
Verde Frontier Solutions Ltd, fondée en 2015, s’est rapidement imposée dans plusieurs secteurs. Cependant, des liens troublants avec l'ex-ministre des Finances, Renganaden Padayachy, et des contrats publics douteux de même que des commissions obtenues suscitent des interrogations.
Verde Frontier Solutions Ltd est une entreprise discrète qui, en moins d’une décennie, s’est imposée comme un acteur dans plusieurs sphères de l’économie mauricienne. C’est du moins ce que soutiennent ses fondateurs.
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Incorporée le 27 juillet 2015, Verde Frontier Solutions Ltd, installée à Verde House à Pailles depuis août 2019, affiche aujourd’hui un profil d’expertise en ‘data analytics’, conseil financier, services médias et investissement stratégique. Mais derrière cette montée en puissance, se dessine une série de liens troublants entre ses actionnaires et l’ancien ministre des Finances, Renganaden Padayachy.
À la tête de Verde Frontier Solutions, deux figures émergent : Venna Pavaday et Dirish Noonaram, cofondateurs et époux dans la vie. Tous deux affichent un parcours professionnel étoffé, notamment dans les domaines de l’analyse de données, de la finance et de la recherche appliquée. Verde revendique sur son site être « une société de conseil privilégiée des plus grandes entreprises de Maurice », et un leader de « la disruption du marché » en matière de services liés aux données et à la finance.
Mais dans les milieux politico-économiques mauriciens, Verde est aussi connue pour une autre raison : ses liens supposés avec l’ex-ministre des Finances, Renganaden Padayachy, en fonction entre novembre 2019 et novembre 2024. Plusieurs sources, concordantes, évoquent une proximité entre Venna Pavaday et l’ex-ministre, certains allant jusqu’à parler d’un lien familial. « Dans le milieu, quand on parlait de Verde, on savait qu’il y avait une connexion directe avec Padayachy », confie un ancien haut fonctionnaire. L’ascension de Verde s’est accélérée sous le mandat de Padayachy. La société a décroché plusieurs contrats dans le secteur public, y compris auprès d’institutions de premier plan comme la Banque de Maurice, la State Bank of Mauritius, la MauBank, Polytechnics Mauritius et la Financial Services Commission (FSC). Un contrat de Rs 15 millions octroyé par la Banque centrale à Verde Frontier Solutions fait actuellement l’objet d’une enquête de la Financial Crimes Commission (FCC). L’instance s’interroge notamment sur d’éventuelles pressions exercées par le ministre sur l’ex-Gouverneur Harvesh Seegolam pour favoriser l’octroi de ce marché.
En août 2020, Verde obtient une licence de la FSC pour opérer dans le domaine du conseil financier, à une vitesse qui surprend certains professionnels du secteur. « D’autres doivent patienter des mois et soumettre une panoplie de documents. Verde, elle, a eu le feu vert rapidement », note une source proche du dossier.
L’influence de Verde s’est également illustrée dans le secteur privé. En juin dernier, la firme aurait agi en tant que ‘transaction advisor’ dans l’affaire de la vente de 70 % d’East Coast Hotel Investment Ltd à la Mauritius Investment Corporation (MIC), pour un montant de Rs 2,4 milliards, et la revente de 21 % de ces actions par la MIC au groupe Sun. Des opérations d’envergure, impliquant indirectement les fonds publics, qui placent Verde au cœur des circuits économiques. C’est cette affaire qui a valu l’arrestation de Renganaden Padayachy et Harvesh Seegolam durant la semaine par la FCC, et Jitendra Bissessur, ex-CEO de la MIC le 1er avril dernier, toujours par la FCC.
Son Incursion dans les Médias
L’expansion de Verde ne s’est pas limitée aux services financiers. En 2020, la société a mis la main sur le média en ligne Ion News, alors en difficulté financière. Le processus de rachat soulève de nombreuses questions. À l’époque, Indian Ocean Network Ltd, propriétaire d’Ion News, est placée sous administration. L’administrateur nommé par le gouvernement, Arvind Gokhool – connu pour avoir géré la crise d’Air Mauritius, en tandem avec Sattar Hajee Abdoula de mai 2020 à fin 2021 – choisit en septembre 2020 de céder le média à Ion Digital Ltd, incorporée le 7 aout 2020, soit le mois précédent. Cette société appartient au Vendi Group… dont les seuls actionnaires sont Venna Pavaday et Dirish Noonaram. Vendi Group est l’unique actionnaire de Verde Frontier Solutions Ltd Cette acquisition, faite par une entreprise au capital social de seulement Rs 2, sans chiffre d’affaires déclaré pour 2022, selon le Registrar of Companies, peut soulever des interrogations sur les motivations derrière cette reprise. « Dès que le dossier Ion News a été placé sous administration, un Senior Advisor au ministère des Finances s’y est intéressé de très près », relate une source bien informée. « Il insistait pour être tenu au courant et affirmait que Verde était intéressée et affirmait aussi que beaucoup de gens souhaitaient que Verde devienne l’acquéreur d’Ion News. Nous avons alors compris qu’il y avait un axe Padayachy/ Verde ».
Chiffres d'Affaires de Rs 34 M en 2023
Forte de plus de 34 millions de roupies de chiffre d’affaires pour l’année fiscale 2023, l’entreprise affiche un profit de Rs 18,3 millions, contrastant avec les pertes enregistrées un an plus tôt (Rs 30,7 millions). Elle se prévaut d’un portefeuille diversifié, comprenant Café LUX*, Cookie Jar, et OWNERS – une entreprise dans le foncier, bien que ses projets ne soient pas encore matérialisés. Selon ses fondateurs, Verde fournit également des services de media intelligence basés sur l’intelligence artificielle et le web scraping, en plus d’un outil de gestion documentaire propriétaire. Son expansion continentale et ses ambitions de croissance dans les marchés émergents africains sont portées par une narration d’expertise technologique et d’innovation. La grande question est qu’elle est la recette de cette ‘success story’ apparente? Etait-elle une socièté-écran, s'interrogent des observateurs dans le domaine de la finance, compte tenu des transactions effectuées jusqu'ici...
Un paiement de Rs 120 millions à Verde soulève des questions
Verde Frontier Solutions Ltd, ‘Transaction Advisor’ retenu par l’homme d’affaires Armand Apavou dans le cadre de la cession de 70 % des parts d’East Coast Hotel Investment Ltd à la Mauritius Investment Corporation (MIC) pour Rs 2,4 milliards, aurait perçu un montant de Rs 120 millions au titre de ‘success fee’, soit environ 5 % de la valeur totale de la transaction.
Cependant, selon des sources proches du dossier, le versement inclurait également des honoraires impayés pour des prestations antérieures. Cette ventilation du paiement, entre commission liée à la transaction principale et règlement de créances anciennes, n’a pas été formellement détaillée par les parties concernées, mais suscite l’intérêt des autorités, notamment dans le cadre des enquêtes actuellement menées par la Financial Crimes Commission.

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