Interview

Bail & Remand Court - Me Wong Yuen Kook: «Il ne faut pas qu’il y ait une perception d’inégalité»

Me Wong Yuen Kook
La justice doit être rapide pour tous, avance Germain Wong Yuen Kook. On a constaté cette année-ci que la Bail & Remand Court (BRC) a, dans certains cas, siégé jusqu’à fort tard pour écouter une demande de remise en liberté formulée le même jour. Ordinairement, d’autres doivent attendre un minimum de cinq jours. Un individu arrêté pour un délit doit en premier lieu se présenter devant une cour où une charge provisoire sera logée contre lui. En cas d’objection de la police pour sa remise en liberté, comment peut-il obtenir la libération conditionnelle ? Quand quelqu’un est arrêté pour un quelconque délit, il est traduit devant la justice, dans une cour de district où le délit a été commis, pour qu’il prenne connaissance de l’accusation provisoire qui sera retenue contre lui. Le Police Prosecutor va alors informer le magistrat de cette instance, si la police a des objections ou non quant à la remise en liberté du prévenu. S’il n’y en a pas, le magistrat va le relaxer sous certaines conditions. Il aura à fournir une caution. Il se peut que d’autres conditions y soient attachées, comme se présenter au poste de police le plus proche de son domicile une ou deux fois par jour. Cependant, en cas d’objection, le magistrat ne pourra lui accorder la liberté conditionnelle. Une demande devra être faite devant la Bail & Remand Court (BRC). Cette cour statuera si le prévenu peut être remis en liberté ou non. Pourquoi une cour de district ne peut-elle écouter sa demande de remise en liberté sur-le-champ ? Comme mentionné plus haut, en cas d’objection du Police Prosecutor pour la remise en liberté, une demande doit être faite devant la BRC. La raison étant que l’article 18 de la Bail Act prévoit « l’exclusive juridiction » de la BRC pour juger que les demandes de remise en liberté. Comment recourir à la BRC ? Une application doit être déposée au Head Clerk de la BRC. Il est important de noter que la difficulté ne réside pas dans l’application elle-même, mais dans le délai avant que la BRC n’accorde une date pour écouter la demande. Ainsi, lorsqu’une personne est arrêtée et est en détention provisoire, il faut compter généralement cinq jours avant que sa demande de remise en liberté ne soit entendue. Si elle est en détention  policière (on remand), pour un délai plus long, sa demande de remise en liberté sera généralement entendue après deux semaines. Si la BRC ne lui accorde pas la remise en liberté provisoire, quel autre recours a-t-il pour retrouver sa liberté ? La personne a deux choix. Primo, elle peut faire une demande de révision (review) de la décision du magistrat de la BRC. Ce sera alors une application qui est faite comme « exparte » devant un juge des référés. Si l’application démontre une urgence et des éléments matériels justifiant la remise en liberté, le juge va alors référer le cas à la Cour suprême pour que l’affaire soit entendue. Secundo, s’il y a des circonstances nouvelles qui puissent justifier la remise en liberté de l’accusé, on peut ne recourir à une révision judiciaire. Cette personne peut faire une autre demande pour obtenir sa liberté devant la BRC, établissant clairement les circonstances nouvelles pour justifier sa nouvelle demande. Cette année-ci, nous avons constaté que la BRC a siégé fort tard en week-end comme en jour de semaine dans des ‘high profile cases’. Cela fait polémique. Votre opinion ? C’est tout à fait normal que cela fasse polémique. Environ une trentaine de demandes de remise en liberté sont écoutées par jour devant la BRC. Ces personnes et leurs familles vont logiquement se demander pourquoi le citoyen lambda a dû attendre entre 5 et 14 jours avant que sa demande de remise en liberté ne soit entendue. Alors que dans d’autres cas, le jour même où les charges provisoires sont logées, les demandes de remise en liberté de ces personnes sont entendues et une décision prononcée le même jour. Il est évident qu’ils s’interrogent sur l’existence d’une justice équitable et égale pour tous les citoyens de ce pays. Certains arrivent forcément à la conclusion qu’il y a une politique de deux poids deux mesures. Ils se demandent ainsi pourquoi n’ont-ils pas bénéficié du même traitement. On dit que « Justice delayed is justice denied ». La population mauricienne a la perception que la justice va plus vite pour certaines personnes. Pensez-vous que la justice est équitable à tous ? « Justice must not only be done, but seen to be done ». Il ne faut pas qu’il y ait une perception d’inégalité. Notre Constitution prévoit deux principes fondamentaux : primo, la présomption d’innocence, secundo, le droit à la protection de la liberté. Pour renforcer ces droits, je pense qu’une grande réforme est nécessaire. Il faut absolument « start by the root of the problem », qui est la charge provisoire. Elle débouche sur une arrestation et à la remise en liberté ou non d’un individu. On constate dans certains cas que la Cour raye ensuite la charge provisoire. Cela confirme que dans ce cas-ci, la police a logé une accusation provisoire qui n’avait pas lieu d’être. L’introduction de la Police and Evidence Criminal Act (PACE) sera une avancée dans la bonne direction. Je pense qu’il faudrait qu’on accorde plus de moyens au judiciaire pour la création d’une deuxième BRC. Cela permettrait d’écouter les demandes de remise en liberté plus rapidement, mais aussi pour renforcer les droits fondamentaux d’un individu d’obtenir la liberté.
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