Interview

Salim Muthy: « 72 000 Mauriciens sont dans l’incapacité de rembourser leurs dettes »

Salim Muthy
La vente à la barre est devenue un business lucratif, déplore Salim Muthy, le porte-parole du Mouvement Victimes Sale by Levy. D’où son insistance pour qu’un nouveau système de vente à la barre qui protègerait les résidences permanentes soit introduit. [blockquote]« Il faudrait réintroduire le Sale by Levy Solidarity Fund pour aider les personnes vulnérables à conserver leur maison »[/blockquote] La commission d’enquête sur la vente à la barre a rendu public son rapport. Quelle lecture faites-vous de ce document ? La commission a été à notre écoute. Presque toutes nos recommandations ont été prises en considération. C’est bien que la commission propose qu’il y ait une Commission of Protection of Borrowers. Celle-ci aura ainsi le pouvoir de veiller à ce que tous les paramètres légaux soient respectés. Il y a eu beaucoup d’abus, car il n’y avait pas de chien de garde. Toutefois, nous ne sommes pas d’accord qu’un homme de loi soit choisi pour être à la tête de cette commission. L’expérience du passé indique que cela n’a pas servi à grand-chose. Il faudrait nommer quelqu’un qui comprend les rouages de la vente à la barre et des institutions financières. Pourquoi pas une firme d’experts-comptables ? Vous dites qu’il y a eu beaucoup d’abus. À quels types d’abus faites-vous allusion ? Les frais exorbitants que pratiquent les banques constituent une des principales raisons qui fait que certains emprunteurs n’arrivent pas à honorer leurs dettes. Il y a un cas où l’institution financière a imposé 75 % de frais de pénalité à son client. C’est plus qu’excessif. Le comble c’est que même quand la maison du client se retrouve à la barre, les intérêts continuent à s’accumuler. Il est impératif de revoir ces frais. Dans la même foulée, il faudrait réintroduire le Sale by Levy Solidarity Fund sur la base d’une formule plus transparente. Ce fonds permettrait d’aider les personnes vulnérables à conserver leur maison. Une des recommandations de la commission est que l’institution financière doit informer les emprunteurs sur les risques qu’ils courent s’ils ne remboursent pas leurs dettes. Doit-on conclure que les Mauriciens ne sont pas suffisamment informés sur ces risques ? Il est écrit noir sur blanc dans la Protection of Borrowers Act que chaque institution financière doit informer l’emprunteur sur ses droits et les risques qu’il court en cas de non-paiement de ses dettes. Dans la pratique, ce n’est pas le cas. D’ailleurs, beaucoup d’emprunteurs n’obtiennent même pas une copie de leur ‘agreement of loan’. Pour mieux protéger les emprunteurs, il faut que les institutions financières donnent obligatoirement une copie du ‘agreement of loan’ à leurs clients, tout en faisant circuler à travers le pays un livret sur les risques que courent ceux qui n’arrivent pas à payer. Pour la commission, le système de saisie et vente immobilière est dépassé. Êtes-vous du même avis ? Tout à fait ! Depuis 2002, nous n’arrêtons pas de tirer la sonnette d’alarme. Il faut savoir que la Movable and Immovable Property Act date de 1848. Il est plus que temps d’apporter un nouveau système de vente à la barre, qui soit plus flexible et qui protègerait les résidences permanentes. La pratique des prête-noms lors de ventes est également décriée. Vos commentaires ? C’est un véritable problème. La vente à la barre est devenue un business lucratif pour certaines personnes, car elles achètent des maisons mises en vente à la barre à des prix dérisoires. Elles les revendent par la suite deux voire trois fois plus chères. Il y a même un cas où une personne a acheté 122 maisons par ce moyen. Selon vous, les banques sont dans l’illégalité quand elles achètent les biens immobiliers saisis qui leur avaient été donnés en garantie… En effet ! Je m’explique. Une personne contracte un emprunt en donnant sa maison en garantie. En d’autres mots, la banque prend possession de cette maison. Quand le client est incapable de payer, la banque met la maison à la barre afin qu’elle puisse récupérer son argent. Or, dans beaucoup de cas, la banque achète elle-même le terrain. Il y a donc repossession. Ce qui est illégal d’après la Banking Act. La banque revend par la suite le bien immobilier au prix du marché. Elle est gagnante sur toute la ligne. Il faudrait faire un sondage sur la question. Vous serez surpris de voir combien de maisons à la barre ont été achetées par les institutions financières. Vous préconisez une suspension de la vente à la barre. Pour quelle raison ? Par le passé, le responsable de la commission sur la prescription de terre a demandé une suspension temporaire des procédures de prescription en attendant qu’il fasse ses recommandations. Dans la même ligne, nous souhaitons une suspension temporaire de la vente à la barre en attendant que le nouveau système soit mis en place. D’autant plus que chaque mois, il y a de nouvelles maisons qui entrent à la barre. Rien que pour les trois premiers mois de l’année, 250 maisons se sont retrouvées à la barre. Une trentaine d’entre elles ont d’ailleurs déjà été vendues. Actuellement, 72 000 Mauriciens sont dans l’incapacité d’honorer leurs dettes pour des raisons multiples : perte d’emplois, maladie, séparation, divorce, entre autres. C’est surtout la classe moyenne qui est la plus affectée. C’est un mauvais signal ! Il est impératif de venir de l’avant le plus vite possible avec un nouveau système de vente à la barre.
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