
- Le Board avait exprimé des doutes et des inquiétudes quant à ce financement
Contrairement à ce qui était jusque-là perçu, le financement accordé par la Mauritius Investment Corporation (MIC) à Mauriplage Beach Resort Ltd – aujourd’hui connue sous le nom de Dhyanavartam Ltd, propriétaire du Maradiva Villas Resort & Spa – ne se limite pas à Rs 650 millions. Des documents internes consultés par Le Défi Quotidien indiquent que ce montant ne représentait qu’une première tranche d’un total bien plus conséquent : Rs 1,65 milliard.
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Ce chiffre place Dhyanavartam Ltd parmi les plus importants bénéficiaires de la MIC, entité entièrement détenue par la Banque de Maurice. Le dernier décaissement, d’un montant de Rs 350 millions, a été approuvé par le Conseil d’administration de la MIC en février 2024, à quelques mois des prochaines élections générales.
Les financements de la MIC : un montant bien plus important que celui affiché
En décembre 2020, la MIC a accordé à Mauriplage Beach Resort Ltd, présidée par Kobita Jugnauth, un prêt de Rs 650 millions pour financer la rénovation de son complexe hôtelier. L’épouse de l’ex-Premier ministre, Pravind Jugnauth, préside la compagnie depuis le 4 février 2016, selon les documents du Registrar of Companies.
Cette somme, largement médiatisée à l’époque, a été entièrement versée en juin 2022, comme le font ressortir les rapports annuels de la MIC. Cependant, le 5 février 2024, lors d’une réunion du Conseil d’administration de la MIC, l’on apprend que Rs 650 millions supplémentaires ont aussi été décaissées après le premier versement de Rs 650 millions. Puis, lors de cette réunion du Board, un financement supplémentaire de Rs 350 millions a été approuvé, portant le montant total de l’investissement à Rs 1,65 milliard, bien au-delà de ce qui a été communiqué au public jusqu’ici.
Des inquiétudes sérieuses soulevées par le Board de la MIC
Le Board Paper No. 63/4 montre que la question a suscité des débats intenses. Bien que la décision de financer Rs 350 millions supplémentaires ait été finalement approuvée, plusieurs membres du Conseil d’administration de la MIC ont émis des doutes sérieux sur la situation financière de Dhyanavartam Ltd et sur sa capacité à honorer ses engagements de remboursement.
Lors de la réunion, un administrateur fait ressortir, comme l’indique le Board Paper que la société « n’a pas été capable de respecter ses obligations de dette selon les conditions initiales de remboursement », ajoutant que « ces conditions jettent donc un doute significatif sur la capacité du groupe et de la société à continuer comme une entreprise viable, comme indiqué dans le rapport d’audit pour l’exercice financier clos en 2022 ». Une observation inquiétante pour une société bénéficiant d’un financement public substantiel.
La réponse du CEO et la justification des paiements
En réponse à ces préoccupations, Jitendra Bissessur, alors Chief Executive Officer (CEO) de la MIC, a tenté de rassurer le Conseil en soulignant que Dhyanavartam Ltd avait « effectué ses paiements d’intérêts à la MIC en temps voulu ». Il a aussi précisé que la valeur de marché du groupe en janvier 2023 excédait le total des dettes, ce qui, selon lui, garantissait « que l’investissement de la MIC serait sécurisé ».
Cependant, cette argumentation n’a pas apaisé tous les membres du Board. Un autre directeur a soulevé la question du prix des villas de l’entreprise, auquel le CEO dira que le coût avoisine les USD 400 000, soit Rs 17,8 millions selon le taux de change du jour. Un autre administrateur a également questionné le taux d’intérêt proposé pour cet investissement, qui s’élève à KR+2.25%.
Un prêt pour rembourser un autre prêt
En outre, une autre interrogation soulevée lors de la réunion a concerné le fait que Dhyanavartam Ltd avait déjà contracté un prêt de Rs 350 millions auprès de la SBM. À cela, le CEO d’alors a expliqué que la somme de Rs 350 millions demandée à la MIC sera utilisée pour rembourser ce prêt, ce qui a mené à une question cruciale : « La société a-t-elle approché d’autres banques commerciales ? » La réponse du CEO a été préoccupante : « La société a atteint sa limite de crédit auprès des autres banques commerciales ». Ce point soulève des questions sur la solvabilité de l’entreprise, d’autant plus que la MIC était le dernier recours en matière de financement.
Absence de revenus en 2022 et un projet inachevé
Une autre préoccupation sérieuse a été soulevée concernant l’absence de revenus enregistrés pour l’exercice financier de 2022, une situation inhabituelle pour une entreprise supposée être en activité. Jitendra Bissessur a expliqué que cela était dû à la période de rénovation du complexe hôtelier et a ajouté que l’entreprise serait « pleinement opérationnelle d’ici mars 2024 ».
Des garanties insuffisantes pour des prêts massifs
Les membres du Conseil ont également demandé des informations sur les garanties fournies pour sécuriser ces financements. Le CEO a répondu que des charges fixes et flottantes seraient inscrites sur tous les actifs de Dhyanavartam Ltd et de sa filiale Cittamekam Ltd. Toutefois, les détails sur la valeur réelle de ces garanties manquaient, ce qui a laissé les membres du Conseil dans l’incertitude quant à la suffisance de ces garanties face à l’ampleur des montants investis.
Au final, les Board Members de la MIC donneront leur approbation. « À l’issue de discussions supplémentaires, les membres du Conseil d’administration ont approuvé un financement additionnel de Rs 350 millions à la société pour couvrir les coûts supplémentaires de rénovation, au même taux d’intérêt variable que celui précédemment accordé (Key Rate + 2,25 %), avec une échéance fixée au 25 septembre 2032, et selon des conditions similaires à celles de la deuxième demande ».
La décision de verser Rs 350 millions supplémentaires en février 2024 soulève des questions sur le timing de cet investissement. À seulement quelques mois des élections générales prévues pour novembre 2024, l’octroi d’un financement aussi important, alors que des doutes majeurs subsistent sur la viabilité de l’entreprise, semble interroger sur l’objectif réel de cette décision.

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