortir. Et d’ajouter : « Les Chagossiens ont été très mal traités ». Maurice a accédé à l’indépendance en 1968, dans le contexte d’une décolonisation incomplète. Évoquant toute une série de conventions internationales, Pauline Mcharo souligne le caractère illégal de l’excision des Chagos.

Israël : première intervention orale en 60 ans

La dernière fois qu’Israël participait à des délibérations devant la Cour internationale de Justice c’était six décennies de cela. Autant dire que la question revêt pour elle d’une très grande importance.

Tal Becker, conseiller juridique d’Israël, fait ressortir que la question de souveraineté ne peut se résoudre devant la Cour internationale de Justice : « C’est une question bilatérale qui doit être résolue entre deux pays. » Israël estime que cela risquerait de miner la jurisprudence de la CIJ si elle émettait un avis consultatif et que cela pourrait mener à des abus. « Cela doit être évité… »

Israël n’a cependant pas souhaité aborder la question de souveraineté en soi. Qui du Royaume-Uni ou de Maurice est propriétaire des Chagos ? Elle ne s’est pas prononcée. Par contre, un avis consultatif de l’instance des Nations-Unies causerait du tort aux lois internationales et constituerait un abus de procédure, assure Israël.

La question du juge CançadoTrinidade
Le juge CançadoTrinidade a conclu la séance en posant une question à toutes les délégations présentes. Faisant référence aux résolutions 1514/15, 2232/21 2357,22, le juge a demandé comment ces résolutions vont aider dans l’émission d’un avis consultatif.

Venu Rajamony (Inde) : « La proposition de restitution des Chagos prouve en soi la légitimité de Maurice »

Venu Rajamony

L’île Maurice a pu compter sur le soutien de l’Inde devant la CIJ, merecredi. Venu Rajamony a pris la défense de la partie mauricienne en s’appuyant essentiellement sur des points historiques et juridiques pour assurer que Maurice a de tout temps compter les Chagos dans son territoire : « Il est significatif qu’une analyse historique des faits indique que l’archipel des Chagos, tout au long de l’ère coloniale et postcoloniale, a toujours fait partie du territoire mauricien. »

Outre le fait que, dès mai 1814, le Royaume-Uni administre les Chagos comme faisant partie du territoire mauricien, Venu Rajamony argue que la promesse de l’accord de 1965 quant au retour des îles Chagos à Maurice quand elles ne seraient plus nécessaires à la défense de l’Ouest est une preuve en soi. « La proposition de restitution des îles Chagos quand elles ne seront plus nécessaires est en soi une preuve que Maurice est l’État souverain », a-t-il expliqué.

Le représentant de l’État indien a également fait référence au jugement du tribunal d’arbitrage de 2015 sur le statut de la Marine Protected Area créé par les Britanniques autour des Chagos. « Ce tribunal a déclaré illicite l’aire marine protégée créée par le Royaume-Uni dans les eaux de l’archipel, a-t-il rappelé, le Tribunal a refusé au Royaume-Uni le statut d’État côtier des Chagos. Ce jugement définit l’obligation de restituer l’archipel à Maurice. » Ainsi, conclut Venu Rajamony, la décolonisation de Maurice n’a toujours pas été achevée : « La décolonisation de Maurice demeure incomplète sur le plan technique et dans le fond tant que l’archipel des Chagos continuera de relever de l’administration coloniale », a-t-il conclu.

José Argüello Gomez, ambassadeur du Nicaragua aux Pays-Bas : « Une expulsion honteuse »

José Argüello Gomez

L’ambassadeur du Nicaragua aux Pays-Bas, José Arguelle Gomez, a, lors de son exposé, longuement décrié les conditions dans lesquelles l’archipel des Chagos a été enlevé du territoire mauricien. «C’était une expulsion honteuse du peuple des Chagos », a-t-il clamé. Répondant aux différents arguments exposés par les Britanniques, notamment sur le fait que le peuple chagossien a eu droit à une compensation après leur « expulsion », le diplomate du Nicaragua a fait ressortir que cet accord a été concocté par les Anglais et a aussi souligné, qu’au moment des négociations, Maurice se trouvait dans une position de faiblesse vis-à-vis de la grande puissance que représente la Grande-Bretagne. Ainsi, pour José Arguello Gomez, la Cour internationale de Justice doit tout simplement ne pas prendre en compte cet accord entre Maurice et le Royaume-Uni.

« Il ne faut pas prêter foi à cet accord lorsque la cour rendra son avis consultatif », a-t-il ajouté. Ce dernier a, dans la même foulée, saisi l’occasion pour affirmer que la Cour internationale de Justice est pleinement qualifiée pour donner un avis consultatif. José Arguello Gomez a aussi affirmé que l’argument des Britanniques, qui ont décidé de s’emparer de l’archipel des Chagos pour des raisons militaires, ne tient pas debout, car cela a été fait dans des circonstances douteuses.

Caleb Christopher des Iles Marshall : « Le processus de décolonisation n’a pas été validement achevé »

Caleb Christopher

Le représentant des Îles Marshall, Caleb Christopher, a résumé succinctement son argument vers la fin de son temps alloué : « Les Iles Marshall estiment que la Cour a des compétences pour répondre à la question. La Cour doit conclure que le processus de décolonisation n’a pas été validement achevé. »

Selon Caleb Christopher, l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice (CIJ) a un intérêt « pour l’ensemble de la communauté internationale.» L’important est de répondre à la question de savoir si la décolonisation de Maurice a été achevée ou non. « La Convention de Vienne sur le droit des traités est inapplicable, car il ne concerne que les accords entre États, a-t-il ajouté, non pas les autorités responsables d’une administration et le territoire administré. »

Les Iles Marshall reprennent donc l’argument que le Royaume-Uni et Maurice n’étaient pas des partenaires égaux au moment des négociations : « Une autorité administrante a proposé à sa colonie de devenir indépendante sans les Chagos ou pas indépendance du tout. Ce n’était pas un choix. Il s’agit d’examiner le consentement apparent obtenu dans le processus. Il existait une situation d’inégalité entre les deux pays. »

Dayo Apata, Sollicitor General du Nigeria : « La souveraineté territoriale fait partie des droits internationaux »

Dayao Apata, Sollicitor General de la République fédérale du Nigeria, a, lors de son intervention, appelé la Cour internationale de Justice à prendre en compte la souffrance subie par le peuple chagossien lorsqu’elle sera appelée à rendre son avis consultatif. « Le principe des États et la souveraineté territoriale font partie des droits internationaux », a-t-il fait comprendre. Il a aussi  donné la réplique aux Allemands, qui avaient affirmé que la résolution à l’ordre du jour avait été votée uniquement par Maurice. « Faux », a-t-il affirmé. Cette résolution, précise-t-il, a été présentée par 54 pays africains et a aussi fait l’objet de consultations élargies.

 

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