Pour la troisième fois en deux mois, le Département d’État américain émet un rapport sévère contre Maurice. Le premier, en avril, constatait des « problèmes importants liés aux droits de l'homme », alors que le deuxième, sur les droits civils et la liberté d’expression, relevait des failles importantes. Cette fois, c’est dans un rapport sur le trafic des êtres humains, publié vendredi, que Maurice se fait taper sur les doigts.
« Le gouvernement mauricien ne respecte pas pleinement les normes minimales pour l'élimination de la traite, mais fait des efforts considérables pour y parvenir », note le rapport du Département d’État américain sur le trafic des êtres humains, publié ce vendredi. Par conséquent, Maurice a été rétrogradé dans la liste de surveillance de niveau 2.
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Le rapport précise que le gouvernement mauricien « n'a pas démontré d'efforts globalement croissants par rapport à la période de référence précédente, même en tenant compte de l'impact de la pandémie de Covid-19, le cas échéant, sur sa capacité de lutte contre la traite. Le Bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP) n'a poursuivi aucun trafiquant présumé en vertu de la loi anti-traite de 2009, et les tribunaux n'ont condamné aucun trafiquant. La police n'a pas déclaré avoir ouvert d'enquête sur des cas de trafic de main-d'œuvre potentiels pour la deuxième année consécutive. Le gouvernement a fourni des services minimaux aux victimes identifiées et n'a identifié officiellement aucune victime de la traite pour la troisième année consécutive ».
Et d’ajouter que « les services de protection disponibles pour les adultes victimes de la traite sont restés inadéquats et le gouvernement a continué à manquer d'approches centrées sur les victimes dans la fourniture de l'assistance. Les autorités ont continué à contraindre certaines victimes étrangères adultes à participer à la procédure pénale en les menaçant d'expulsion et d'arrestation ».
Le Département d’État américain note aussi que « la police enquêtait régulièrement sur des affaires de traite potentielles comme d'autres crimes avec une charge de la preuve moins lourde, et les procureurs poursuivaient régulièrement des infractions moins graves avec des peines moins lourdes dans les affaires initialement instruites comme traite. Les tribunaux ont continué de prononcer des peines clémentes contre des primo-délinquants pour de nombreux crimes, dont la traite ; cette approche a affaibli la dissuasion et n'a pas suffisamment pris en compte la nature du crime. »
Des recommandations prioritaires sont faites. Parmi celles-ci, mettre en place un système pour l'identification et l'orientation des victimes, identifier systématiquement et de manière proactive les victimes de la traite, « notamment en recherchant des indicateurs de traite parmi les populations vulnérables - y compris les personnes impliquées dans le commerce du sexe ou les crimes liés à la drogue, les travailleurs migrants et les femmes et les enfants des communautés défavorisées - et orienter toutes les victimes de la traite vers les services appropriés ».
Six cas de traite en 2022
Autre constat, en 2022, les autorités ont enquêté sur six cas de traite - trois pour le trafic sexuel d'adultes, deux pour le trafic sexuel d'enfants et un pour une forme non spécifiée de trafic - contre quatre enquêtes en 2021. « Pour la deuxième année consécutive, le gouvernement n'a démontré aucun effort d'application de la loi liée au trafic de main-d'œuvre. Le DPP n'a poursuivi aucun trafiquant en vertu de la loi anti-traite de 2009, contre une poursuite en 2021. Les tribunaux n'ont condamné aucun trafiquant présumé, contre trois condamnations en 2021,"
De plus, les auteurs de ce rapport, sont d'avis que : " Le ministère du Travail, du Développement des ressources humaines et de la Formation n’a rapporté que dix cas présumés de trafic de main-d'œuvre à la police au cours de la période considérée. Des observateurs ont rapporté que la police enquêtait souvent et inculpait les cas potentiels de traite comme des voies de fait ou la tenue d'un établissement de prostitution, ce qui impliquait une charge de la preuve moins lourde et des peines moins lourdes. Des observateurs ont également signalé qu'au niveau des tribunaux, on poursuivaient régulièrement des infractions moins graves avec des peines moins lourdes dans les affaires initialement instruites comme traite. Par exemple, inculpé trois suspects ont été inculpés d'une affaire de trafic sexuel en 2018 pour ‘assistance à la tenue d'un établissement de prostitution’ en 2022 au lieu de poursuivre les accusations de trafic ; les tribunaux ont initialement condamné les suspects à 5 mois d'emprisonnement, mais ont ensuite suspendu la peine et réduit la peine à des travaux d'intérêt général. »
Des migrants étrangers exploités
Les membres des communautés mal desservies, « y compris les personnes pratiquant le commerce du sexe, les femmes et les enfants d'ascendance africaine (créoles) et les personnes LGBTQI+, sont vulnérables au trafic sexuel, en particulier dans les zones urbaines telles que Port-Louis, Rose-Hill et Quatre-Bornes. De plus en plus, les trafiquants, y compris les membres de gangs, forcent les enfants mauriciens et les migrants étrangers à transporter de la drogue ; les trafiquants exploitent couramment la consommation de substances des victimes pour garder le contrôle et comme moyen de coercition.
Les trafiquants exploitent les migrants étrangers, en particulier les femmes malgaches, recrutées sous de faux prétextes d'emploi ou de tourisme dans le trafic sexuel et la servitude domestique dans des pensions, des hôtels et des salons de massage ».
Victimes de traite sexuelle
Le Département relève que « le gouvernement a réduit ses efforts de protection des victimes. Le gouvernement a identifié quatre victimes de traite, contre six victimes identifiées en 2021. Sur les quatre victimes identifiées, toutes étaient des victimes de traite sexuelle et des ressortissants mauriciens ; trois étaient des adultes et un était un enfant. Le gouvernement a également identifié 83 victimes potentielles, dont 81 travailleurs migrants potentiellement exploités dans le cadre du trafic de main-d'œuvre. Cependant, pour la troisième année consécutive, le gouvernement n'a signalé l'identification officielle d'aucune victime adulte de la traite par le travail ».
Pourtant, le Département d’État estime qu’il y a un vrai problème de traite des êtres humains à Maurice, et cela ne date pas d’hier. « Comme indiqué au cours des cinq dernières années, les trafiquants d'êtres humains exploitent les victimes nationales et étrangères à Maurice. Les trafiquants exploitent des filles de tout le pays - en particulier des communautés à faible revenu - dans le cadre du trafic sexuel d'enfants, notamment via des plateformes en ligne. Les chauffeurs de taxi, parfois impliqués dans des réseaux commerciaux du sexe, transportent sciemment des trafiquants sexuels d'enfants jusqu'aux victimes ; les chauffeurs de taxi transportent également les victimes vers les trafiquants. ».
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