Société

Scènes de vie - Violence sexuelle dans le couple: Des femmes qui souffrent en silence

Les cas de violence sexuelle entre partenaires intimes sont en hausse chez nous. Pour l’Association de la population et le développement, il est temps d’agir pour tendre la main à ces nombreuses femmes qui subissent en silence. Le nombre de cas de violence sexuelle est en hausse à Maurice. Pourtant, souligne Sangeet Joosery, président de l’Association de la population et le développement (APD), les cas rapportés ne sont que le sommet de l’iceberg. Car le nombre de cas non rapportés serait conséquent. De 2011 à 2014, l’incidence de la violence sexuelle dans le pays a augmenté par 29 %. L’indice du taux de cas de délits sexuels par 36 % en 2012, 47 % en 2013 et 50 % en 2014. Il s’inquiète aussi de l’ampleur que prend la féminisation de ce fléau. [[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"16735","attributes":{"class":"media-image alignleft wp-image-28286","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"400","height":"349","alt":"Violence sexuelle"}}]]De 2012 à 2014, le taux de féminisation de la violence sexuelle était de 59 %, comparé à 81 % en 2013 et 89 % en 2014. Ces chiffres démontrent clairement que les femmes sont davantage victimes de violence sexuelle que les hommes. Parmi ces femmes, 63 % ont moins de 16 ans. Il précise d’autre part que 65 % des cas de violence sexuelle sont commis par des proches ou les conjoints. Dans le monde, 35 % des femmes ont déjà été victimes de violence sexuelle. Dans dix pays à travers le monde, 70 % des femmes sont violentées sexuellement presque au quotidien ! De plus, 50 % des crimes sur les femmes sont commis par leurs époux ou les concubins. Quels sont les facteurs sociaux qui expliquent l’ampleur que prend la violence sexuelle dans le couple ? « Souvent la victime n’est pas préparée à développer et à entretenir une relation. Nous vivons aussi dans une société patriarcale, où l’homme domine. Dans bien des cas, la femme est dépendante de son bourreau. Elle n’est donc pas en mesure de le quitter. De nombreuses femmes souffrent en silence par amour pour leurs enfants », soutient le président de l’APD. De plus, la société la met dans une situation où elle ne peut même pas s’exprimer ou porter plainte contre son conjoint. Au cas contraire, elle risque d’être stigmatisée parce qu’elle est en train d’accuser son propre mari de viol. Elle ne peut se confier à ses enfants ou à ses proches puisque le viol conjugal est un sujet tabou, ajoute-t-il. La violence sexuelle touche toutes les couches de la société, précise-t-il. « Contrairement à ce que l’on croit, même les intellectuels et les personnes haut placées dans notre société violentent leurs femmes », dit-il. « Nous sommes en présence d’un cas où une femme de 65 ans subit le viol conjugal depuis des années. Le comble, c’est qu’elle est atteinte d’une maladie grave. Malgré cela, son époux, quelqu’un qui a une très bonne situation, continue à la violenter sexuellement », révèle-t-il.

Séquelles psychologiques

[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"16736","attributes":{"class":"media-image alignleft size-full wp-image-28287","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"1280","height":"720","alt":"Violence sexuelle"}}]]Les dégâts psychologiques que provoque la violence sexuelle sont conséquents. Le psychologue Vivek Rughoonundun fait état du Post Traumatic Stress Disorder. Elle perd alors ses repères et vit dans l’angoisse en permanence. « La femme victime de viol conjugal est très affectée psychologiquement. Elle peut souffrir de dépression, développer des tendances suicidaires ou carrément passer à l’acte, et par la suite, des maladies mentales commencent à se manifester. Sans compter les autres maladies découlant du stress. Elle perd également sa personnalité et ses repères. Elle a des crises de panique. Elle vit dans l’anxiété et dans l’angoisse. Elle perd l’estime de soi et toute confiance en elle », souligne-t-il. Le psychologue fait état de certaines recherches effectuées par des instances internationales, dont l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Celles-ci ont démontré qu’une des conséquences de la violence sexuelle c’est que les victimes développent des troubles du comportement.

Les actions de l’APD

L’APD a soumis un rapport au gouvernement pour combattre la violence sexuelle entre partenaires intimes. Il a adopté une méthodologie thérapeutique préconisée par l’OMS. Celle-ci comprend l’intervention des psychologues pour encadrer les victimes. « Certaines femmes victimes de viol conjugal croient que le comportement de leur conjoint est normal. D’où nos campagnes de sensibilisation sur le viol conjugal, afin qu’elles connaissent leurs droits. Nous tentons aussi de sensibiliser les hommes. Se concentrer uniquement sur les victimes n’apportera pas de résultat. L’agresseur doit prendre conscience qu’il doit revoir son comportement envers sa femme », indique Vivek Rughoonundun.

Les séquelles physiques

Les séquelles physiques peuvent durer tout au long de la vie de la victime de violence sexuelle, surtout lorsque des objets sont utilisés pour violenter la femme. Par conséquent, elle a les parties génitales abîmées. « Certaines femmes ont eu leur utérus complètement endommagé et ne peuvent enfanter. Elle ressent des douleurs presque en permanence. Cela s’accentue pendant les règles. On ne peut imaginer la souffrance qu’endure cette femme », fait ressortir Sangeet Joosery. 

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Me Sirvassen Tirvassen: «Le viol conjugal n’existe pas dans nos lois»

Le terme viol conjugal n’existe pas dans notre code pénal, contrairement au viol, qui se définit comme des relations sexuelles sans consentement, explique l’avocat Siven Tirvassen. « Le viol conjugal n’est pas considéré comme un délit puisque c’est difficile de prouver l’absence de consentement à la satisfaction de la Cour. Cela n’est pas évident puisque les rapports sexuels se sont déroulés sur le lit conjugal », dit-il. Faut-il modifier les lois pour faire du viol conjugal un délit ? « Le problème, c’est que certaines femmes risquent d’en abuser pour se venger de leur mari en faisant de fausses accusations. Je pense qu’il est possible de considérer le viol conjugal comme un délit à condition que l’acte ait été commis hors du toit conjugal. Un examen médico-légal peut prouver l’absence de consentement et que la victime a tenté de résister », ajoute l’avocat. Pour Sangeet Joosery, la législation « n’est pas claire » sur le viol conjugal. « C’est pourquoi nous comptons tout mettre en œuvre pour en faire un délit. Je suis persuadé qu’il y a d’autres moyens de prouver le viol conjugal. Il faut trouver le juste milieu entre abus et souffrance », dit-il.

Témoignage

Natasha: «Il dit que je dois accomplir mon devoir d’épouse»

Il y a 28 ans, Natasha a épousé l’homme de sa vie, contre l’avis de ses parents. « J’ignorais qu’il allait me faire vivre 26 années de souffrance. Au début, tout allait bien. Puis, les mots doux se sont transformés en insultes. Il a commencé à me forcer à avoir des rapports sexuels avec lui. Il m’oblige à coucher avec lui tous les jours. J’ai tenté à plusieurs reprises de lui expliquer que je ne suis pas une machine, mais il ne veut rien comprendre. Il me dit que je dois accomplir mon devoir d’épouse. Il dit constamment que c’est lui le maître de la maison et que mon corps lui appartient. Il ne s’intéresse qu’à son plaisir. Lorsque nous nous disputons, il m’accuse de le tromper pour justifier mon refus d’avoir des rapports avec lui tous les jours. J’en ai déjà parlé aux sœurs et belles-sœurs de mon mari, mais elles disent que c’est normal et qu’elles vivent la même chose. Pour elles, les femmes doivent se soumettre entièrement à leurs maris. Je n’ai jamais voulu le quitter par amour pour mes deux enfants qui aiment leur père. Je préfère donc souffrir en silence.»

 

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