Le système de l’esclavage est aboli le 1er février 1835 à Maurice. 187 ans depuis que nous rendons hommage à nos ancêtres esclavisés. La femme esclavisée a aussi été un symbole de la résistance et de la résilience.
L’esclavage a été une expérience dévastatrice à la fois pour les hommes et les femmes esclavisés. Ils ont été arrachés à leur patrie et à leur famille. Tous deux ont été forcés d’accomplir un travail exténuant, soumis à une dégradation mentale et physique et privés de leurs droits les plus élémentaires.
« Les hommes et les femmes réduits en esclavage ont été battus sans pitié, séparés arbitrairement de leurs proches et, quel que soit leur sexe, traités comme des ‘biens meubles’ aux yeux de la loi », explique le Dr Stephanie Tamby, chercheuse pour le Musée intercontinental de l’esclavage.
Cependant, poursuit-elle, les circonstances de l’esclavage étaient différentes pour les femmes et les hommes. « Les femmes esclavisées étaient souvent doublement voire triplement victimes de leur condition. »
Les premiers esclavisés amenés à Maurice étaient majoritairement des hommes. Considérés comme des travailleurs plus précieux en raison de leur force, les hommes réduits en esclavage effectuaient des travaux allant de la construction de bâtiments au labourage des champs. Les esclavisés sont d’origines diverses : l’Afrique de l’Est, l’Afrique de l’Ouest, les Comores, l’Inde et l’Insulinde.
En 1756, l’île reçoit une cargaison de femmes esclavisées de la côte de Malabar, du Bengale et de Pondichéry. « Les Français amenèrent des femmes esclavisées pour fournir de la compagnie aux hommes esclavisés ou pour des besoins de reproduction de la main-d’œuvre servile », indique le Dr Stephanie Tamby.
Conditions de vie
On obligeait les femmes esclavisées à enfanter pour peupler l’île. La chercheuse fait savoir qu’en Afrique où la plupart des sociétés sont matriarcales, le premier rôle social de la femme était celui de mère. Sous l’esclavage, cet aspect de la féminité africaine a été dégradé. « L’accouchement en Afrique était un rite de passage pour les femmes. Cela leur valait un respect accru. Cependant, dans le système de plantation développé au début du XIXe siècle, les esclavisées représentaient un avantage économique pour le maître. Ce dernier multipliait sa force de travail par l’enfantement de ses esclavisées », avance-t-elle.
Certaines interrompaient leur grossesse volontairement comme signe de résistance. Elles ne voulaient pas que leurs progénitures connaissent le même sort et vivent dans les mêmes conditions. Elles utilisaient des plantes médicinales pour se faire avorter. Cela a donné lieu à de forts taux d’infanticides dans certaines colonies.
Enceintes, elles devaient travailler jusqu’à l’accouchement et revenir dès le lendemain, sous peine d’être sévèrement châtiées. Par manque de nourriture pendant leur grossesse, beaucoup y laissaient la vie. Dans d’autres cas, elles pouvaient généralement s’attendre à plus de nourriture et à moins d’heures de travail, surtout lorsque leur fertilité prouvée les rendait plus précieuses pour leurs propriétaires. Les esclavisées fertiles étaient également moins susceptibles d’être vendues.
Souvent maltraitées voire torturées par leurs maîtres ou les épouses de ces derniers, les esclavisées pouvaient aussi devenir des objets sexuels de leurs propriétaires blancs. Dans les cas où les esclavisées tombaient enceinte de leur maître, le Code Noir empêchant les relations entre les blancs et les noirs, ce dernier ne pouvait pas reconnaître l’enfant. Il était donc affranchi avec la mère.
Les enfants métissés n’avaient pas le même statut que les blancs dans la société esclavagiste. À l’époque, il y avait trois catégories de personnes : le colon blanc, les gens de couleur (les métissés, les marins « lascars » et les artisans venus de Pondichéry sous l’ère de Mahé de La Bourdonnais) et les esclavisés.
Les métiers pratiqués
La plupart des planteurs de l’Isle de France favorisaient les jeunes hommes robustes pour leur main-d’œuvre servile. Les femmes esclavisées avaient parfois les mêmes tâches que les hommes, surtout sur les petites habitations ou dans les ateliers.
Sage-femme, lavandière, nourrice, servante, ouvrière et briquetière étaient quelques-uns des métiers exercés par les femmes esclavisées. Ainsi, pendant l’administration du gouverneur La Bourdonnais, parmi les 110 ouvriers qui travaillaient dans l’atelier de briqueterie à la Grande Rivière, 30 étaient des femmes esclavisées. À la même époque, sur 86 ouvriers qui travaillaient dans l’atelier de fabrication de la chaux, il y avait 25 femmes esclavisées. Au moulin à poudre de Pamplemousses, certaines fabriquaient de la poudre à canon. C’était un travail délicat qui nécessitait beaucoup de savoir-faire.
Les nourrices (couramment appelées « nénènes ») allaitaient et s’occupaient des bébés des femmes blanches. « À l’époque, seuls les hommes étaient éduqués alors que les femmes blanches n’avaient pas accès à l’éducation. Elles apprenaient la couture, à s’occuper d’une maison et de l’étiquette », partage le Dr Stephanie Tamby.
Censée faire passer les besoins du maître et de sa famille avant ses propres enfants, la mère esclavisée d’une grande plantation devait retourner aux champs peu après avoir accouché, laissant son enfant être élevé par d’autres. Dans une ferme plus petite, les responsabilités maternelles de l’esclavisée étaient simplement ajoutées à ses tâches habituelles.
Outre sa contribution dans le développement social et économique, la femme esclavisée transmettait ses valeurs et sa culture à son enfant.
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