
Les deux motions qui s’opposent à la ratification du traité entre Maurice et le Royaume-Uni dans le dossier des Chagos ont été débattues lundi à la Chambre des Lords britannique.
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L’avenir de l’archipel des Chagos continue de susciter de vifs débats au sein du Parlement britannique. Alors que Londres et Port-Louis s’engagent dans un processus de restitution du territoire, plusieurs voix discordantes s’élèvent à la Chambre des Lords. Entre préoccupations géopolitiques, enjeux écologiques, et réparations historiques attendues par les Chagossiens, le traité en discussion révèle des fractures profondes.
Le ministre conservateur des Affaires étrangères, Lord Callanan, a vivement critiqué l’accord en cours entre le Royaume-Uni et l’île Maurice sur la restitution de l’archipel des Chagos. Selon lui, le gouvernement britannique s’apprête à céder un territoire stratégique « sous la pression de juristes militants », guidé par un souci de respectabilité sur la scène internationale plutôt que par la défense des intérêts du pays. L’accord, qui pourrait coûter 30 milliards de livres aux contribuables, intervient dans un contexte d’austérité où l’État peine à soutenir les plus vulnérables. « On dit manquer de moyens pour les personnes handicapées ou les retraités, mais on trouve des milliards pour céder un avant-poste stratégique », dénonce Lord Callanan.
Outre la question budgétaire, ce dernier met en garde contre une potentielle montée en influence de la Chine, via l’initiative « Belt and Road », à laquelle Maurice est partie prenante. L’accès indirect de Pékin à Diego Garcia suscite de vives inquiétudes. Des clauses contraignantes obligeraient le Royaume-Uni à informer Maurice en cas d’activités militaires sensibles, risquant de compromettre la confidentialité d’opérations stratégiques. Les Chagossiens, déplacés depuis des décennies, n’auraient par ailleurs pas été suffisamment consultés. Lord Callanan plaide ainsi pour un référendum auprès de cette population oubliée. Enfin, la zone marine protégée des Chagos, l’une des plus vastes au monde, pourrait être ouverte à la pêche commerciale – une décision lourde de conséquences écologiques.
Contentieux juridique
Lord Goldsmith, président du Comité des accords internationaux, a présenté au Parlement britannique le rapport sur l’accord conclu avec Maurice concernant la souveraineté de l’archipel des Chagos, dont Diego Garcia, abritant une base militaire américano-britannique stratégique. Objectif : clore un contentieux juridique vieux de plusieurs décennies, amorcé par Maurice, qui conteste la séparation de l’archipel intervenue avant son indépendance en 1968. En 2019, la Cour internationale de justice avait estimé cette séparation illégale. Si cet avis reste consultatif, il exerce une réelle pression sur Londres.
Le comité épingle l’absence de droit au retour et de consultation des Chagossiens, toujours privés de réparations. Lord Goldsmith recommande un accès prioritaire à l’emploi sur la base et des négociations concrètes de réinstallation. Sur le plan écologique, il alerte sur le devenir de la zone marine protégée, et suggère que des fonds soient fléchés vers sa préservation. Le comité demande plus de transparence sur la gestion des 3,4 milliards de livres sterling, notamment sur leur gouvernance, les critères de répartition, et la participation des Chagossiens — y compris ceux résidant au Royaume-Uni — à leur administration.
Pour une justice réelle et partagée
Membre du Comité des relations internationales et de la défense de la Chambre des Lords, Lord Alderdice a livré une analyse nuancée de l’accord signé entre le Royaume-Uni et Maurice sur la souveraineté des Chagos. Un accord, selon lui, fruit de longues négociations, qui consacre la reconnaissance de Maurice comme souverain légitime, en ligne avec le consensus international. S’il ne conteste pas cette restitution, Lord Alderdice soulève plusieurs zones d’ombre, à commencer par l’usage futur de la base militaire de Diego Garcia. Il interroge le rôle du Royaume-Uni : « Avons-nous encore un droit de regard sur des opérations militaires offensives ? »
L’environnement figure aussi parmi ses priorités. Lord Alderdice appelle à une coopération étroite avec Maurice pour préserver l’écosystème marin des Chagos, menacé par une possible ouverture à la pêche commerciale. Mais sa principale inquiétude reste le sort des Chagossiens. Il dénonce l’injustice de leur expulsion massive dans les années 1960-70 et soutient leur réintégration, notamment via l’accès à l’emploi sur la base. Il plaide pour un mécanisme de consultation formel, afin de garantir la pluralité de leurs voix. Enfin, il refuse l’idée d’un « chèque en échange de la souveraineté » : les 3,4 milliards de livres doivent, selon lui, être gérés de façon transparente, avec une implication directe des Chagossiens. Pour Lord Alderdice, seule une approche équitable, inclusive et responsable permettra de réparer durablement les blessures de l’histoire.

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