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Abolition de l’esclavage : ces esclaves indiens qui ont contribué à bâtir Port-Louis

Satyendra Peerthum est historien, chercheur et écrivain.

En ce 1er février, l’île Maurice célèbre les 189 ans de l’abolition de l’esclavage. Si l’histoire nous démontre que la majorité des esclaves étaient d’origine africaine et malgache, des esclaves indiens ont joué un rôle crucial dans la construction des grands édifices de Maurice.

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Entre 1639 et 1835, les esclaves indiens ont constitué une part intégrante de la population d’esclaves locale pendant toute la durée de l’esclavage à Maurice. « Au cours de cette période, ils ont apporté une contribution importante à la transformation d’une île volcanique accidentée en L’une des colonies européennes les plus importantes de l’océan Indien », souligne Satyendra Peerthum.

« Une partie étaient des artisans, notamment des charpentiers, des maçons, des tailleurs de pierre, entre autres. Ils ont participé à la construction de bâtiments tels que l’hôpital militaire, l’hôtel du gouvernement, la cour suprême, entre autres », ajoute l’historien.

Les premiers esclaves indiens à Maurice

La présence d’esclaves indiens dans l’histoire de Maurice remonte à la genèse de la colonie néerlandaise au milieu du XVIIe siècle. En mai 1638, la Compagnie néerlandaise des Indes orientales fit la première tentative d’établir un avant-poste colonial à Maurice. Plus d’un an plus tard, en novembre 1639, les trois premiers esclaves indiens, un plongeur d’origine bengalie, un autre plongeur d’Oman en Arabie et un Indonésien, furent amenés sur les rives mauriciennes depuis Batavia (l’actuelle Java en Indonésie) par Adrian van der Stel, le commandant de la jeune colonie néerlandaise.

« Entre les années 1640 et le début des années 1700, plus de deux douzaines d’esclaves indiens furent introduits à Maurice, jouant un rôle significatif en tant qu’artisans qualifiés et semi-qualifiés. » Entre 1728 et 1800, plus de 24 000 esclaves indiens furent amenés à Maurice et à la Réunion, avec 14 000 venant à l’Île de France (Maurice) et 10 000 sur l’ancienne Île Bourbon (la Réunion).

La période de colonisation active par les Français débuta en décembre 1721, et quelques années plus tard, les premiers esclaves indiens furent introduits en novembre 1728, lorsque Sieur Lenoir, le gouverneur de Pondichéry, envoya 28 esclaves travailler sur son domaine à Maurice. De plus, entre 1729 et 1731, plus de 300 esclaves, principalement des esclaves du sud de l’Inde de Pondichéry et de Karik                              al, furent envoyés vers Maurice. En 1735, il y avait 485 Indiens, esclaves et hommes libres confondus, sur une population coloniale totale de 2 123.

Pendant la majeure partie du XVIIIe siècle, les esclaves indiens représentaient environ 10 % de la population totale d’esclaves de l’île. « Il est intéressant de noter qu’à la fin de la domination française, en 1804, il y avait 6 000 esclaves indiens sur une population totale d’esclaves d’environ 60 000, soit 10 %. De plus, il y avait 400 Indiens libres sur une population totale de personnes de couleur libres de plus de 4 000 », souligne l’historien.

Au XVIIIe siècle à l’Île de France, les esclaves indiens étaient divisés en quatre groupes majeurs, à savoir les Malabars, les Indiens, les Bengalis et les Talingas. Cependant, au début du XIXe siècle, ils étaient communément appelés les esclaves indiens.

Esclaves indiens et affranchissement

En juin 1738, le premier affranchissement eut lieu à l’Île de France lorsque Sheik Ally, un marchand musulman indien, adressa une pétition au gouverneur Mahé de Labourdonnais et au Conseil Supérieur pour affranchir Amina, sa femme musulmane qui était esclave indienne. En très peu de temps, les autorités coloniales de l’île ont accordé la demande d’affranchissement d’Ally. Cependant, en général, en raison des limites strictes imposées aux affranchissements (par le Code Noir ou les Lettres Patentes de 1723, les lois coloniales qui régissaient l’esclavage à Maurice française), seulement environ 500 esclaves ont été affranchis entre 1721 et 1767.

Entre 1784 et 1802, à l’Île de France, il y a eu 367 affranchissements, et un total de 126 esclaves indiens ont été libérés, soit plus de 34 %. De plus, selon le recensement de Maurice de 1804, entre 1796 et 1800, environ 316 esclaves adultes ont été affranchis, dont 118 esclaves indiens adultes, soit 37 %. 

« Cela montre clairement qu’au cours de la période française, la majorité des esclaves libérés étaient des esclaves indiens, et le plus souvent, il s’agissait de femmes esclaves qui étaient affranchies. Une analyse minutieuse des cas d’affranchissement mauriciens du XVIIIe et du début du XIXe siècle montre que certains de ces esclaves mauriciens affranchis, en particulier les esclaves indiens, légitimaient leurs relations par le biais de mariages, formaient des familles et commençaient une nouvelle vie en tant qu’individus libres dans la société coloniale mauricienne. » L’historien Satyendra Peerthum ajoute que certains d’entre eux sont retournés dans leur pays d’origine, soit en Inde à la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle.

Antoine et Catherine, les esclaves affranchis

Antoine, un esclave indien, appartenait au Marquis de Bussy qu’il avait fidèlement servi pendant plus de vingt ans. Au début des années 1770, Antoine, qui se trouvait alors à l’’Île de France sous la garde de Sieur Hulot, un ami du marquis français, a été libéré et, immédiatement après, il a exprimé le désir de retourner en Inde. Ainsi, en 1773, en récompense de plus de deux décennies de service fidèle, le Marquis de Bussy a récompensé son esclave indien en l’affranchissant et en payant son passage vers le pays de sa naissance. Plus tard cette même année, Antoine a quitté Maurice pour l’Inde.

En juin 1773, Catherine, une esclave indienne, a été affranchie par le testament de son défunt maître, Sieur Rouault, un célèbre officier de vaisseau marchand basé à l’Île de France. Au cours des années 1760 et du début des années 1770, grâce à l’occupation de son maître, elle a pu voyager avec lui en Inde à plusieurs reprises. Par conséquent, il n’était pas surprenant qu’une fois libérée, Catherine exprimait un fort désir de retourner dans le pays de sa naissance. Sieur Jean Charles du Coudray, le capitaine d’un vaisseau marchand colonial et un ancien collaborateur proche de Sieur Rouault, s’est engagé à lui verser une somme de 600 livres et les frais de son passage vers l’Inde. Peu après, Catherine a quitté Maurice et est retournée dans son pays d’origine.

« Ces migrations de retour ne se limitaient pas aux esclaves nés en Inde, mais aussi aux esclaves nés à Maurice et qui montraient le désir de retourner sur la terre de leurs ancêtres. En 1804, Anna, une esclave créole d’origine indienne ou une esclave mauricienne d’ascendance indienne, a acheté sa liberté et son propre passage vers l’Inde. Elle y a vécu plusieurs années et est décédée au milieu des années 1810. »


En chiffres

  • Au milieu des années 1830, environ 45 % de la population d’esclaves était d’origine mauricienne. 47 % des Mozambicains et des Malgaches, 5 % étaient des Indiens et 3 % des Malais et autres.  
  • En 1835, la population de la colonie se répartissait ainsi : 70 % d’esclaves, dont 5 % d’origine indienne, 30 % de gens libres, parmi lesquels 20 % de gens de couleur, incluant les indiens libres, et 10 % de blancs.

 Anna de Bengale

En juin 1695, Anna, une esclave indienne de Bengale qui travaillait comme laboureur avait mené un soulèvement des esclaves et des marrons et avait mis le feu au Fort Frederik Hendrik. Pendant des semaines, elle avait planifié, avec d’autres esclaves indiens, malgaches et indonésiens, de tuer les colons hollandais, le commandant et les employés de la Compagnie des Indes hollandaises. Ils voulaient mettre fin à la colonisation de l’île Maurice par les Hollandais. Cependant, ils ont échoué, et Anna et ses conspirateurs ont été reconnus coupables par un tribunal colonial et mis à mort de manière extrêmement atroce par les Hollandais.

 

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