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Ces opérations qui interpellent : des méthodes policières sous le feu des critiques

La manière d’opérer de la PHQ Special Striking Team, dirigée par l’assistant surintendant Ashik Jagai (photo), suscite des interrogations.

Les pratiques de certaines unités de police sont de plus en plus pointées du doigt. Des allégations d’abus et de violations des droits fondamentaux émergent, suscitant des inquiétudes quant aux pratiques policières et à la protection des droits des citoyens. Un meilleur mécanisme de communication, une modernisation dans la façon de mener les enquêtes, ainsi que le port obligatoire de « body cameras » lors des opérations ne sont que quelques solutions proposées par nos intervenants.

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Ex-inspecteur de la Major Crime Investigation Team (MCIT), Ranjit Jokhoo exprime son inquiétude face au comportement de certains policiers qui a conduit à une perte de confiance du public dans la force policière. 

Pour cet ancien haut-gradé, la police est une institution noble qui mérite le respect, mais l’attitude inappropriée de quelques-uns de ses membres ternit son image. « Quand des opérations légitimes aboutissent à des résultats désastreux, cela instille le doute dans l’esprit des gens », dit-il. Selon lui, il est urgent que la police redore son blason. « La police doit être une source d’inspiration et de confiance. Lorsque la population perd confiance en la police, cela crée un climat de peur dans le pays », ajoute Ranjit Jokhoo. 

Culture d’impunité

L’avocat et homme politique Rama Valayden dénonce ce qu’il considère comme une culture d’impunité persistante au sein de la force policière, qui perdure au fil des années. Selon lui, certains policiers « bénéficient de l’approbation du bureau du commissaire de police et de la protection de politiciens », ce qui leur permet d’agir en toute impunité. Il soutient que le public en a assez de cette situation. « Ne remarque-t-on pas le climat de peur qui règne dans le pays ? » demande-t-il. Me Valayden déplore également l’absence de transparence à tous les niveaux au sein de la force policière. Selon lui, cette opacité nuit à la confiance du public et compromet la mission des forces de l’ordre. « Il est crucial de remédier à cette situation en établissant des mécanismes de transparence rigoureux, tant dans les procédures internes que dans les interactions avec le public », dit-il.

Professionnaliser les enquêtes 

Me Yatin Varma, ancien Attorney General, indique qu’il a toujours plaidé pour une « modernisation dans la manière de mener les enquêtes policières ». « Il faut à tout prix professionnaliser le mode opératoire des policiers et la façon de recueillir des preuves », estime-t-il. L’avocat rappelle que c’est un combat qu’il mène depuis qu’il a assumé les fonctions de ministre de la Justice, puis de président du Bar Council. Autre proposition de Me Varma : l’introduction du Police and Criminal Evidence (PACE) Bill. « L’heure est venue d’équiper de ‘body cameras’ les policiers participant à des interventions. Il faut cependant amender la loi afin que les images capturées puissent être produites devant un tribunal », précise-t-il.

Réforme en profondeur

L’avocat Ravi Rutnah souligne la nécessité d’une réforme profonde de la force policière, une idée qu’il défend depuis 2010. Selon lui, la situation dans laquelle se trouve actuellement la police ne date pas d’hier. « Il s’agit d’une culture qui perdure depuis plusieurs décennies et dont nous récoltons aujourd’hui les conséquences », affirme l’homme de loi. MeRutnah met également en garde contre la politisation du débat, car « les politiciens de l’opposition peuvent critiquer la police lorsqu’ils sont dans l’opposition, mais trouveront tout à fait acceptable son fonctionnement une fois au pouvoir. » À cet égard, il rappelle les propos d’un ancien Premier ministre, qui est maintenant dans l’opposition depuis une quinzaine d’années, et qui déclarait ceci : « Lapolis pann fer pou donn biberon. »

Réforme

Pour Ravi Rutnah, il est essentiel d’adopter une approche sans compromis en matière de réforme de la force policière. « Une transformation complète s’impose pour remédier aux problèmes systémiques qui gangrènent l’institution depuis si longtemps. » Il insiste aussi sur le fait que toutes les parties prenantes doivent se concentrer sur l’intérêt public et la recherche de solutions efficaces. « La réforme de la police ne devrait pas être considérée comme une question partisane, mais plutôt comme une priorité nationale pour garantir la sécurité et la confiance de la population », dit-il.

Communication

La police, selon Ranjit Jokhoo, doit être en mesure de communiquer comme il se doit. « Ils ne peuvent pas se renfermer. Je trouve que la communication est insuffisante. Nek avoye tou lor Police Press Office. Je pense que le commissaire de police, Anil Kumar Dip, doit communiquer avec la population de temps à autres. C’est son devoir. Il ne faut pas perdre la bataille de la communication », avance l’ancien inspecteur. 

Restructuration

Quant à Rama Valayden, il estime des actions fortes doivent être entreprises pour rendre à la police ses lettres de noblesse. « En commençant par le mandat du commissaire de police qui doit être limité dans le temps. Sinon il se croit tout permis. Au-delà,   l’ensemble de la force policière a besoin d’une restructuration en profondeur et d’être davantage dotée d’équipements modernes. Parallèlement, il faut aussi introduire une Freedom of Information Act », propose l’avocat.

Pourquoi la SST et pas l’Adsu ?

La PHQ Special Striking Team (SST), dont le responsable est l’assistant surintendant Ashik Jagai, fait beaucoup parler d’elle depuis sa création l’an dernier. Les membres de cette unité ont procédé à l’arrestation de plusieurs personnes considérées comme des opposants au régime : Bruneau Laurette, Sherry Singh ou encore Akil Bissessur. « Il y a une perception que la SST traque les opposants politiques. Contrairement à l’Adsu. Les éléments de la SST doivent dissiper cette perception. Ils doivent démontrer qu’ils travaillent pour la population », avance l’ancien inspecteur Ranjit Jokhoo.

La dernière polémique concernant la PHQ Special Striking Team (SST) porte sur l’opération de livraison contrôlée organisée mardi matin au domicile de l’avocat Akil Bissessur. Elle faisait suite à la saisie d’un colis contenant 1 022 comprimés d’Ecstasy par les douaniers de l’aéroport. C’est un policier déguisé en facteur qui s’est présenté pour livrer le paquet à Akil Bissessur, dont l’adresse figurait sur le colis en provenance d’Allemagne. L’avocat, sa compagne, Doomila Moheeputh, et son frère, Avinash Bissessur, ont alors été arrêtés.

« Je pense que l’opération de la SST était ‘genuine’. Mais vu qu’elle était sous la houlette de l’ASP Ashik Jagai, certaines personnes ont commencé à s’interroger. Je suis convaincu que si une autre équipe, comme l’Adsu, avait mené l’opération, la situation aurait été tout autre », déclare un ex-haut gradé de la police sous le couvert de l’anonymat.

 

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