Des commentaires fusent de part et d’autre. Si certains parlent de « favoritisme », d’autres déplorent « le flou » entourant les critères sur lesquels se base la Commission de pourvoi en grâce pour faire ses recommandations au président de la République. Une seule solution, selon des observateurs : davantage de transparence.
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La grâce présidentielle obtenue par le fils du commissaire de police continue de faire des vagues. Surtout la décision de commuer la peine de prison de 12 mois dont il avait écopé en une amende de Rs 100 000. Pourquoi l’avoir gracié ? Cette question qui reste sans réponse ne fait qu’accentuer le manque de transparence entourant les recommandations faites par la Commission de pourvoi en grâce. D’aucuns se demandent quel motif a suffisamment de poids pour justifier l’octroi de cette grâce à une personne dont la condamnation a été maintenue en appel il y a moins d’un an.
Me Lovania Pertab, présidente de Transparency Mauritius, fait ressortir que les institutions fonctionnent toujours par rapport à ce qui se faisait dans le passé. « Aujourd’hui, avec le développement de la démocratie, dont la définition a été élargie, la redevabilité et la transparence doivent être au centre », dit-elle.
Estimant que de nombreuses institutions devraient adopter des mesures novatrices, elle plaide pour davantage de transparence en justifiant les décisions d’accorder la grâce présidentielle à certaines personnes et non à d’autres. « Il serait dans l’intérêt de tous les citoyens et de la démocratie que toutes les décisions de la Commission de pourvoi en grâce soient d’abord motivées puis accessibles au public », recommande Me Lovania Pertab. Selon elle, le public pourrait alors avoir les guidelines pour faire appel à la Commission de pourvoi en grâce.
Intervenant en sa qualité d’observateur, Faizal Jeeroburkhan se prononce lui aussi en faveur de plus de transparence. « L’opacité dans ce type de cas engendre toutes sortes d’abus. Si le gouvernement et le système inspiraient confiance et ne traînaient pas de casseroles, cela n’aurait pas posé problème que les critères et les raisons d’octroyer la grâce ne soient pas rendus publics », explique-t-il.
Il soutient que dans cette affaire précise, c’est loin d’être le cas. « Il y a la perception selon laquelle il y aurait plusieurs cas de népotisme, de favoritisme et de parti pris, voire une justice à deux vitesses. Les critères doivent donc être rendus publics pour que tout soit clair dans la tête des gens. Ils ont beaucoup de doutes. C’est tout à leur honneur de prôner l’intégrité », fait valoir l’observateur.
Il estime que « si on n’a rien à cacher », cela ne doit pas poser problème de rendre publics les critères. « Il faut également que les procédures utilisées soient publiques. Il faut avoir l’assurance qu’elles sont conformes aux recommandations de la Constitution », préconise-t-il.
Faizal Jeeroburkhan est d’avis qu’il est important d’éviter que le public ne pense qu’il y a « parti pris ». Sinon, prévient-il, c’est le système qui flanchera. « S’il n’y a pas de justice, ce sera la jungle. Il y a des lois pour éviter cela. Dans un pays civilisé, il ne faut pas qu’il y ait de doutes sur la manière dont la justice est prononcée », déclare Faizal Jeeroburkhan.
Un juriste spécialisé, qui a souhaité s’exprimer sous le couvert de l’anonymat, évoque un problème « systémique ». Il déplore le fait que contrairement à d’autres pays, Maurice ne dévoile pas les critères pris en compte pour accorder la grâce présidentielle. « Ils doivent être objectifs. Le même traitement doit être accordé à tout le monde. Dommage qu’à Maurice, on soit toujours dans une situation qui n’est pas claire », précise-t-il.
Il ajoute que la Commission de pourvoi en grâce a le devoir de motiver ses décisions. « On ne peut accorder un pardon sans motivation. Il y a des circonstances exceptionnelles, comme la maladie, une personne qui a purgé sa peine, une autre qui a eu un comportement exemplaire et aussi la nature du crime, qui doivent peser dans la balance. »
Selon lui, il y va de l’intérêt de la Commission de pourvoi en grâce de s’expliquer publiquement, au lieu de rester tranquille afin de faire taire les critiques. « Si certaines ne sont pas justifiées, d’autres peuvent parfois l’être. »
Le juriste spécialisé met aussi l’accent sur le président de la République qui se doit d’être au-dessus de la mêlée politique. « La séparation de pouvoir est importante. Sinon, cela peut donner lieu à des spéculations. Ce qui est néfaste pour la démocratie », conclut-il.
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