
Face aux limites du système actuel de pension, le gouvernement lance les bases d’une réforme. Le NPF 2.0 vise à corriger les déséquilibres liés au vieillissement de la population.
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Le gouvernement a enclenché le processus de réforme du système de retraite, avec la mise en chantier d’un premier document de travail autour du NPF 2.0. Annoncée dans le Budget 2025-2026, cette refonte vise à répondre à des défis démographiques et financiers croissants. Ceux-ci mettent à mal la viabilité du régime actuel basé sur la contribution sociale généralisée (CSG).
Le ministre de l’Intégration sociale, Ashok Subron, a récemment indiqué lors d’une conférence de presse qu’il a transmis ses propositions sur les Terms of Reference au Premier ministre ainsi qu’au vice-Premier ministre. Il a ajouté qu’il y aura des consultations avec les parties prenantes afin de jeter les bases d’un modèle pérenne.
Système en déséquilibre
Le constat posé par le gouvernement est que la CSG, dans sa forme actuelle, ne peut plus soutenir durablement le financement des pensions. L’exécutif invoque une combinaison de facteurs structurels, en particulier le vieillissement rapide de la population, une espérance de vie en hausse et un déséquilibre croissant entre le nombre de cotisants et celui de bénéficiaires.
La caisse de la CSG est aujourd’hui vide, selon les autorités. Depuis sa création en 2020, ce mécanisme de financement a récolté plus de Rs 44,6 milliards, mais ces ressources ont été intégrées au Consolidated Fund, utilisé pour divers postes de dépenses publiques. Cette gestion budgétaire soulève des interrogations sur la capacité du système à assurer une couverture retraite adéquate et stable à moyen et à long terme.
Le retour du NPF
L’idée de relancer un système de type NPF, abandonné il y a quelques années, revient sur la table. Le modèle NPF 2.0 ambitionne de réintroduire une logique contributive et de capitalisation, avec des cotisations dédiées spécifiquement aux retraites.
Cette refonte vise à répondre à des défis démographiques et financiers croissants, qui mettent à mal la viabilité du régime actuel basé sur la contribution sociale généralisée.»
Mais les précédentes expériences ne plaident pas en faveur d’un retour à l’identique. Le système initial du National Pensions Fund avait montré ses limites, notamment en raison d’un déséquilibre persistant entre les entrées (cotisations) et les sorties (prestations). Le vieillissement démographique et l’absence de mécanismes d’ajustement avaient fortement affaibli la viabilité du modèle.
Bhavish Jugurnath, économiste, estime que le NPF avait échoué, car les prévisions n’avaient pas anticipé l’augmentation du nombre de retraités ni la longévité accrue. « Il y a eu un déséquilibre entre cotisations et prestations. Les taux de cotisation et la couverture sont restés en deçà des promesses de prestations », explique-t-il.
De son côté, Suttyhudeo Tengur, président de l’Association for the Protection of the Environment and Consumers (APEC), juge que le problème principal résidait dans le fonctionnement en répartition, où les actifs financent directement les pensions. Cette logique est devenue difficile à maintenir dans un contexte dans lequel la population active diminue relativement. Il ajoute que le système souffrait d’une absence de flexibilité et de mécanismes de solidarité intergénérationnelle.
Tahir Wahab, observateur économique, rappelle également que la gestion du NPF avait suscité des inquiétudes, notamment en lien avec des scandales et un manque de transparence. Il souligne aussi que le fonds n’avait pas généré de rendements suffisants, nuisant à la confiance des cotisants.
Pour Richard Li, actuaire, le problème n’était pas le modèle lui-même, mais son calibrage. « Le NPF était un système contributif. Les prestations étaient liées aux contributions. Mais il est devenu déficitaire. Il aurait fallu ajuster les taux de cotisation pour assurer sa pérennité », avance-t-il.
La CSG sous le feu des critiques
Introduite en septembre 2020, la CSG avait pour ambition d’assurer un financement plus large de la protection sociale en instaurant une contribution forfaitaire. Toutefois, cette approche est de plus en plus remise en cause.
Pour plusieurs observateurs, le caractère fiscal de la CSG a brouillé sa finalité. Jugée moins transparente, elle n’offre pas de droits spécifiques à ceux qui cotisent contrairement à un système contributif classique. « Il s’agit d’un impôt, pas d’une contribution sociale. Elle ne donne droit à aucune prestation définie », avance Tahir Wahab, expert-comptable.
Suttyhudeo Tengur relève également que le taux de la CSG n’a pas été suffisant pour absorber l’augmentation des dépenses liées aux pensions. Il évoque un manque de progressivité et une pression plus forte sur les salariés du secteur formel, tandis que les travailleurs du secteur informel échappent largement à cette contribution.
Bhavish Jugurnath note enfin que les recettes de la CSG n’ont pas été isolées dans un fonds spécifique dédié aux retraites, ce qui a affaibli la confiance des citoyens dans sa capacité à financer durablement leurs pensions.
Renganaden Padayachy critique la réforme de la pension
L’ancien ministre des Finances, Renganaden Padayachy a exprimé des réserves sur la réforme actuelle du système de pension. Intervenant lors de l’émission Au cœur de l’info sur Radio Plus le 8 août, il a estimé que les mesures proposées ne sont pas adaptées aux enjeux réels du pays.
Selon lui, le véritable levier aurait été d’élargir la base de la main-d’œuvre, notamment en ouvrant davantage le pays aux travailleurs étrangers. Il critique également le ciblage du nouveau système, affirmant que la pension reste universelle dans sa conception actuelle, ce qui rend la réforme incohérente.
Renganaden Padayachy s’interroge sur le calendrier de la réforme. « Pourquoi le régime actuel n’avait-il pas parlé de soutenabilité en 2024 ? », a-t-il lancé. Il évoque une baisse attendue du nombre de nouveaux retraités, passant d’approximativement de 15 000 à 16 000 personnes par an à 13 500 pour 2025, selon les chiffres qu’il avance.
Dans une vidéo diffusée en juillet sur les réseaux sociaux, l’ancien grand argentier a précisé qu’il faudrait près de Rs 2 milliards pour maintenir le paiement de la pension à 60 ans durant l’année financière allant du 1er juillet 2025 au 30 juin 2026, soit une moyenne quotidienne d’environ Rs 5 millions.
Une réforme attendue, mais délicate : ce que recommandent les observateurs
Bhavish Jugurnath : « Pour assurer la pérennité du NPF 2.0, plusieurs caractéristiques clés sont essentielles. Le système devrait adopter une structure à plusieurs piliers, combinant une pension contributive avec un support social non contributif, tout en encourageant l’épargne privée volontaire. Il devrait également disposer d’un fonds d’investissement dédié, auquel les cotisations seraient légalement affectées exclusivement au financement des pensions, interdisant toute utilisation à d’autres fins. Une stratégie d’investissement robuste, confiée à une gestion professionnelle et indépendante, avec un mandat clair et des garanties solides de gouvernance, serait indispensable. Le dispositif devrait intégrer des stabilisateurs automatiques, grâce à une formule d’indexation liant les prestations à l’inflation et à la croissance des salaires, avec des plafonds activés en cas de tensions budgétaires. Enfin, la transparence et la confiance du public doivent être renforcées, notamment par l’envoi annuel de relevés aux cotisants indiquant leurs droits acquis et par la publication régulière d’évaluations actuarielles indépendantes, afin d’assurer la redevabilité du système ».
Tahir Wahab : « Un NPF 2.0 durable doit reposer sur plusieurs piliers. Il faut rétablir un système contributif, avec un lien clair entre cotisations et droits, matérialisé par un compte individuel retraçant l’historique et les acquis. La recapitalisation du fonds est indispensable, l’État devant compenser l’interruption depuis 2020. La gestion doit être confiée à une entité indépendante, avec de la transparence, des audits et des rapports publics. Une pension universelle minimale doit subsister comme un filet de sécurité, mais modulée selon les revenus pour plus d’équité. Le secteur informel doit être intégré grâce à des mécanismes simples et incitatifs, voire semi-obligatoires. Le financement doit être partagé équitablement entre employeurs, employés et État. Les ressources du NPF 2.0 doivent rester exclusivement affectées aux retraites. Enfin, une communication régulière sur la performance et la santé du fonds est essentielle pour regagner la confiance citoyenne ».
Suttyhudeo Tengur : « Tout d’abord, la diversification des sources de financement est essentielle. Cela peut inclure l’introduction de nouvelles cotisations spécifiques, comme une contribution sur la capitalisation ou des taxes ciblant certains secteurs bénéficiant du vieillissement, ainsi qu’une augmentation progressive de la CSG ou la création d’un prélèvement dédié aux pensions. Ensuite, la mise en place de mécanismes de financement hybride, combinant répartition et capitalisation, permet de répartir les risques et d’assurer une stabilité à long terme. La constitution d’un fonds de réserve ou souverain permettrait de lisser les fluctuations économiques et démographiques, renforçant la résilience du système. Par ailleurs, des réformes structurelles doivent être envisagées : ajuster l’âge de départ en fonction de l’espérance de vie, encourager l’épargne retraite individuelle ou complémentaire, et favoriser la prolongation de l’activité pour réduire la pression financière ».
Richard Li plaide pour une réforme intégrée et intergénérationnelle
L’actuaire Richard Li estime que la refonte du système de pension doit aller au-delà d’un simple ajustement technique. Il propose une approche holistique, qui prenne en compte l’ensemble de la population active, y compris les fonctionnaires et les personnes sans emploi, souvent exclues des systèmes contributifs classiques.
Selon lui, la réforme doit instaurer un principe fondamental, soit d’établir un lien clair entre les cotisations versées et les prestations reçues. « Ceux qui contribuent plus devraient logiquement avoir plus », soutient-il. Il suggère également que l’État intervienne sous forme de subsides ciblés pour les personnes dans le besoin, afin de garantir un minimum de sécurité sociale.
Richard Li insiste sur l’importance de la soutenabilité à long terme. Il met en garde contre une réforme qui nécessiterait des ajustements constants. « Nous ne pouvons apporter une réforme qui demandera des changements systématiques », affirme-t-il.
Conscient des réalités actuelles, il souligne que de nombreux retraités n’ont jamais cotisé. Il rappelle : « Ils dépendent de la jeune population ». Il recommande une suppression progressive de certains bénéfices pour cette catégorie, afin d’éviter une pression excessive sur les actifs.
Sa vision repose sur un mécanisme de transition sur plusieurs générations : les jeunes d’aujourd’hui contribueraient pour eux-mêmes, mais aussi partiellement pour les retraités actuels. La génération suivante ferait de même. Cette approche, dit-il, permettrait de rééquilibrer le système sans générer de rupture sociale.
Pensions : des tensions de trésorerie liées à un modèle sous pression
Maurice fait aujourd’hui face à des difficultés croissantes dans le financement des pensions. Ces tensions trouvent leur origine dans plusieurs facteurs structurels et économiques, selon des spécialistes interrogés sur la viabilité du système actuel.
Pour l’économiste Bhavish Jugurnath, le principal défi est d’ordre démographique. Le pays connaît un vieillissement progressif de sa population, ce qui entraîne une baisse du ratio entre cotisants et bénéficiaires. « Un nombre réduit d’actifs finance un nombre croissant de retraités », explique-t-il. Ce déséquilibre se traduit par une pression constante sur les flux de trésorerie, d’autant que l’espérance de vie augmente, prolongeant ainsi la durée moyenne de versement des pensions.
Bhavish Jugurnath ajoute que les entrées de cotisations restent limitées en raison d’une faible croissance de l’emploi formel et d’une progression lente des contributions. Cette tendance fragilise davantage l’équilibre financier du système.
Suttyhudeo Tengur, président de l’Association pour la Protection des Consommateurs et de l’Environnement, abonde dans le même sens. Il évoque également le rôle de l’économie informelle et le non-respect des obligations de cotisation par certains employeurs. Il indique : « La gestion des investissements est aussi un facteur clé. Des placements peu rentables peuvent réduire la capacité du système à couvrir ses engagements ». Il insiste sur le fait que les décalages chroniques entre les périodes de collecte et de versement amplifient les tensions, notamment en temps de crise.
De son côté, l’expert-comptable Tahir Wahab met en lumière l’impact du modèle actuel, notamment celui du Basic Retirement Pension (BRP). Ce système non contributif permet à certains bénéficiaires de continuer à travailler tout en percevant une pension, ce qui, selon lui, alourdit la charge pour les finances publiques. Depuis 2020, le financement des pensions repose principalement sur les recettes fiscales, ce qui crée un déficit structurel difficilement absorbable sans réforme.

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