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Cessez-le-feu à Gaza : une bouffée d’air pour l’économie mauricienne, mais jusqu’à quand ?

Une paix durable sera bénéfique à l’économie mondiale.

L’annonce par le président américain Donald Trump de la fin de la guerre à Gaza marque un tournant potentiel pour le Moyen-Orient et l’économie mondiale. Pour Maurice, fortement dépendante des importations, notamment en énergie, cette nouvelle a des répercussions directes sur les prix du pétrole, l’inflation et la compétitivité.

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La déclaration de Donald Trump sur la fin de la guerre à Gaza intervient après près de deux ans de conflit. Les marchés mondiaux et les investisseurs scrutent désormais les conséquences d’un cessez-le-feu qui pourrait stabiliser ou, au contraire, fragiliser la région. Selon l’économiste Bhavish Jugurnath, depuis des mois, le conflit a jeté une ombre sur les marchés de l’énergie, les routes maritimes et la confiance des investisseurs.

« Aujourd’hui, le monde observe avec attention : la paix à Gaza apportera-t-elle une stabilité réelle ou simplement une accalmie temporaire dans la tourmente ? », demande-t-il. Pour lui, cette interrogation est cruciale, car le conflit a affecté le prix du pétrole, les flux financiers et les corridors commerciaux stratégiques.

Les marchés pétroliers : le premier indicateur

Pendant la guerre, une prime de risque géopolitique (geopolitical risk premium) a été intégrée aux prix du pétrole. Cette hausse reflète la possibilité de perturbations dans l’approvisionnement et l’insécurité des routes maritimes.

Bhavish Jugurnath explique : « Un cessez-le-feu crédible et durable permettrait d’atténuer ces tensions. On pourrait ainsi voir les coûts d’assurance des pétroliers baisser, les routes maritimes s’ouvrir avec moins de risques, et les prix mondiaux du pétrole reculer légèrement, offrant un répit aux économies frappées par l’inflation, de l’Afrique à l’Europe. »

Pour autant, il avertit que si la paix repose sur des fondations fragiles, ces prix pourraient s’envoler de nouveau du jour au lendemain. En effet, il affirme que la véritable stabilité dépendra du maintien du cessez-le-feu et de la capacité des États voisins à ne pas combler le vide par de nouvelles rivalités.

« Sans institutions solides, une transparence et une gestion budgétaire saine, ces gains à court terme pourraient s’évaporer aussi vite qu’ils sont apparus », prévient l’économiste.

Diversification et résilience

Le politologue Avinaash Munohur souligne que l’impact de ce conflit sur les marchés mondiaux a été limité par la diversification des sources d’approvisionnement. « Le prix du baril était déjà élevé, autour de 80 USD, lorsque la guerre a commencé. Les pays producteurs ont ajouté une prime de risque géopolitique, mais la production américaine et latino-américaine a compensé partiellement ce risque, ce qui a limité l’explosion des prix », fait-il comprendre.

La vigilance, la préparation et la diversification sont essentielles pour que Maurice transforme cette période incertaine en avantage stratégique durable.»

Sunil Boodhoo, ancien directeur du commerce international au ministère des Affaires étrangères, partage cet avis. « Le prix mondial du pétrole est relativement bas. Bien au contraire, le cours pétrolier a pris une tendance inverse malgré la guerre. Une situation plus sereine devrait avoir un effet positif sur le prix du pétrole et sur la confiance des acteurs économiques », soutient-il.

Impacts directs sur Maurice

Selon nos interlocuteurs, Maurice, en tant qu’île fortement dépendante des importations énergétiques, est particulièrement sensible aux fluctuations mondiales. Bhavish Jugurnath précise que pendant le conflit à Gaza, les craintes de perturbations en mer Rouge et la hausse des primes d’assurance maritime ont exercé une pression inflationniste sur notre facture d’importation. « Une paix durable pourrait stabiliser les prix du pétrole, réduire les coûts de fret et alléger le fardeau de notre compte courant », dit-il.

Par ailleurs, il avance que des prix de l’énergie plus stables se traduiraient par un avantage pour tous les secteurs économiques. « Des prix de l’énergie plus bas se répercuteraient positivement sur l’ensemble de l’économie, au bénéfice des ménages, des industriels et du secteur des transports », poursuit-il.

Pour l’économiste, le répit reste conditionnel. « Si l’instabilité persiste ailleurs dans la région — en Iran, au Yémen ou le long des routes maritimes stratégiques — le marché pétrolier mondial demeurera volatil. Pour une île dépendante de l’énergie importée, même de petites hausses de prix peuvent éroder la compétitivité et creuser le déficit budgétaire », avertit-il.

Par ailleurs, il insiste sur la nécessité pour Maurice de tirer parti de cette accalmie. « Même si les prix baissent temporairement, il faut en profiter pour accélérer la transition vers les énergies renouvelables. Cela permettra de réduire la dépendance aux importations et de protéger l’économie contre les chocs futurs », avance-t-il.

Pour lui, la paix pourrait également créer de nouvelles opportunités commerciales. « La fin de la guerre pourrait redessiner la carte diplomatique du Moyen-Orient, réduire les tensions entre grandes puissances, rouvrir le dialogue et créer de nouveaux corridors commerciaux entre le Levant, l’Afrique et l’Europe », soutient-il.

Avinaash Munohur rappelle que Maurice importe ses énergies de sources variées. « Nous achetons de sources aussi différentes que le Moyen-Orient, l’Inde, la Chine, la Turquie et même les États-Unis. Cette diversification est une forme de sécurité contre les fluctuations et les perturbations éventuelles », souligne-t-il.

Il ajoute : « Les fluctuations des prix sur le marché mondial n’ont pas eu de réel impact sur le prix à la pompe ou sur le coût de l’électricité ces dernières années, car ces coûts sont largement dictés par le gouvernement. Il n’y a donc aucune raison de croire que cela changera de sitôt pour les consommateurs mauriciens. »

Pour nos interlocuteurs, l’accalmie de la guerre à Gaza reste fragile. La vigilance, la préparation et la diversification sont essentielles pour que Maurice transforme cette période incertaine en avantage stratégique durable. « Chaque décision prise aujourd’hui en matière d’énergie, de commerce et d’investissement déterminera notre capacité à tirer parti de la paix et à protéger notre économie contre les turbulences futures », résument-ils.

Pour une petite économie ouverte comme Maurice, les leçons sont claires : anticiper les risques externes, renforcer la résilience énergétique et maintenir la confiance des investisseurs sont autant de piliers pour naviguer dans un monde globalisé, incertain et interconnecté.

Questions à…Assad Bhuglah, ex-directeur de la Trade Policy Unit et spécialiste des affaires internationales : «Pour Maurice, le court terme est positif, mais rien n’est garanti»

assadComment réagissez-vous à l’annonce de Donald Trump concernant la fin de la guerre à Gaza ? Pensez-vous que cet accord puisse réellement ouvrir la voie à une paix durable au Moyen-Orient ?
Je suis très sceptique quant à l’accord de Trump, qui reste silencieux sur la création d’un État palestinien – la cause profonde du conflit qui dure depuis des décennies. En fait, le gouvernement de Trump a refusé de se rallier au consensus mondial pour la reconnaissance de l’État palestinien lors de la dernière Assemblée générale de l’ONU. Trump se concentre simplement sur une approche palliative à Gaza et je ne suis pas sûr qu’Israël honorera l’accord en tenant compte de ses antécédents de violations fréquentes des lois internationales. Le cessez-le-feu décrit dans les médias récents semble être basé sur des phases (libérations d’otages, retraits partiels) et pas nécessairement un règlement politique global. Ceux-ci sont historiquement fragiles. L’économie mondiale doit attendre en croisant les doigts.

Quelles pourraient être, selon vous, les répercussions de cet accord sur l’économie mauricienne, notamment en matière d’énergie et de stabilité financière ?
Pour Maurice, petite économie insulaire ouverte et importatrice d’énergie, le court et le moyen terme sont probablement positifs (baisse de la facture d’importation, réduction de la pression inflationniste, apaisement du sentiment des investisseurs), tandis que le résultat à plus long terme dépend de la persistance ou de l’éclatement de la paix. Maurice est parvenu à se maintenir au fil des années au plus fort du conflit au Moyen-Orient et il ne faut pas attendre grand-chose de l’accord de Trump.

D’un point de vue général, comment les marchés et les investisseurs pourraient-ils réagir à cet accord et quels risques subsistent à vos yeux ?
Le scepticisme est naturel. Les investisseurs voudront des preuves de la mise en œuvre réelle – des conditions de cessez-le-feu vérifiées, des engagements de financement et une coopération diplomatique. Un accord de paix durable ne se limiterait pas à mettre fin à un conflit. Il redéfinirait la façon dont les investisseurs perçoivent le risque dans l’une des régions les plus importantes du monde sur le plan stratégique. Il canaliserait les capitaux vers des utilisations productives, revitaliserait les routes commerciales et repositionnerait le golfe comme une pierre angulaire de la croissance mondiale plutôt que comme un point chaud d’instabilité. Mais l’effet de l’accord de Trump n’est pas permanent : un retour aux tensions ou une escalade régionale plus large regonflerait rapidement la prime de risque. Le risque de volatilité reste élevé. Même si les prix baissent maintenant, un pic plus tard frapperait brusquement la facture des importations et pourrait se répercuter sur l’inflation et les tensions budgétaires (subventions et contrôle des prix).

La confiance des investisseurs

Un enjeu crucial

La paix annoncée ne garantit pas la stabilité à long terme. Pour Bhavish Jugurnath, le risque de reprise du conflit demeure élevé. « Le tissu politique de la région reste profondément fragile, fragmenté par des intérêts divergents, des rivalités par procuration et des décennies de méfiance. Une seule provocation, une négociation avortée ou une crise humanitaire pourrait faire voler en éclats le cessez-le-feu du jour au lendemain », estime-t-il. Cette incertitude, dit-il, se reflète sur les marchés financiers. « Les investisseurs évaluent le risque, pas l’espoir. Même en temps de paix déclarée, une ‘prime de risque’ continuera de peser sur les actifs mondiaux, les contrats à terme sur le pétrole et les obligations des marchés émergents tant que la stabilité ne sera pas prouvée. »  D’autre part, si les marchés mondiaux deviennent plus frileux, les petites économies comme la nôtre subissent souvent de plein fouet les sorties de capitaux et le resserrement de la liquidité. « Même les conflits lointains ont des conséquences directes sur notre population, nos entreprises et notre espace budgétaire », explique-t-il.

De son côté, Avinaash Munohur indique que la stabilité durable dépend également de la politique américaine. « Donald Trump avait déjà fait de la paix au Moyen-Orient son cheval de bataille lors de son premier mandat, avec les accords d’Abraham. Mais nous avons vu que les choses n’ont pas duré », dit-il. Le politologue précise que le centre de gravité géopolitique a évolué. « L’épicentre global se trouve aujourd’hui dans l’Indo-Pacifique. La Chine et le sud global émergent comme une alternative crédible au système multilatéraliste créé par les Américains après la Seconde Guerre mondiale. » Pour lui, c’est que les enjeux économiques mondiaux ne se concentrent plus uniquement sur le Moyen-Orient. « Taïwan est aujourd’hui beaucoup plus sensible et importante que la question palestinienne pour la politique américaine. Les complications du Moyen-Orient n’ont plus la même importance économique globale qu’auparavant », avance-t-il. 

Pour Sunil Boodhoo, un retour de cette guerre va sans doute provoquer plus d’incertitude, comme c’est le cas lors de chaque déclenchement de conflit. « La plupart des produits pétroliers sont issus de la région du Moyen-Orient. Les bourses mondiales ne sont pas insensibles aux incertitudes. » Il ajoute que le cours pétrolier réagit également aux frictions mondiales en raison des spéculations. « Il faut espérer et c’est bien pour tout le monde que la guerre ne reprend pas son cours. Le plan de paix est en différentes phases et nous ne savons pas ce qu’il adviendra. »

Quelques dates clés de cette guerre

  • 7 octobre 2023

Le Hamas mène une série d’attaques coordonnées dans le sud d’Israël depuis la bande de Gaza. Ces actions provoquent la mort de 1 189 personnes et la capture de 251 autres. Parmi elles, 44 participaient au festival musical Nova et au moins 74 vivaient dans le kibboutz de Nir Oz.

  • 27 octobre 2023

Israël débute une opération terrestre dans la bande de Gaza, menée principalement en soirée.

  • 24 novembre – 1er décembre 2023

Une trêve temporaire est instaurée entre Israël et le Hamas. Elle permet la libération de 105 otages – des Israéliens, des binationaux et des étrangers, en majorité des femmes et des enfants – en échange de 240 prisonniers palestiniens.

  • 4 décembre 2023

L’armée israélienne étend son opération terrestre au sud de la bande de Gaza.

  • 11 janvier 2024

Une coalition internationale dirigée par les États-Unis mène des frappes au Yémen. Ces actions font suite à plusieurs attaques des rebelles houthis contre des navires circulant en mer Rouge.

  • 26 janvier 2024

La Cour internationale de justice, saisie par l’Afrique du Sud, demande à Israël de prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir tout risque d’acte pouvant relever du « génocide » dans la bande de Gaza.

  • 29 février 2024

Lors d’une distribution d’aide alimentaire dans la ville de Gaza, au moins 118 Palestiniens perdent la vie et 760 autres sont blessés.

  • 25 mars 2024

Le Conseil de sécurité des Nations unies adopte une résolution appelant à un cessez-le-feu immédiat entre Israël et le Hamas.

  • 13 avril 2024

En réaction à une frappe ayant visé son consulat à Damas, l’Iran tire plus de 300 missiles et drones en direction d’Israël, marquant la première attaque directe de Téhéran sur le territoire israélien.

  • 7 mai 2024

Israël lance une offensive à Rafah après avoir ordonné l’évacuation de la population. L’armée prend également le contrôle du poste-frontière avec l’Égypte.

  • 31 mai 2024

Le président américain Joe Biden appelle le Hamas à accepter un plan de cessez-le-feu soutenu par le Conseil de sécurité de l’ONU.

  • 11 juin 2024

Le Hamas conditionne son accord au plan de cessez-le-feu à l’arrêt complet des opérations militaires dans la bande de Gaza.

  • 15 août 2024

Selon le ministère de la Santé du Hamas, plus de 40 000 personnes ont été tuées à Gaza depuis le début du conflit.

  • 25 août 2024

Le Hezbollah lance une attaque contre Israël à l’aide de drones et de roquettes, en réponse à la mort de l’un de ses cadres, Fouad Chokr, tué dans une frappe israélienne à Beyrouth le 30 juillet.

  • 19 janvier 2025

Un nouveau cessez-le-feu entre Israël et le Hamas entre en vigueur à Gaza, à la veille de l’entrée en fonction de Donald Trump à la Maison Blanche. Des centaines de milliers de Palestiniens commencent à regagner le nord du territoire.

  • 18 mars 2025

Israël reprend ses opérations militaires à Gaza, rendant caduques les étapes suivantes du plan présenté par Donald Trump.

  • 12 mai 2025

Cinq jours après la libération d’un otage israélo-américain par le Hamas, Israël intensifie ses frappes et ses opérations dans la bande de Gaza.

  • 22 août 2025

Les Nations unies déclarent que certaines zones de la bande de Gaza sont désormais en situation de famine.

  • 16 septembre 2025

L’armée israélienne engage une offensive terrestre sur Gaza-ville, après un message de soutien exprimé par Washington à l’égard de son objectif d’élimination du Hamas.

  • 8 octobre 2025

Donald Trump annonce qu’Israël et le Hamas ont trouvé un accord sur la première phase du plan qu’il a présenté fin septembre. Celui-ci prévoit la libération d’otages contre environ 2 000 prisonniers palestiniens, l’entrée d’aide humanitaire dans Gaza et le retrait partiel des troupes israéliennes jusqu’à une ligne définie à l’intérieur de l’enclave.

 

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