Ils n’ont peut-être pas réussi leur parcours académique au primaire, mais ont fait de leur mieux par la suite. Qualifiés de recalés du système éducatif, ils se sont rattrapés et gagnent dorénavant honnêtement leur vie à force de détermination et animés par la passion de réussir.
Dimmytri Bapoo est un exemple d’élève ayant réussi malgré tous les préjugés et aléas de la vie. Ayant décroché 4F à deux reprises aux examens du Certificate of Primary Education (CPE), il est aujourd’hui propriétaire de la « Westcoast Charter Ltd ».
« Je n’ai pas connu une enfance facile. J’ai vécu l’angoisse que connaissent les enfants qui voient leurs parents se séparer. Cette situation m’a beaucoup perturbé et je ne pouvais pas bien travailler en classe », relate tristement Dimmytri.
Toutefois, il soutient qu’il n’a pas baissé les bras. En sortant du primaire, il ne savait ni lire ni écrire et pouvait difficilement écrire son nom. Avec 4F au CPE à sa deuxième tentative, il n’avait d’autre choix que de rejoindre la classe du prévocationnel. C’est ainsi qu’il fut admis au collège St-Mary’s de Bambous, connu maintenant comme St-Mary’s Ouest. « Dans les classes de Prevoc, j’ai appris à lire, à écrire et à avoir confiance en moi. Cette étape franchie, j’ai suivi des cours dans la filière technique où là j’ai pu aussi suivre des cours de cuisine. »
À cette étape de sa vie, Dimmytri pensait faire carrière dans l’hôtellerie. Pendant huit mois, il a suivi des cours du soir à l’école hôtelière Sir Gaëtan Duval à Ébène. Par la suite, il a travaillé dans une pâtisserie à Rivière-Noire. Le jeune homme a également suivi des cours en boulangerie à l’île de La Réunion.
Malgré ce parcours culinaire, Dimmytri n’est pas derrière les fourneaux aujourd’hui, mais bel et bien derrière un gouvernail. En 1990, son grand-père, qui est propriétaire de bateaux, tombe gravement malade. Dimmytri, passionné par la mer pour avoir accompagné son grand-père durant diverses sorties nautiques, reprend alors les commandes de la société. « Je suis le directeur de Westcoast Charter Ltd, dont mon père est associé. Il y a plusieurs personnes qui travaillent avec nous. Nous faisons de la pêche au gros et des balades en mer. À l’époque, je ne savais ni écrire et ni compter. Aujourd’hui, je gère mes comptes et je peux parler plusieurs langues, dont l’anglais, le français, l’allemand, l’italien et un peu de russe. »
Dimmytri demande aux jeunes qui ne peuvent exceller dans leurs études de ne pas baisser les bras. Il leur conseille de persévérer dans la voie qu’ils jugent être la meilleure pour eux.
Difficulté d’apprentissage
Les professionnels de l’Éducation soutiennent que des moyens existent pour réussir dans la vie et qu’il faut y croire. Plusieurs méthodes sont utilisées pour aider les apprenants à obtenir un résultat satisfaisant dans les études.
Ces professionnels font également ressortir qu’aucun enfant ne doit être exclu du système. Comme chacun apprend à son rythme, il y a des méthodes qui sont travaillées pour répondre aux besoins de chaque apprenant.
Lors d’une visite à Maurice, dans le cadre d’un atelier de travail, le professeur Dr Razia Patel a mis l’accent sur les difficultés d’apprentissage d’un élève en mettant en avant son profil avant de souligner que rien n’est perdu pour lui. Parmi les caractéristiques d’un enfant ayant des difficultés, on retrouve des soucis de communication ; la tendance à être agressif, une préférence pour la compagnie d’enfants plus jeunes que lui et des problèmes pour retenir des leçons apprises.
Soutien des enseignants
Le soutien des enseignants est très important pour cette catégorie d’élèves. Razia Patel insiste que l’enseignant doit être disponible et amical, mais ferme à la fois. Il doit faire un emploi du temps personnalisé et revoir des leçons qui ont été mal comprises.
Razia Patel insiste que chaque enfant est unique et a de grandes possibilités s’il est bien encadré. Elle souligne que l’enseignant a le devoir de les reconnaître et de l’exploiter. Si le travail est bien fait, l’enfant a toutes ses chances d’être admis dans le cursus normal ou de se lancer dans un domaine qui lui permet de gagner honnêtement sa vie.
Favoriser la langue maternelle
Brian Pitchen est un enseignant connu auprès des enfants ayant des difficultés d’apprentissage. Comptant 17 années d’expérience dans le domaine, il souligne que l’utilisation de la langue maternelle en classe apporte des résultats. « Le Kreol Morisien est notre langue maternelle. En l’utilisant pour expliquer des concepts dans n’importe quelle matière, l’élève arrive à comprendre, parce qu’on lui parle dans un langage auquel il est habitué… ».
Brian Pitchen a débuté avec les enfants suivant le programme du Prevokbek qui fut introduit en 2005 par le Bureau d’éducation catholique (BEC), dont l’objectif est d’aider les enfants ayant des difficultés d’apprentissage. Afin de mener à bon port ce programme, c’est le Kreol Morisien qui est utilisé. «L’utilisation du Kreol Morisien dans la filière prévocationnelle a pour but d’améliorer l’estime de soi, de stimuler la réflexion, de raviver les intérêts et la motivation des apprenants d’améliorer la relation enseignant-élève et d’encourager la participation des élèves».
De plus, il soutient que les élèves qui étudient dans leur langue maternelle peuvent apprendre l’anglais plus facilement. «La langue anglaise et le Kreol Morisien sont très proches. Si les cours se déroulent dans leur langue maternelle, les élèves feront des progrès…»
L’Extended Program est en vigueur depuis le début de 2018. Il accueille plus de 3500 élèves répartis dans pratiquement tous les collèges de l’île. Brian Pitchen soutient qu’il faut revoir certains aspects. Il souligne que ce programme devrait être étalé sur une période de cinq ans au lieu de quatre ans.
« La première année est une de remise à niveau. À mon avis, il faut deux ans de remise à niveau et trois ans pour poursuivre le programme d’études. Il faut savoir que ces enfants ont des difficultés d’apprentissage, certains de comportement et ne peuvent être considérés comme ceux du ‘mainstream’. En conséquence, il ne faut pas les négliger. La plupart sont excellents dans d’autres domaines. Le système doit pouvoir leur donner cette opportunité. »
Les facilités
Au primaire, il y a plusieurs mesures qui sont adoptées, en vue de prendre en charge les enfants avec des difficultés d’apprentissage. Elles concernent le recrutement des Support Teachers pour une attention individuelle avec la prise en charge des enfants dans une classe séparée. Cette mesure vise à aider les enfants à surmonter leurs difficultés dans une quelconque matière, en se servant de méthodes pédagogiques adaptées aux besoins de chaque apprenant.
Un préposé du ministère de l’Éducation nous confie qu’une nette amélioration au niveau de leurs performances académiques a été notée au cours des deux dernières années.
Les Holistic Education Programme Educators sont là pour aider l’apprenant à surmonter ces difficultés d’apprentissage. Cela se fait à travers un programme axé sur le développement intégral de l’enfant où l’accent est mis sur une bonne hygiène de vie, l’auto-discipline et les activités en groupe. L’introduction graduelle des tablettes tactiles vient aussi aider l’enfant issu de la génération ‘Digitale’.
Au secondaire, avec le Primary School Achievement Certificate (PSAC), tous les enfants sont promus en Grade 7. Ceux n’ayant pu atteindre le niveau requis sont pris en charge dans l’Extended Programme étalé sur quatre ans, au lieu de trois. L’approche pédagogique est différente avec un cursus adapté, le tout taillé selon le besoin individuel de chaque enfant.
L’introduction du Life Skill et de la gestion des émotions est aussi venue atténuer les risques de problèmes de comportement chez l’enfant. Il est ainsi plus équipé à faire face aux épreuves de la vie et, en ce faisant, il est plus concentré et appliqué dans ses études.
Les Free Online Courses (Student Support Programme) permettent désormais à l’élève d’apprendre à son rythme et ainsi surmonter ses difficultés. Introduit pour le Grade 7 en 2018, il s’étendra graduellement aux autres Grades. Il s’agit de leçons gratuites en ligne ou l’élève peut travailler seul ou en équipe.
Il serait important de noter qu’au-delà de toutes ces facilités, un élève éprouvant des difficultés peut toujours se tourner vers son enseignant pour voir comment ils peuvent travailler ensemble.
Au privé
Au niveau des collèges privés, les responsables font de leur mieux pour aider les élèves en situation difficile. Le président de la Managers of Private Secondary Schools Union (MPSSU) Houmayoun Soobadar, souligne que plusieurs des élèves qui sont admis dans les 25 institutions regroupées dans cette union ont des difficultés d’apprentissage, cela pour diverses raisons. C’est ainsi que les responsables au niveau des collèges privés ont mis en place des stratégies d’aide selon le profil des élèves.
L’attention individuelle est privilégiée dans beaucoup de cas. « Lorsqu’un élève a des difficultés à comprendre un concept, il est pris séparément sous la houlette d’un autre enseignant de la classe. Lorsque le travail est fait, l’élève regagne la salle de classe. L’opération se répète autant de fois que cela est nécessaire. »
Le président soutient que les collèges privés disposent d’un service d’écoute. « Nos enseignants sont formés pour aider les élèves qui ont des problèmes familiaux. Pour mieux cerner les problèmes, les enseignants n’hésitent pas à se rendre chez les familles et ainsi apporter l’aide voulue aux enfants aussi bien qu’aux autres membres. »
La MPSSU souhaite faire davantage pour aider les élèves. C’est ainsi que les membres réfléchissent aux possibilités pour standardiser leur service.
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