La gestion du port de Port-Louis, l’un des éléments clés de l’économie, est largement critiquée dans la « Port Market Study » réalisée par la Competition Commission. Le document a été publié jeudi après-midi.
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La plupart des opérations de manutention de conteneurs à l’échelle internationale, souligne le rapport, sont réalisées par des entreprises privées. La Competition Commission recommande au gouvernement de chercher un partenaire privé (Global Terminal Operator (GTO)) afin de prendre le contrôle opérationnel de la Cargo Handling Corporation Ltd (CHCL). Une démarche qui, selon le rapport, pourrait nécessiter une participation majoritaire, voire « une prise de contrôle totale à 100 % ». Autre proposition : établir un accord offrant au GTO à la fois la liberté et la confiance nécessaires pour investir, tout en lui imposant un régime de performance rigoureux.
Le rapport propose également une réforme en profondeur de la Mauritius Ports Authority (MPA). « Cela, afin que l’organisme puisse agir en tant que régulateur fort, capable de faire respecter cette structure », stipule le document. « Les performances actuelles de la CHCL sont manifestement médiocres, au détriment de tous les consommateurs et entreprises à Maurice. Ses problèmes sont, au moins en partie, au niveau de la direction, car des comparaisons montrent qu’elle pourrait atteindre de bien meilleurs résultats malgré certains désavantages inhérents au port de Port-Louis par rapport à des ports plus grands », précisent le rapport. Autre anomalie soulevée : un « retard dans les investissements, qui pourrait en partie être attribué aux processus ’procurement’ dans le public ». Il est aussi souligné que l’implication du secteur privé dans la gestion des terminaux, en particulier des Global Terminal Operators, peut apporter des gains d’efficacité.
Opérateur dans la gestion du fret
Le rapport recommande ensuite à ce qu’un « grand opérateur privé intervienne dans la gestion du fret ». Les opérateurs du secteur privé peuvent ainsi stimuler l’efficacité et l’investissement, mais un régulateur solide est nécessaire pour prévenir les abus de toute situation de monopole et garantir que les objectifs d’intérêt public et de développement économique général du gouvernement soient respectés. « L’actuelle MPA aurait des difficultés à tenir un opérateur mondial de terminaux responsable, étant donné les expériences précédentes avec la CHCL. Ainsi, si la propriété de la CHCL évolue, la culture et l’organisation de la MPA devront également être réformées. L’organisme semble incapable de contraindre la CHCL à respecter ses objectifs de performance ou à investir efficacement et rapidement dans les nouvelles grues et autres équipements dont elle a manifestement besoin. Bien que la coopération entre les deux entités soit essentielle, la MPA doit pouvoir exiger des améliorations de performance de la CHCL, ou de tout opérateur, et la tenir responsable en cas de défaillance. Cela est moins efficace si, comme c’est le cas actuellement, la MPA est impliquée dans la gestion de la CHCL », est-il dit dans le document.
Relations avec le gouvernement
La MPA est ensuite appelée à revoir ses relations avec le gouvernement. « The MPA, its governance and its relationship with government need to change if it is to act as an independent, strategic regulator », fait ressortir le rapport. « Cette démarche a pour but d’améliorer la performance et la gouvernance du port, même dans le cadre des arrangements actuels, mais cela nous semble également essentiel si, comme nous le recommandons, des opérateurs privés jouent un rôle accru dans la manutention des cargaisons ». Le rapport ne préconise nullement la création d’un nouveau poste de régulateur portuaire distinct de la MPA, ni l’établissement d’une autorité portuaire privée. « We recommend ensuring the autonomy of the MPA and its financial independence to enable it to be a more effective and strategic regulator », insiste le rapport.
Soupçons de conflits d’intérêts
L’étude a, par ailleurs, révélé que la MPA est « responsable de trop nombreuses fonctions, ce qui limite son efficacité en matière de gouvernance et de régulation économique ». L’organisme, précise le rapport, qui semble être « trop centrée sur les opérations quotidiennes » manquerait de « concentration et de vision stratégique ». « La MPA fait face à des incitations économiques contradictoires et à des conflits d’intérêts potentiels liés à sa supervision de ses propres services et de ceux de la CHCL. Un signe évident du manque de capacités à la MPA est le grand nombre de postes de direction non pourvus », ajoute le document.
Boîte noire
Il a été rapporté, selon le document, que traiter avec la MPA ressemblait davantage à une « boîte noire », où les contacts personnels et informels constituaient le seul moyen de suivre le processus. La Competition Commission recommande à ce que la MPA doive maintenir sa politique d’ouverture à de nouveaux opérateurs, notamment dans les domaines de l’avitaillement, des opérations sous-marines et de tous les services auxiliaires ; accroître la transparence lors de la mise en place de nouvelles licences et de prévoir davantage de consultations publiques ; établir un processus compétitif pour nommer des concessionnaires avec des durées fixes ; la mise en place d’un mécanisme pour les opérateurs de services portuaires potentiels confrontés à des processus lents ou non transparents, à des conditions discriminatoires favorisant les opérateurs en place, ou à des exigences réglementaires qui restreignent la concurrence sans raison valable.
Transbordement
Le rapport insiste sur le fait qu’il faut augmenter l’utilisation du port par les grandes compagnies maritimes. C’est une démarche essentielle afin de stimuler le transbordement. Cela permettra à la MPA d’atteindre des économies d’échelle et réduire les coûts de fret ainsi que le prix des marchandises pour les consommateurs mauriciens. « En termes d’escales, la Mediterranean Shipping Corporation (MSC) était la plus grande compagnie maritime utilisant le port entre 2018 et 2022, représentant environ 50 % des escales, suivie par Maersk, CMA CGM, PIL et la Mauritius Shipping Corporation Ltd », y fait-on comprendre.
Recrutement des pilotes
La Competition Commission dit avoir réceptionné des « plaintes » concernant l’indisponibilité des pilotes pour désamarrer les navires. « Plusieurs répondants ont mentionné que les pilotes de la MPA sont proches ou au-delà de l’âge de la retraite. Il semble donc essentiel de recruter davantage de pilotes, éventuellement à l’international. Cela reste toutefois une question opérationnelle relevant de la MPA. Nous recommandons que la MPA envisage une concession pour les opérations de remorquage. Il existe de nombreux prestataires internationaux spécialisés dans les services de remorquage. Étant donné la petite taille du port, une concurrence dans ce domaine semble peu réalisable, mais une concession monopolistique pourrait être attribuée de manière compétitive pour une durée limitée avec un nouvel appel d’offres à chaque renouvellement », propose la commission.
Un modèle plus compétitif pour Rodrigues
Quid de Rodrigues ? Le rapport recommande à ce que le gouvernement développe un modèle plus compétitif pour la fourniture de services maritimes à Rodrigues, par exemple sur le modèle des appels d’offres compétitifs de l’Union européenne pour les contrats de service public subventionnés. « Cela pourrait remplacer le service actuel détenu par l’État, qui semble avoir de mauvaises performances, et éventuellement aussi (dans un seul contrat couvrant le transport maritime et terrestre) le monopole de fait du transporteur privé à Rodrigues », stipule le rapport.
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