La Central Water Authority (CWA) est-elle trop dépendante des gouvernements qui se succèdent ? Il faut dire que les décisions cruciales de l’organisme doivent impérativement avoir le feu vert du gouvernement en place. Sauf qu’une telle situation ne fait plus les affaires de la CWA.
« L’épineuse question de l’augmentation du prix de l’eau est un véritable cercle vicieux pour la CWA. »
« Inability to set water tariffs without government approval. » Cet élément figure parmi les premières faiblesses de la Central Water Authority (CWA) citées dans son dernier rapport annuel couvrant la période de 2016 à 2017. L’augmentation du tarif d’eau a été, sous ce gouvernement, le véritable challenge de la CWA et du ministre des Services publics, Ivan Collendavelloo qui a, en plusieurs occasions, réclamé une hausse. Ses démarches se sont cependant révélées vaines, car le Premier ministre et ministre des Finances, Pravind Jugnauth, s’est montré catégorique sur la question en affirmant qu’il n’y aura aucune hausse.
L’épineuse question de l’augmentation du prix de l’eau est, au final, un véritable cercle vicieux pour la CWA. Selon un cadre, l’organisme s’est au fil des années retrouvé dans une situation où il dépend du gouvernement pour décider du tarif d’eau. Parallèlement, lorsque le gouvernement refuse l’augmentation, la CWA se retrouve sans capital pour le financement de ses projets, tels que le remplacement des tuyaux. « Raison pour laquelle le remplacement des vieux tuyaux datant de l’ère coloniale a pris autant de temps d’être remplacés », explique une source issue du management de la CWA.
Consommation
L’organisme a cependant eu droit à un budget de Rs 3,4 milliards depuis décembre 2014. De cette enveloppe, Rs 2,2 milliards ont servies pour remplacer les vieux tuyaux et les Rs 1,2 milliard restants ont été investies notamment dans la réhabilitation des centres de traitement d’eau existants. En contrepartie, le gouvernement a décidé de priver la CWA des subventions de Rs 250 millions annuelles qui étaient puisées du Consolidated Fund.
La dernière augmentation du prix de l’eau remonte à 2012. Pour Prem Saddul, ancien Chairman de la CWA, cette situation a entraîné une hausse de la consommation et par conséquent du gaspillage. « Ce n’est un secret pour personne que les Mauriciens sont de gros gaspilleurs d’eau. Notre consommation d’eau par tête d’habitant est de 147 litres par jour, ce qui est très élevé, contrairement aux autres pays. En Angleterre, la consommation par tête d’habitants est de 140 litres, alors qu’à Singapour, elle est d’environ 120 litres par jour », dit-il.
Cette situation pousse Prem Saddul à dire que Maurice a attendu trop longtemps avant d’imposer une nouvelle hausse. Il s’attriste du fait que l’augmentation du prix de l’eau soit, au fil des années, devenue une question trop sensible pour les différents gouvernements qui se sont succédés. « Il y a définitivement un manque de courage politique surtout lorsqu’on se retrouve en situation préélectorale. La situation de la CWA est constamment dans le rouge. Se parski sak gouvernnma ki vini pe atrap lamin ek lipye CWA », déplore-t-il.
Mais comment contourner cette question aussi sensible politiquement ? L’ancien président du conseil d’administration de la CWA propose deux solutions. La première consiste à créer un comité semblable au Petroleum Pricing Committee. « Un comité de spécialistes indépendant pourrait réfléchir à la question de manière objective », dit-il. La deuxième solution serait, selon Prem Saddul, de confier les rênes de la CWA à un partenaire privé. « C’est un projet dont on parle depuis 2005. Ivan Collendavelloo était d’accord avec le projet. Je le suis aussi. Un partenaire stratégique aurait injecté de l’argent dans les infrastructures de la CWA. Il aurait aussi assuré le développement du personnel. Un partenaire n’aurait eu aucune difficulté à augmenter le prix de l’eau. On aurait ainsi pu régler toute la question politique », estime l’ex-Chairman.
Intervenant en sa qualité d’ancien ministre des Services publics, Alan Ganoo est, pour sa part, d’avis que le gouvernement au sens large doit impérativement avoir son mot à dire dans la détermination du prix de l’eau. « L’eau est un élément important dans la vie d’un peuple. Mais il faut un juste équilibre, car la CWA a aussi son rôle à jouer sur la question », avance-t-il. Mais selon lui, la situation financière de la CWA ne peut pas uniquement dépendre du tarif d’eau. « Pour que la CWA devienne une institution viable, il faut qu’elle accorde une attention particulière à ses dépenses, à son management et à la discipline.
Des facteurs tout autant déterminants dans la santé de l’organisme », affirme-t-il. Le député de la circonscription no 14 (Savanne/Rivière-Noire) considère que ce qui plombe la CWA en ce moment ce sont les recrutements et les équipements.
La menace de la privatisation
La CWA voit en la privatisation une véritable menace, puisque ce projet qui ne fait visiblement pas l’unanimité au sein de l’organisme figure dans le dernier rapport annuel.
Situation financière : des coûts qui ne finissent pas de grimper
Les Financial Statements de la CWA font état de plusieurs faits marquants. Notamment au niveau du coût opérationnel de l’organisme, qui est passé de Rs 1,1 milliard en 2015 à Rs 1,8 milliard pour la période s’étendant de janvier 2016 à juin 2017. Les Other Expenses de la CWA sont passées de Rs 84,9 millions à Rs 108,3 millions, alors que les Finance Costs sont passés de Rs 101,3 millions à Rs 155,6 millions.
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