Le taux d’inflation pourrait redescendre à 7 % en décembre 2023, selon les projections de la Banque de Maurice. Toutefois, des observateurs sont d’avis que des mesures pourraient être prises afin de réduire davantage ce taux.
L’inflation est l’une des préoccupations mondiales majeures en cette année 2023. Le rapport sur les perspectives économiques mondiales de juillet 2023 du Fonds Monétaire International (FMI) table sur un taux d’inflation mondiale de 6,8 % en 2023 contre 8,7 % en 2022. L’inflation de base devrait également diminuer, passant de 6,5 % en 2022 à 6 % cette année.
À Maurice, la Banque de Maurice anticipe aussi une baisse de l’inflation pour atteindre 7 % en décembre prochain. Le Gouverneur de la Banque de Maurice, Harvesh Seegolam, soulignait le 15 septembre dernier que cette réduction sera « soutenue par la baisse des prix mondiaux des produits de base et l’atténuation des perturbations de l’offre et de la logistique mondiales qui, ensemble, augureront bien des perspectives d’inflation pour 2023 ».
Il est attendu que le ciblage d’inflation dans la fourchette de 2 à 5 % intervienne au cours du premier semestre 2024 sous l’influence de la normalisation progressive de la politique monétaire appelée à agir sur l’économie et empêcher l’inflation de base de prendre de l’ampleur.
L’inflation globale a entrepris une courbe descendante, passant de 11,1 % en mars 2023 à 9,6 % en août 2023. Idem pour l’inflation en glissement annuel qui se chiffre à 5,9 % en août dernier, tombant d’un pic de 12,2 % en décembre 2022. Harvesh Seegolam a expliqué que la normalisation des chaînes d’approvisionnement mondiales et la baisse des prix mondiaux des produits de base ont influencé ces taux. « Il est également encourageant de noter que les pressions inflationnistes sous-jacentes se sont atténuées au cours des derniers mois, reflétant dans une certaine mesure la dissipation des effets de second tour des chocs d’offre observés précédemment », a-t-il fait comprendre.
Taxe
Dans l’éventualité que Maurice parvienne à atteindre une inflation de 7 % cette année, Suttyhudeo Tengur estime que c’est un taux élevé. Le président de l’Association pour la protection de l’environnement et des consommateurs (APEC) soutient que cela pénalise économiquement les plus vulnérables, dont les retraités, ceux qui n’ont pas un emploi fixe ou encore les personnes qui touchent le salaire minimum. « L’inflation est une taxe additionnelle », tient-il à préciser.
L’économiste Pierre Dinan voit en la dépendance de Maurice à l’importation des produits de base une véritable faiblesse pour le pays. Il suggère de poursuivre les efforts pour baisser l’inflation entre 2 et 4 %. « Trop d’argent pour trop peu de biens provoque l’inflation. Cependant, l’inflation a toujours existé et je crains que l’on ne peut y vivre sans », avance-t-il.
Mesures
Des conditions doivent être réunies pour permettre de réduire le taux d’inflation. La valeur de la roupie aura un effet, selon Pierre Dinan. Car, un taux de change défavorable de la roupie poussera les détenteurs de devises à investir à l’étranger.
Suttyhudeo Tengur est quant à lui d’avis que davantage de compétition influera les prix à la baisse. « L’impact de l’offre et la demande se fait sentir sur les prix », poursuit-il. Le président de l’Association pour la protection de l’environnement et des consommateurs (APEC) ne limite pas non plus le rôle clé que pourrait avoir l’État dans ce combat contre l’inflation. Il argue que dans le contexte actuel, des achats G-to-G peuvent permettre de sauver l’économie locale. « La State Trading Corporation achète du pétrole avec des entreprises du privé. En misant sur des relations avec des pays amis, les achats auraient pu se faire de gouvernement à gouvernement. Cela aurait coûté moins cher », conclut-il.
Sondage de la BoM effectué en août dernier sur l’inflation
L’inflation globale pour le mois de juillet 2023 était de 10 %
- 89,1 % des personnes interrogées considèrent ce taux comme élevé
- 6,5 % des personnes interrogées considèrent ce taux comme approprié
- 4,4 % des personnes interrogées considèrent ce taux comme faible
Prévision pour l’inflation globale pour décembre 2023
- 81,9 % des sondés tablent sur un taux d’inflation supérieur à 7 %
Prévisions moyennes d’inflation
- Décembre 2023 : 9,2 %
- Juin 2024 : 7,9 %
En chiffres
Inflation globale en 2023
- Janvier : 11,1 %
- Août : 9,6 %
Inflation en glissement annuel en 2023
- Janvier : 11,8 %
- Août : 5,9 %
L’inquiétude autour du pétrole
Les prix mondiaux de l’énergie ont pointé vers le haut au cours du troisième trimestre 2023. Les réductions volontaires prolongées de la production de pétrole brut de l’Arabie saoudite tout comme l’augmentation de la demande mondiale associée à la reprise mondiale ne sont pas sans conséquence. Toutefois, a indiqué Harvesh Seegolam, les prix des denrées alimentaires ont baissé en août 2023 en raison de l’abondance de l’offre mondiale. « L’indice Freightos Baltic, qui mesure les taux de fret des conteneurs dans le monde entier et sert d’indicateur de stocks maritimes, est resté orienté à la baisse », a-t-il expliqué. Ce sont là des facteurs non-négligeables qui sont susceptibles d’influer sur le taux d’inflation à Maurice.
Questions à… Vinaye Ancharaz, économiste : « Un taux d’inflation à la baisse ne signifie pas que les prix vont diminuer »
Selon les chiffres avancés par le Gouverneur de la Banque de Maurice, l’inflation devrait atteindre 7 % en décembre 2023. Est-ce un taux réalisable ?
C’est un taux atteignable. L’inflation est en baisse à travers le monde. Les facteurs qui contribuaient à augmenter l’inflation comme la Covid-19 et le fret sont derrière nous. La guerre ukrainienne qui avait influencé les prix des commodités est toujours d’actualité, mais se stabilise. Cependant, le coût du pétrole à l’international a pris une tendance haussière. Nous avons terminé l’année 2022 avec une inflation d’environ 11 % à Maurice. Le taux sera inférieur à 10 % cette année. Il convient de souligner que la dépréciation de la roupie est un facteur qui a pesé sur le taux d’inflation en 2022 et les années précédentes. En tant que pays tributaire de l’importation, il y a une relation directe entre la dépréciation et l’inflation. La roupie commence néanmoins à se stabiliser avec les interventions de la Banque de Maurice sur le marché intérieur des changes. La dépréciation de notre monnaie n’est pas au même rythme que les années précédentes.
La Banque de Maurice a mis en place un nouveau cadre de politique monétaire et vise à ramener le taux d’inflation dans une fourchette de 2 à 5 %. De ce fait, est-ce qu’une inflation à 7 % à la fin de cette année serait élevée ?
Une inflation de 7 % à la fin de 2023 serait effectivement un taux élevé alors que nous faisons un ciblage de l’inflation. Nous nous dirigerons vers un retour à la moyenne de l’inflation en atteignant un taux dans cette fourchette ciblée par la Banque de Maurice. En réalité, Maurice est habitué à un taux d’inflation autour de 5 % et c’est raisonnable. Toutefois, cela va prendre du temps avant de redescendre à un tel taux. Il y a toujours l’effet de débordement de la pandémie qui se fait sentir.
Les chiffres de Statistics Mauritius indiquent que l’inflation globale et l’inflation en glissement annuel ont diminué entre janvier et août derniers. Comment expliquer que les prix ne baissent pas ?
Il faut bien faire la distinction entre les prix élevés et l’inflation. L’inflation est le rythme auquel les prix augmentent. Les prix vont grimper par 10 % dans l’éventualité que le taux d’inflation est de 10 %. Ainsi, un taux d’inflation à la baisse ne signifie pas que les prix vont diminuer. Au contraire, les prix continuent d’augmenter, mais à un rythme au ralenti. Il faudrait une situation de déflation pour que les prix baissent. Or, à ma connaissance, nous n’avons pas connu de déflation à Maurice.
Quelles sont les mesures concrètes qui peuvent permettre de réduire l’inflation ?
Maurice n’a pas de grand contrôle sur les facteurs externes. Toutefois, ceux-ci commencent à se dissiper. Par contre, il faut faire attention aux facteurs internes. La dépréciation de la roupie en est un. Une meilleure maîtrise du taux de change peut contribuer à réduire l’inflation. Cela passe par l’intervention de la Banque centrale. Tout manque de devises sur le marché intérieur des changes aura également une influence sur l’inflation.
Les prévisions touristiques pour 2023 pointent vers le niveau pré-Covid. Cela indique une reprise du secteur touristique. Nous ne pouvons donc pas parler de pénurie de devises. Or, nous voyons que tel n’est pas le cas. La faible valeur de la roupie pousse les investisseurs à conserver leurs devises. Les spéculations dont évoque souvent le Gouverneur de la Banque de Maurice ne concernent pas uniquement les banques, mais aussi les exportateurs, investisseurs et particuliers. C’est en somme cela qui provoque un manque artificiel de devises sur le marché.
Par ailleurs, le manque de main-d’œuvre entraîne l’inflation des salaires. C’est difficile d’avoir un contrôle considérable sur cet élément, mais il est important d’éviter que le coût de production ne grimpe, car cela accélère le taux d’inflation. Nous nous approchons aussi d’une année électorale. Des mesures populistes pourraient également influer sur l’inflation.
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