Le lundi 16 octobre 2023, le Privy Council a rejeté les allégations de fraude électorale formulées par Suren Dayal qui voulait faire invalider l’élection du Premier ministre Pravind Jugnauth et de ses colistiers Leela Devi Dookhun-Luchoomun et Yogida Sawmynaden dans la circonscription n° 8.
D’un point de vue juridique, le constitutionnaliste Milan Meetarbhan ne s’attend à aucun changement significatif. « Fondamentalement, le jugement en question se concentre sur deux aspects spécifiques et il a globalement maintenu la jurisprudence existante. En l’absence, par exemple, d’une initiative de la Commission électorale visant à instaurer un code de conduite portant sur les sujets débattus lors de ce processus ou à moins que l’Assemblée nationale ne révise la loi à la lueur de ce jugement, il semble qu’il y ait peu de modifications en perspective », dit-il.
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L’avocat souligne que les lois relatives à la corruption et aux pratiques illégales sont notoirement limitées, comme l’a constaté à maintes reprises la jurisprudence mauricienne. « Par conséquent, théoriquement, élargir la portée de ces dispositions pourrait être une option, mais en pratique, cela semble peu probable », ajoute-t-il.
Abordant un aspect purement politique et les implications du jugement sur le déroulement de la prochaine campagne électorale, Milan Meetarbhan souligne que la philosophie du parti au pouvoir a toujours été que tout ce qui n’est pas explicitement interdit par la loi est considéré comme acceptable. « Cependant, dans une démocratie, il est essentiel de prendre en compte non seulement les aspects légaux, mais aussi des questions d’éthique, de moralité publique et de respect envers le peuple », explique-t-il.
« En se limitant à la perspective que tout ce qui n’est pas illégal est permis, on court le risque de créer une situation où ceux qui partagent cette vision de la démocratie pourraient arguer que les juges n’ont pas trouvé de faute dans leurs actes et ainsi être incités à agir de manière encore plus discutable », ajoute-t-il.
Il avance qu’il est impérieux de moderniser le cadre légal régissant le déroulement des élections afin d’élargir le champ d’application en ce qui concerne la conduite des élections. « Actuellement, les contestations se limitent principalement à l’élection d’un candidat, mais ne portent pas sur le processus électoral dans son ensemble », souligne-t-il.
Stefan Gua, animateur au sein de la formation politique de gauche Rezistans ek Alternativ, avance, quant à lui, que toute l’affaire autour des contestations des dernières élections générales soulève surtout la nécessité d’une réforme du système électoral. « Il existe une concentration de pouvoir considérable entre les mains du Premier ministre (PM), notamment en ce qui concerne sa prérogative de décider de l’annonce des élections. Il est de plus en plus évident qu’une utilisation discrète de cette prérogative lui permet d’éviter les accusations de corruption électorale », allègue-t-il.
Une réforme est, selon lui, indispensable pour remédier à cette situation, notamment en ce qui concerne l’annonce des élections, « qui peut donner un avantage injuste au PM sur ses adversaires ».
Stefan Gua insiste que le jugement du Privy Council relance également l’importance de revoir tout le système électoral. « La question se pose aujourd’hui avec une urgence accrue, alors que le pouvoir politique semble de plus en plus concentré entre les mains du PM. La prérogative de décider de l’annonce des élections lui confère un pouvoir considérable. Il est impératif d’examiner de près la manière dont ce pouvoir est utilisé », dit-il. Certains, poursuit Stefan Gua, y voient une « utilisation tactique, voire machiavélique, de la discrétion dont dispose le PM, lui permettant de manipuler le calendrier électoral sans être accusé de partialité ».
Il ajoute que le contrôle par le parti au pouvoir des appareils de l’État est également une préoccupation majeure. « Cela confère un avantage injuste à un parti au pouvoir sur l’ensemble de ses adversaires, créant ainsi un climat propice à la surenchère et à la déformation du jeu démocratique. En conséquence, la démocratie est de plus en plus faussée, menaçant ainsi la transparence et l’équité du processus électoral », dit-il.
Un PM boosté psychologiquement
L’observateur politique Abdallah Goolamallee analyse le jugement du Privy Council sous un tout autre regard. « Tout d’abord, du côté du MSM, cette décision est perçue comme un véritable coup de fouet psychologique pour le PM. Elle renforce sa position et son autorité non seulement au sein de son parti, mais également vis-à-vis de ses alliés politiques. Cette décision lui offre l’occasion idéale de renforcer sa position sur l’échiquier politique », affirme le chargé de cours.
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