Les acteurs de diverses industries sont vulnérables aux risques de sécheresse. Pour faire face à ce problème commun, plusieurs d’entre eux essaient autant que possible de collecter les eaux de pluie, à condition de disposer des équipements adéquats. C’est pourquoi certaines PME lancent un appel aux autorités en vue de subventionner des réservoirs d’eau d’une capacité de 9 000 litres.
Olivier Bourquin, directeur d’Otelair : «L’entrée en vigueur des mesures anti-gaspillage avait entraîné un manque à gagner»
Des mesures anti-gaspillage d’eau étaient introduites en décembre 2022. Cela concernait l’interdiction d’utiliser un tuyau d’arrosage, un arroseur ou tout appareil à pression d’eau sous certaines conditions. L’entrée en vigueur de ces mesures a entraîné un manque à gagner pour Otelair qui n’a pas pu assurer le nettoyage de certains sites. « Il y avait une certaine confusion entourant ces restrictions. Les exploitants de stations de lavage de voitures avaient réussi à obtenir des autorisations pour reprendre leurs activités, contrairement aux entreprises de nettoyage », fait observer Olivier Bourquin.
L’incompréhension était également alimentée par le fait que les réservoirs étaient à un bon niveau, sans que les restrictions soient enlevées. Otelair s’est, de ce fait, rabattu sur ses autres services qui ne requièrent pas une grande consommation d’eau. Pour répondre de manière efficace aux périodes dites sèches, Olivier Bourquin est d’avis que les réservoirs à eau pourraient être une solution plausible. Néanmoins, il serait nécessaire que les autorités fournissent des directives claires concernant l’usage de l’eau à des fins professionnelles, car « il sera compliqué pour nous de démontrer que nous utilisons de l’eau provenant de réservoirs chez nos clients pour effectuer le nettoyage ».
Somna Deoduth, directeur de Soge International : «L’État peut également soutenir les PME en proposant un ensemble de mesures pour investir dans des réservoirs»
Somna Deoduth explique que l’investissement dans de multiples réservoirs d’eau de grande capacité est onéreux, et le manque de ressources pour résoudre cette question pourrait nuire à Soge International. « Ramasser l’eau de pluie est essentiel pour une entreprise comme la nôtre spécialisée dans le recyclage. Nous ne faisons pas un usage intensif de l’eau, mais nos activités sont pénalisées en cas de sécheresse. Cela représente également des frais supplémentaires pour le processus de pompage », indique Somna Deoduth, directeur de l’entreprise.
Quelles sont les mesures qui peuvent permettre d’adresser cette problématique ? Somna Deoduth propose d’augmenter la construction de barrages et de réservoirs, ainsi que de prévoir plus de camions-citernes pour le transport de l’eau. « Sans réservoirs, l’approvisionnement en eau sera compromis. L’État peut également soutenir les PME en proposant un ensemble de mesures pour investir dans des réservoirs destinés à la collecte des eaux de pluie et des services de plomberie. Cela serait d’une grande aide pour les PME », conclut-il.
Daniel Saramandif, président de l’Association of Tourism Professional : «Dessaler l’eau de mer»
À la différence des grands hôtels qui disposent de réservoirs d’eau, la situation s’avère plus complexe pour les petits établissements hôteliers pendant les périodes de sécheresse, comme le souligne Daniel Saramandif. Néanmoins, les hôtels de différentes tailles prennent des mesures pour garantir la continuité de leurs activités. Par exemple, ils diffusent des communications demandant à leurs clients de faire un usage responsable des ressources en eau.
« Les touristes sont conscients et respectent une consommation appropriée d’eau sachant que l’anti-gaspillage est d’actualité dans plusieurs pays à travers le monde », indique-t-il. Cependant, certains petits hôtels se trouvent contraints de recourir à des camions-citernes pour l’approvisionnement en eau pendant les périodes de sécheresse. En conséquence, en cas de sécheresse prolongée, ces établissements plus modestes en subissent les conséquences. Une des solutions pour remédier à cela serait, selon Daniel Saramandif, le dessalement de l’eau de mer. « Une partie des hôtels du littoral utilisent déjà cette eau pour certaines tâches. Une sensibilisation en ce sens devrait être d’une aide précieuse surtout en période de sécheresse. Nous devons miser sur cette ressource qui est disponible », fait-il ressortir.
Tariq Sohawon, Managing Director de Polytol Paints : «Anticiper et prévoir»
L’utilisation de l’eau est essentielle dans les opérations quotidiennes de Polytol Paints. Par exemple, 30 % de 1 000 litres de peinture de la société sont à base d’eau. C’est dire l’importance de disposer d’une bonne capacité de stockage d’eau en anticipation pour les périodes creuses. Tariq Sohawon, est d’avis qu’une bonne planification est la clé pour faire face à la sécheresse. « Il faut anticiper et prévoir », soutient-il. Selon lui, les précédentes sécheresses ayant touché le pays n’ont pas été de nature catastrophique. « Cela nous a permis de gérer efficacement ces situations. Nous avons la capacité de stocker plusieurs milliers de litres d’eau dans nos réservoirs », dit-il.
Shalini Anmol, directrice de Top Detergent : «Former les PME pour le recyclage d’eau»
Avec ses deux réservoirs de 9 000 litres, Top Detergent peut collecter les eaux de pluie, qu’elle utilise ensuite pour recycler ses bidons. À n’en point douter, comme le fait ressortir Shalini Anmol, les périodes de sécheresse ne sont pas sans conséquences sur l’activité de la PME. Étant située dans une région favorable aux précipitations, Shalini Anmol estime que sa PME, Top Detergent, pourrait mieux exploiter cette ressource en disposant de davantage de réservoirs. « Une subvention du gouvernement aurait permis à davantage de PME qui utilisent l’eau pour leur activité quotidienne d’en disposer. Il serait aussi intéressant de former les PME pour le recyclage d’eau », conclut-elle.
Des planteurs réclament des mesures urgentes pour une fourniture d’eau adéquate durant la saison sèche
Le manque d’eau pour l’irrigation, résultant d’une sécheresse persistante, est le pire des cauchemars pour la communauté des planteurs durant la saison estivale. Une situation qui risque de s’aggraver davantage avec le changement climatique.
L’agronome, Eric Mangar, ne cache pas ses appréhensions quant à une détérioration des effets du changement climatique sur le pays. « Parmi les fléaux qui peuvent nous affecter, il y a surtout une chaleur anormale et une longue période de sécheresse, comme cela a été le cas dans des pays d’Europe, dont la France », fait-il ressortir. Il insiste pour que les autorités prennent des mesures en amont pour soutenir le monde agricole durant ces périodes difficiles.
À cet effet, il propose que les autorités étudient la possibilité de se lancer dans des projets de désalinisation de l’eau de mer pour l’irrigation en cas de sécheresse prolongée. Il avance que le pays pourrait bénéficier de l’expertise des pays amis comme l’Arabie Saoudite qui pratique déjà la désalinisation de l’eau de mer par osmose inversée à des fins d’irrigation. Il propose qu’une plante de désalinisation de l’eau de mer soit construite dans le nord, le sud et l’est du pays où l’on trouve une grande concentration de planteurs de légumes.
Notre interlocuteur parle aussi de l’importance de construire des réservoirs à l’usage exclusif des planteurs. « Il faut reconnaître que les planteurs exercent une activité essentielle, car sans eux, la population locale et les touristes seront privés de légumes frais », fait-il ressortir. Parallèlement, il explique que pour faire face à la sécheresse, il faut pratiquer davantage la technique de « sunken bed farming » qui consiste à fouiller un trou dans la terre, mettre un plastique à la base pour retenir l’eau et la remplir de terre mélangée avec du fumier organique avant de faire la plantation. Il avance que cette technique a l’avantage d’améliorer l’absorption d’eau, de réduire l’évaporation à travers le sol, d’améliorer la rétention d’eau tout en aidant à garder le sol plus frais en été.
Eric Mangar recommande également aux planteurs de se pencher sur le développement de fermes intégrées. À cet effet, il suggère qu’ils prévoient un espace dédié dans leurs exploitations pour l’établissement d’une étable, qui pourrait abriter une vache, et si les conditions le permettent, une zone pour la pisciculture. « Les déchets de la vache et des poissons sont utilisés comme ingrédients naturels pour les plantes. Ce qui est un gros avantage, car ces légumes sont sains pour la santé et de plus. De surcroit, la ferme intégrée pourrait aussi être un alternatif à l’utilisation des fertilisants dont les prix sont constamment en hausse sur le marché », soutient-il.
En outre, il encourage les habitants à cultiver une portion de leurs propres légumes pour leur usage personnel. À cette fin, il recommande la pratique de la culture verticale, qui implique de découper des bouteilles en plastique et de les utiliser pour planter des légumes tels que des laitues, des brèdes Tom Pouce, et des herbes aromatiques, en fonction de leurs dimensions. Il souligne également qu’en l’absence d’espace au sol, ces bouteilles peuvent être suspendues sur les murs.
Les planteurs de légumes, de leur côté, ne cachent pas leurs inquiétudes face à une éventuelle longue sécheresse. Selon eux, un planteur utilise en moyenne 10 mètres cubes d’eau par jour ( 50 barils) par arpent pour les besoins d’irrigation. « En cas de pénurie d’eau, nous serions contraints d’acheter des barils d’eau pour irriguer nos champs et conséquemment d’augmenter les prix de nos produits pour couvrir les frais », font-ils ressortir. À cet effet, ils souhaitent que les autorités investissent davantage dans l’amélioration du système d’irrigation pour résoudre le problème de fourniture d’eau aux planteurs et particulièrement ceux de la région nord du pays.
De son côté, Banita Naraina, présidente de la Palma Water Users Cooperative Society, explique que les planteurs de la région qui utilisent l’eau provenant d’une nappe souterraine n’auront pas de problème aussi longtemps que l’eau reste à un niveau satisfaisant. « Au cas contraire, nous serions contraints de réduire notre utilisation en eau pour faire face à la situation », dit-elle.
Les planteurs de la canne à sucre s’inquiètent également d’une possible prolongation de la sécheresse, ce qui aurait des conséquences néfastes sur la production. Le président de l’Association de Planters Reform Association, Salil Roy, est particulièrement préoccupé, car il constate qu’il n’a pas plu depuis un certain temps. Il explique : « Nous sommes en pleine période de récolte et nous avons besoin d’une quantité suffisante d’eau pour favoriser la repousse de la canne, d’autant plus que c’est également la période où nous devons épandre des engrais. Si cette sécheresse persiste, nous serons contraints de retarder cette opération, ce qui affectera la croissance de la canne ».
Selon lui, les autorités doivent effectuer des travaux en amont pour assurer une bonne fourniture d’eau à la communauté des planteurs en général durant la période de sécheresse. Dans cette optique, il exprime le souhait que les autorités assouplissent les exigences relatives à l’utilisation de l’eau des rivières pour l’irrigation. Il fait remarquer : « J’ai entendu dire que les planteurs doivent obtenir de nouveaux permis chaque mois. Si cela se confirme, il est difficile d’imaginer qu’ils investiront dans ce projet s’ils risquent de ne pas voir leurs autorisations prolongées. Pourquoi ne pas envisager de renouveler leur permis à plus long terme, d’autant plus que cette eau finit par se déverser dans la mer ? », souligne-t-il.
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