Interview

Thierry de Spéville, d’avipro: «Aucune hausse des prix du poulet à l’horizon»

Face aux allégations selon lesquelles on utiliserait des antibiotiques dans l’élevage de poulet, Thierry de Spéville se montre rassurant. Le General Manager d’Avipro évoque la rude concurrence entre les opérateurs pour gagner des parts du marché, tout en affichant sa réticence à l’importation du poulet à Maurice. Depuis la célébration, en mars, de la Journée mondiale des droits des consommateurs, il a beaucoup été question de l’utilisation d’antibiotiques dans l’élevage d’animaux, dont le poulet. En tant que producteur et distributeur de poulets de la marque Chantecler, qu’en est-il réellement ? Soyons clairs. Chez Avipro, l’utilisation d’antibiotiques de croissance est formellement interdite. Toutefois, si l’on utilise des antibiotiques, c’est uniquement en situation curative. Cela se fait alors sur prescription médicale du vétérinaire de la compagnie qui juge que c’est nécessaire en vue, d’une part, de soigner l’animal et, d’autre part, de protéger l’élevage et ceux qui sont en contact direct avec les volailles.
Or, il n’y a eu que de rares cas dans lesquels des antibiotiques ont été utilisés pour des raisons curatives. D’ailleurs, cela fait plus de six mois qu’on n’en a pas utilisé dans nos élevages. Il faut savoir qu’avant d’administrer un antibiotique, un antibiogramme est pratiqué, afin de déterminer la médication la plus appropriée pour combattre la bactérie. De plus, un temps de retrait, allant jusqu’à dix jours, est respecté avant que l’animal ne soit envoyé à l’abattoir. Le but étant de s’assurer qu’il n’y a pas de résidus d’antibiotique. Avipro effectue aussi régulièrement, par le biais de son laboratoire interne, des tests de résidus d’antibiotique par mesure de précaution. Nous pouvons donc garantir que la viande consommée ne contient aucun antibiotique.
[blockquote] « Ce serait dangereux d’importer du poulet. Maurice deviendrait la poubelle de pays utilisant des antibiotiques dans leurs élevages… »[/blockquote]
Comment le marché du poulet se porte-t-il à Maurice ? Il se porte bien. Pour cause, le poulet est de loin la viande la plus consommée à Maurice. Toutefois, depuis quelques années, le marché a atteint sa maturité et ne progresse que de l’ordre de 1 % à 2 % annuellement. Comment évaluez-vous la compétition sur ce marché ? Comme il y a peu de progression, chacun se bat pour gagner des parts de marché, ce qui rend la compétition de plus en plus féroce. Les parts de marché se gagnent avec une différentiation de produits ou de moyens pour distribuer le poulet. Chez Avipro, nous nous démarquons de nos concurrents par la qualité de nos produits. Nous sommes les seuls à pouvoir dire aujourd’hui que notre poulet ne comporte ni colorant, ni antibiotique et encore moins hormone de croissance et eau ajoutée. Doit-on s’attendre, cette année, à des évolutions en termes de prix ? Nous avons une visibilité assez claire sur les trois à quatre prochains mois. Nous pouvons déjà rassurer les consommateurs : il n’y aura pas de hausse de prix du poulet. Toutefois, il est difficile de connaître l’évolution des prix des céréales à l’échelle mondiale au-delà de cinq à six mois. Pour l’instant, les prévisions sont plutôt optimistes, mais souvent, il y a des facteurs (climatiques ou autres) qui viennent changer la donne. Il y a eu une demande constante de la part des associations des consommateurs pour libéraliser le marché de l’importation du poulet. Quel est votre avis ? Avec tous les dangers associés à de mauvaises pratiques d’élevage de poulet, notamment l’utilisation d’antibiotiques dans certains pays, je pense que ce serait dangereux d’importer du poulet. Nous deviendrions la poubelle de ces pays, car ils exporteraient les produits qu’ils ne peuvent pas écouler sur leur propre marché pour y avoir ajouté des antibiotiques dans l’aliment ou pour y avoir injecté de l’eau. Nous pourrions aussi courir le risque que ces pays exportent leurs produits surgelés à la veille de la date d’expiration à n’importe quel prix. Ce qui fera non seulement du tort à l’industrie locale mais aussi aux consommateurs qui auront sur le marché des produits de mauvaise qualité. Les Mauriciens ont diversifié leur régime alimentaire. Comment Avipro s’est-elle adaptée à ces changements ? Nous évoluons avec les besoins du marché. D’ailleurs, nous avons basculé plus de 70 % de notre production en produits frais plutôt qu’en surgelés. Nous mettons aussi sur le marché des produits à valeur ajoutée, notamment du poulet mariné ou des saucisses de poulet. De plus, nous avons récemment introduit des préparations déjà cuites de la marque Heat & Eat. Présente à Madagascar et dans l’Est de l’Afrique, Avipro s’est fixée comme objectif de pénétrer le marché kenyan. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre stratégie sur le continent africain ? Cela fait plusieurs années que nous sommes présents à Madagascar, où les petits éleveurs font partie de notre chaîne de production. Nous fournissons également, depuis une quinzaine d’années, des poussins reproducteurs dans l’Est de l’Afrique. Nous sommes aussi en négociations pour nous installer au Kenya, face à l’aéroport international. Ce qui nous permettra de mieux servir l’ensemble de l’Afrique. Nous devrons démarrer notre production d’ici l’année prochaine. Aujourd’hui, à Maurice, forts de nos 50 ans de savoir-faire, nous injectons environ 13 000 tonnes de produits finis par an sur le marché local. Nous avons aussi démocratisé l’élevage de poulet en créant un département chargé d’accompagner 700 à 800 éleveurs à qui nous fournissons des poussins, tout en leur prodiguant des services-conseils. Nous formons également un partenariat avec Livestock Feed Ltd pour qu’un vétérinaire travaille à plein-temps avec ces éleveurs afin de veiller à ce qu’ils appliquent les bonnes pratiques d’élevage. C’est sur ce modèle d’inclusive business que nous développons nos activités dans la région.
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