Attentes et espoirs de l’an 2022

Chamboulement du calendrier scolaire, fermeture d’école, cours en ligne et à la télévision. Les impacts de la Covid-19 sont nombreux sur le secteur éducatif. À l’aube de la nouvelle année, les partenaires de l’éducation espèrent vivement que les choses s’amélioreront. 

Les conditions sanitaires liées à la Covid-19 obligent, les écoles ont dû fermer leur porte. La répercussion a été que les cours sont dorénavant dispensés en ligne et à la télévision pour le primaire. Cette mesure sera en vigueur jusqu’au 31 janvier prochain. À partir du 2 février et si les conditions le permettent, les élèves des Grades 9, 9+, 11 et 13 retourneront en classe. Les écoliers du primaire recevront eux des Learning Packs afin de leur permettre de poursuivre leurs études. Ce sont des notes et des exercices à faire afin de rester en ligne avec le programme d’études. 

Calendrier scolaire

Retourner à l’ancien calendrier est le cri de cœur de plusieurs pédagogues. Le Dr Om Nath Varma, ancien directeur du Mauritius Institute of Education (MIE), souligne qu’il faut avant tout comprendre le fonctionnement du système. « Outre le bouleversement de l'année scolaire à nouveau, tout changement implique un coût et des ajustements supplémentaires en termes de dates de trimestre. Le premier changement était une situation inattendue et nous avons dû nous adapter à la "nouvelle normalité". »

Le Dr Om Nath Varma ajoute que « dans le deuxième confinement, nous sommes conscients que nous ne pouvions pas nous attendre à reprendre nos activités comme d'habitude ». Il rappelle que cela exige que chaque acteur du système fasse un changement. Et de préciser que les enseignants ont dû changer leur mode d'enseignement et la plupart d'entre eux se sont adaptés, bien que le changement ne soit pas idéal. Ainsi, les étudiants doivent être conscients qu'ils ne peuvent pas s'attendre à étudier à la dernière minute et s'attendre à réussir par hasard. « La situation de la pandémie exige que nous nous adaptions tous. Ajustons-nous et comprenons qu'il existe plusieurs façons d'étudier, revenir à l'ancien calendrier signifiera une perte de six mois supplémentaires et la perte d'une année pour tous les étudiants. Au total, ce sera une perte de deux ans pour tous ceux qui ont traversé les deux pandémies. Sommes-nous prêts pour cela ? », s’interroge l’ancien directeur du MIE. Ce dernier rappelle qu’il semblerait que beaucoup de gens espèrent encore un changement. « On ne sait pas s'il y en aura un. Mais nous devons travailler avec l'hypothèse qu'il n'y aura pas de changement. Il est également important de mieux planifier l'avenir en prenant pour acquis la nouvelle normalité, avec les ajustements impliqués, y compris les changements dans la pédagogie et les modes d'enseignement », tient-il à faire ressortir.

Retourner à l’ancien calendrier est le cri de cœur.

Pour sa part, Ramparsad Mungar, le syndicat des recteurs des collèges privés, concède qu’il est difficile de changer les habitudes. « Avec le changement dans le calendrier scolaire, ce sont les élèves qui souffrent. Au début de l’année, alors que nous avions l’habitude de commencer avec un premier trimestre, maintenant, nous sommes en troisième trimestre. Cette période correspond à la saison de pluie ou de congés religieux. De ce fait, cela a un impact sur les études des élèves. Et ce sont eux les perdants. » Le pédagogue souligne qu’il faut trouver des solutions ensemble. « Pédagogues, parents, élèves, techniciens et enseignants, que l’on met souvent à l’écart, doivent s’asseoir autour d’une table pour discuter ensemble des solutions pour les élèves », précise Ramparsad Mungar qui recommande aux enseignants de rester en contact avec leurs élèves. « Il faut écouter les élèves, leur parler, pour connaître leur besoin. Et non uniquement avec ceux qui sont brillants. »

Quant à Lindsay Thomas, recteur du collège du Saint-Esprit de Rivière-Noire, il insiste que la place de l’enfant soit à l’école. Ce dernier est aussi d’avis qu’il faut un brainstorming national pour discuter de l’intérêt supérieur de l’enfant. « Il nous faut voir tous les enjeux. Les choses ne sont pas aussi simples que nous pouvons le croire. Si nous parlons aux enfants, nous saurons alors quels sont leurs intérêts. Actuellement, les élèves sont perdants, non seulement dans la transmission du savoir, mais aussi dans toutes les dimensions de la vie et de la transmission des valeurs. »

Retour en présentiel 

À partir du 2 février 2022, les cours débuteront en présentiel pour les élèves des Grades 9, 9+, 11 et 13, dépendant de la situation sanitaire. Jacques Malié, pédagogue, soutient que « nous vivons une situation complexe et inédite. Le plan proposé par la ministre de l’Éducation n’est pas si mauvais dans une conjoncture dans laquelle nous vivons. Attendons un peu de voir que la situation évolue positivement, car la santé des enfants demeure une priorité. » Ce dernier soutient qu’il faudrait continuer avec les cours en ligne à la rentrée, mais de le faire de façon organisée. Jacques Malié précise que le sérieux dans les cours doivent venir des enseignants et des élèves. « Les élèves subissent une crise d’identité, par rapport aux cours qui ne sont pas personnalisés. Le plus tôt que l’on puisse reprendre sera une bonne chose. Je souhaite que cela ne sera pas en classe décalée, mais nous devons garder en tête la situation sanitaire et que nous sommes dans le même bateau. Et qu’ensemble nous devons pousser dans la même direction. »

Primaire

Un mode d’évaluation nécessaire 

La fermeture des écoles a vu une nouvelle méthode d’enseignement au primaire. Les cours sont dispensés sur les chaînes de la télévision nationale. Dans certains cas, surtout pour les écoliers des Grades 4, 5 et 6, les enseignants ont gardé contact à travers une plateforme technologique. 

L’instituteur Vishal Baujeet de la Government Teachers’ Union (GTU) souligne qu’il devrait y avoir un mode d'évaluation pour les enfants qui suivent des cours à la télévision. « Il faut un suivi, étant donné que les cours télévisés préenregistrés n'impliquent aucune évaluation des connaissances acquises. D’où la nécessité d’un mode d’évaluation. »

Concernant les cours en présentiel, l’instituteur est d’avis que les enseignants doivent encourager le travail en groupe avec des élèves aux capacités mixtes. « Ils devraient également encourager l'apprentissage entre pairs dans le but de surmonter leur timidité et de se motiver à apprendre. Aussi, impliquez tous les élèves dans des activités pertinentes afin qu'ils ne se sentent pas isolés. »

Concernant l’annonce de la vice-Première ministre et ministre de l’Éducation, Leela Devi Dookun-Luchoomun, sur la distribution du ‘Learning Packs’ aux écoliers des Grades 4, 5 et 6, Vishal Baujeet avance qu’« il devrait avoir un suivi pour ces enfants par le ministère de l’Éducation à travers les chefs d'établissement pour s'assurer que 100 % des parents récupèrent et retournent les ‘packs’ qui ont été travaillés par les élèves à la maison ». 

L’instituteur ajoute que le problème se posera si les parents ne viennent ni récupérer ni rendre les packs/feuilles de travail à la fin de l’exercice de correction et de suivi. « Cette méthode ne sera pas comme lorsque les élèves le faisaient en classe et avaient le même apprentissage. Cependant, il est bon de noter que tout est fait pour avoir une continuité et garder les élèves connectés à leurs études dans cette situation pandémique et exceptionnelle. »

Souhaits des élèves 

Mathieu Dacruz, élève du collège du Saint-Esprit, et Président national du National Forum for Colleges

« Je pense qu’une majorité des élèves préférerait reprendre l’école en présentiel. Du moins, c’est ce que nous démontrent nos statistiques au niveau du National Forum for Colleges (NAFCO), organisation qui réunit des établissements scolaires secondaires de l’île. Les cours en ligne ont définitivement engendré un mal-être psychique chez beaucoup de jeunes. Cependant, vu la situation sanitaire, je ne dirais pas qu’il serait meilleur de reprendre les cours en personne, mais ce serait “moins pire”. Les adolescents ont besoin de ce contact social qui est interrompu depuis pas mal de temps. De plus, nous n’avons pas de statistiques qui démontrent si tous les élèves ont les facilités nécessaires pour le bon déroulement des cours en ligne et s’ils arrivent à apprendre convenablement. Plus de statistiques et un meilleur suivi, c’est ce dont on a besoin de la part du ministère de l’Éducation. »

Jade Lee Hon Chong, Queen Elizabeth College 

« Depuis notre jeune âge, nous avons été conditionnés à nous surpasser dans nos études. Comment sommes-nous supposés réussir si nous ne pouvons même pas nous rendre à l’école ? Cela a ainsi créé une immense pression qui n’a fait que croître quand nous avions dû nous adapter d’un jour à l’autre aux cours en ligne. Nous admettons que les cours en ligne étaient une solution efficace à la crise sanitaire mais ce n’est pas pour autant que cette solution serait la meilleure au long terme. C’est un fait que la santé mentale de beaucoup d’entre nous a drastiquement été affectée. Maintenir la scolarisation en ligne ne fera qu’empirer l'état d'esprit des élèves. Nous ne pouvons pas continuer à rater des classes de pratiques, passer des journées devant nos écrans et être privés d’interactions avec nos amis. Il est crucial de ne pas oublier que les cours en ligne sont synonymes de moins d’exercice, plus de stress, zéro compétence interpersonnelle et aucune préparation à la vie d’adulte qui nous attend. Finalement, je tiens à ce que les gens se rappellent que certains élèves n’ont pas accès aux ressources nécessaires pour prendre part aux cours en ligne. La chance à l’éducation ne devrait-elle pas être égale pour chaque élève ? » 

Jonathan Chan, collège du Saint-Esprit 

« Malgré les divergences d'opinions, il serait judicieux de considérer et comprendre les deux côtés de la balance quand il s’agit des cours en ligne ou en personne. D'un côté, il est indiscutable que l'atmosphère et le style d’apprentissage en présentiel ne peut être répliqué virtuellement. De plus, nos amis, nos discussions, nos moments de partages et de rires nous manquent tous. Cependant, il faut aussi prendre conscience que la Covid-19 est toujours présente parmi nous et qu'il faut toujours être vigilants. Malgré le fait que l'école nous manque, les cours en ligne sont la meilleure option pour l'instant. J’espère qu’il y aura des améliorations. »

Yajna Seebaluck, Queen Elizabeth College

« Au cours des deux dernières années, notre scolarité s’est déroulée en ligne, à plusieurs reprises. Contre toute attente, l'adaptation à ce nouveau mécanisme d'apprentissage a été difficile. Malgré l'efficacité des cours en ligne pendant cette crise sanitaire implacable, personnellement, j'aurais préféré que l'école reprenne en présentiel en 2022. Avoir besoin de travailler avec concentration en face d'un écran pour au moins sept heures tous les jours en isolement, excluant la charge de travail éprouvante de mes devoirs, affaiblit beaucoup ma santé et mon état d'esprit. Ces conditions mettent à rude épreuve la motivation et la discipline avec lesquelles je travaillais auparavant. Ma performance académique n'est plus vraiment au niveau requis. De plus, étant une élève des matières scientifiques, il est impératif que je reprenne mes classes de pratique au plus vite possible afin de compléter le plan de travail. »