
Au fil des années, les courses de motocyclettes clandestines se multiplient sur l’île. Il y a trois semaines, une vidéo montrant un accident survenu lors de l’une de ces courses a rapidement circulé sur les réseaux sociaux. Zoom sur ce phénomène dangereux qui gagne du terrain.
Publicité
À voir la vidéo qui fait le buzz sur la toile, de nombreuses personnes se demandent comment des individus peuvent faire preuve d’une telle inconscience ! Réalisent-ils qu’ils mettent non seulement leur propre vie en danger, mais aussi celle des autres usagers de la route ? Dans cette vidéo, une voiture percute par l’arrière un motocycliste qui roule sur une roue, avant de freiner brusquement sur la voie rapide. Ce dernier fait partie d’un groupe s’adonnant à une course illégale à Roche-Bois où plusieurs motos occupent l’ensemble des voies de l’autoroute.
Ces « runs » sauvages qui se multiplient à travers l’île représentent une menace de plus en plus grande pour la sécurité routière. Alain Jeannot, président de l’association Prévention Routière Avant Tout (PRAT), dénonce avec fermeté cette pratique risquée. « Les courses illégales sont non seulement dangereuses, mais elles perturbent également gravement la sécurité de tous », indique-t-il.
Outre le danger immédiat, ces rallyes sont aussi source de pollution sonore et environnementale. Se déroulant généralement la nuit, ils affectent la tranquillité des quartiers avoisinants et dérangent les habitants. « Les courses de motos illégales, souvent pratiquées en pleine nuit, provoquent une pollution sonore insupportable. Elles viennent troubler la quiétude de nombreux résidents, sans compter l’impact sur l’environnement », ajoute Alain Jeannot.
Un phénomène amplifie par les réseaux sociaux
La digitalisation de notre société a également contribué à la propagation de ce phénomène. « Grâce à notre système de communication avancé, les images et vidéos de ces courses déferlent sur la toile », explique notre interlocuteur. Si cela permet d’informer le public et de sensibiliser les citoyens, cela pose également un problème de gouvernance. En effet, selon Alain Jeannot « ces vidéos risquent de miner l’autorité des forces de l’ordre et leur capacité à faire respecter la loi ».
Selon lui, cette situation nécessite une action instantanée « La répression doit être immédiate et relayée par les médias et sur les réseaux sociaux afin de signaler clairement que de telles pratiques sont inacceptables », explique notre interlocuteur.
Alain Jeannot prône une réponse à deux niveaux. D’une part, une répression forte et visible, mais aussi une réflexion sur des alternatives pour canaliser cette énergie de manière constructive. « Il serait pertinent de créer des circuits adaptés pour ceux qui veulent pratiquer ce type de sport. Offrir un cadre sécurisé pourrait réduire les risques tout en satisfaisant ces passionnés », propose-t-il.
Il suggère également de relancer d’autres activités populaires, comme les compétitions sportives et les événements artistiques. « De telles initiatives pourraient à la fois contribuer à résoudre ce problème et répondre à d’autres enjeux sociaux. Les jeunes, souvent attirés par ces rallyes illégaux, ont besoin d’opportunités saines pour canaliser leur énergie », explique-t-il.
La route n’est pas un circuit
Face à la montée en puissance de ce phénomène, il rappelle qu’il est « inconcevable de laisser les citoyens utiliser la route comme un circuit de course ». Dans un contexte où l’île compte près de 700 000 véhicules pour 3 000 km de route, la sécurité routière est une priorité. « La route obéit à des codes précis qui assurent la sécurité de tous. Elle n’est pas un terrain de jeu. La vie humaine n’a pas de prix », insiste Alain Jeannot, appelant à une prise de conscience collective.
Barlen Munusami, expert en sécurité routière : « Oui aux rallyes légaux, non aux courses illégales ! »
Le rallye est un sport, mais tout sport doit se pratiquer dans la légalité et dans des conditions de sécurité optimales. C’est ce que fait comprendre Barlen Munusami, expert en sécurité routière, lorsqu’il évoque la problématique des rallyes de motos illégaux.
« Le rallye est un sport qui doit se pratiquer dans des conditions sûres », fait-il ressortir. Selon lui, ce sport doit impérativement être organisé dans un cadre légal, avec des protocoles et des consignes de sécurité strictes. « Oui aux rallyes légaux, non aux courses illégales ! », affirme-t-il avec force. Il faut que de tels événements soient encadrés par les autorités compétentes, comme la police, les ambulances et les pompiers, pour garantir la sécurité des participants et des autres usagers de la route.
Barlen Munusami souligne également l’importance de l’affiliation à un club pour planifier des rallyes. « Il existe des rallyes organisés par des clubs où les participants paient une cotisation. Ils sont planifiés et sécurisés », indique-t-il. Pour lui, il est essentiel que les organisateurs respectent un cadre légal et qu’ils ferment les routes au public pendant l’événement afin de protéger les autres usagers.
Certains affirment que les rallyes légaux sont trop coûteux, mais Barlen Munusami réfute cette idée. « Les rallyes illégaux n’ont pas de coûts visibles, mais ils mettent en danger la vie des autres. Ce n’est pas un prix que l’on peut payer », dit-il, soulignant le risque mortel pour les innocents circulant sur la route à ce moment-là. Il ajoute que ceux qui cherchent de l’adrénaline doivent le faire légalement et en respectant les normes de sécurité.
« Il existe des endroits comme Pétrin ou encore Valton où l’on pourrait aménager des circuits pour que les passionnés puissent s’adonner à leur sport en toute sécurité », indique Barlen Munusami. Ces circuits sécurisés, selon lui, permettraient de concilier passion et sécurité.
Il aborde également la question des motos modifiées, un facteur souvent présent dans les rallyes illégaux. « Il n’y a pas de secret, les rallyes illégaux poussent souvent à augmenter la puissance des motos et ces modifications coûtent cher », explique-t-il. Ces motos surpuissantes peuvent représenter un danger énorme pour tout le monde, sans exception.
Pour Barlen Munusami, il est donc urgent de mettre en place un cadre sécurisé pour les rallyes, tout en fermant fermement la porte aux courses illégales, qui ne font qu’accroître les risques pour tous.
Les drames
Les courses de vitesse illégales sont synonymes de risques, et elles ont souvent été le théâtre de tragédies. Ces dernières années, plusieurs drames ont marqué les esprits.
En mars 2024, un nouvel accident survenu sur la Ring Road à Pailles a une fois de plus souligné la dangerosité de ces courses clandestines. Israfil Tagaully, un jeune homme de 18 ans originaire de Plaine-Verte, a perdu la vie après un terrible accident. Selon les premières informations de la police, il participait à une course de moto avec un ami lorsque le drame s’est produit. Gravement blessé, il n’a pas survécu à ses blessures.
Un autre accident tragique remonte à 2016, lorsque Irfaan Babooa, un habitant de Pailles, a perdu la vie lors d’un rallye illégal à Roche-Bois. Selon les témoignages recueillis, sa motocyclette est entrée en collision avec une voiture en stationnement.
Non-respect du Code de la route
Dans le cadre de la sécurité routière, il est important de comprendre que certains comportements peuvent mettre en danger la vie des usagers de la route. Le Sub-Inspector Mirzah Boodhun, de la Road Safety Unit, rappelle que « le rallye illégal est une infraction qui ne peut être tolérée ».
Il fait ressortir que de tels événements sont souvent organisés dans des zones publiques sans aucune permission des autorités compétentes. « Ils ne respectent ni le Code de la route ni les consignes de sécurité. Ces rallyes ont lieu à des fins de paris ou de compétitions, sans tenir compte des risques encourus », explique-t-il.
Les rallyes non autorisés, ajoute-t-il, entraînent des comportements à haut risque. Parmi, des vitesses excessives, l’absence de port de gilet et de casque, et l’utilisation de véhicules modifiés, souvent sans assurance ni déclaration légale.
Lorsque des rassemblements illégaux sont signalés, la police met en place un protocole de sécurité strict. Tout d’abord des équipes sont déployées pour quadriller les régions concernées. Ensuite, les policiers utilisent des motos et des véhicules mobiles pour intercepter rapidement les participants et prévenir toute fuite. Il explique que la stratégie vise à disperser les groupes avant même qu’ils ne puissent commencer leur course. Ces actions sont coordonnées et effectuées en temps réel, assurant ainsi une réponse rapide et efficace.
Les participants se voient infliger des contraventions dépendant des infractions commises. « Par exemple, les personnes qui ne respectent pas les règles de sécurité, comme le non-port du casque ou la modification de leurs échappements, risquent des amendes allant jusqu’à Rs 5 000. Si elles sont prises en flagrant délit, elles recevront des contraventions immédiates », indique Mirzah Boodhun.
Cependant, il ne s’agit pas uniquement de contraventions. Selon lui, il est crucial de comprendre que ces comportements ne sont pas seulement des infractions au Code de la route, mais aussi des actes de négligence pouvant coûter des vies humaines et détruire des familles.
Récemment, dans le cadre d’une opération, la police a intensifié les contrôles, particulièrement contre les motos avec des échappements modifiés. « Nous menons régulièrement des ‘crackdowns’ pour cibler les infractions spécifiques. Ce sont, entre autres, les véhicules modifiés qui représentent un danger accru pour la sécurité routière », indique-t-il. Ces opérations ont pour but de dissuader les contrevenants et de réduire le nombre d’incidents liés à ces comportements dangereux.
Il est également important de souligner que « les rallyes organisés de manière légale et sur des circuits sécurisés » sont bien différents. Ceux-ci nécessitent des permissions adéquates et doivent respecter toutes les consignes de sécurité, garantissant ainsi la protection des participants et des spectateurs.
La police encourage la coopération du public. « Si vous êtes témoin d’un rallye illégal, contactez immédiatement les autorités et fournissez les informations nécessaires, comme le numéro d’immatriculation de la moto. Nous avons besoin de l’aide de la population pour identifier les organisateurs et les participants de ces rallyes », dit-il. Selon lui, une telle collaboration peut aider à stopper ces événements avant qu’ils ne deviennent incontrôlables.
Les circuits populaires
Bien qu’il n’existe officiellement aucun circuit de course à Maurice, les passionnés de moto ont transformé plusieurs routes en véritables pistes de prédilection. Parmi les plus fréquentées, on retrouve :
• Le By-pass de Goodlands
• Jin Fei
• L’autoroute reliant Camp Chapelon à Caudan
• Le Ring Road à Pailles
• La route de Terre-Rouge Verdun, entre autres
• L’autoroute de Roche-Bois
Conditions requises pour tenir un rallye
De nombreuses conditions doivent être respectées pour tenir un rallye. Parmi :
(i) un moyen de remorquage (towing)
(ii) une ambulance pour évacuer les blessés éventuels à l’hôpital
(iii) la présence de sapeurs-pompiers
(iv) une présence policière
Tout cela implique donc de nombreux frais à débourser pour avoir l’autorisation de tenir un rallye. Normalement, les participants à des rallyes sont membres d’un club de motos.
Inspecteur Shiva Coothen : « Notre objectif est de prévenir les accidents de la route »
L’Inspecteur Shiva Coothen du Police Press Office explique qu’il y a un renforcement des patrouilles policières en vue de lutter contre les rallyes illégaux. Pour cela, les autorités comptent sur la collaboration du public pour lutter contre ce phénomène.
« Notre objectif est de prévenir les accidents de la route. Avant même que les courses ne commencent, il est crucial de disperser les participants à ces rallyes illégaux dès que possible », déclare-t-il. En effet, ces rassemblements peuvent rapidement devenir dangereux, notamment lorsque les conducteurs prennent des risques inconsidérés. Il précise que la police, grâce à une surveillance accrue à travers les caméras de « Safe City », peut également identifier les heures et lieux où ces événements ont lieu et d’intervenir rapidement.
Il conseille aux organisateurs de rallyes de soumettre une demande auprès des autorités compétentes. Cela est particulièrement important si l’événement se déroule dans un endroit sans risque pour la circulation et sans perturber les autres usagers de la route. En cas de rallye organisé, une demande de fermeture temporaire de la route pourrait être envisagée, mais sous certaines conditions, principalement en assurant la sécurité des spectateurs et des participants.
Par ailleurs, la police met en garde contre les risques graves associés à ces rallyes. « La police prendra des mesures strictes pour sanctionner les contrevenants », insiste l’Inspecteur Coothen. D’ailleurs, les autorités ont déjà pris des mesures pour empêcher certains participants de se joindre aux rallyes, notamment en procédant à des verbalisations et en infligeant des amendes. En cas de non-respect des règles, des poursuites pourraient être engagées.
La collaboration entre la police et les citoyens reste essentielle pour garantir la sécurité de tous. L’Inspecteur a insisté sur le fait que la vigilance de tous est nécessaire pour protéger la vie des citoyens et éviter les accidents. La police, de son côté, a promis de maintenir une présence dissuasive sur le terrain, notamment en intensifiant les patrouilles et en veillant à ce que les règles de sécurité soient respectées.
Plaidoyer pour un circuit
Bien que la lutte contre les courses illégales soit complexe, des solutions existent. L’enjeu reste de réussir à convaincre les jeunes de rejoindre des clubs structurés, où la discipline et la sécurité sont au cœur de la pratique de leur passion. C’est ce que nous confie Reshad Khoyratty, président du Motoclub Racing Team de Port-Louis.
Son équipe, dit-il, lutte activement contre les rallyes illégaux à travers l’île. « Nous nous battons contre ce fléau. Pour cela, nous avons obtenu le soutien des autorités comme le Mauritius Sports Council et la police », explique-t-il. Selon lui, bien que l’équipe obtienne des autorisations pour organiser des événements sur des parkings comme celui d’Anjaaly, les infrastructures restent insuffisantes pour répondre à la demande des passionnés de moto.
Le Motoclub Racing Team essaie également d’encadrer les jeunes en leur offrant une alternative aux courses illégales et les incitant à rejoindre des clubs légaux. Ainsi, ils peuvent pratiquer leur sport favori dans un environnement plus sûr et discipliné. « Il est crucial que les jeunes comprennent qu’il existe des clubs enregistrés où ils peuvent pratiquer leur passion de manière encadrée et sans prendre de risques inutiles », ajoute-t-il.
Cependant, tous les jeunes ne sont pas réceptifs à ce message. Certains continuent de défier la loi, prenant part à des courses illégales et mettant leur vie et celle des autres en danger. « Beaucoup de ces jeunes aiment provoquer la police. D’ailleurs, leur plaisir est de défier les autorités. Ils retirent parfois leur casque juste pour embêter les policiers, un comportement qui n’a rien à voir avec les rallyes », déplore-t-il.
Reshad Khoyratty plaide également pour une meilleure organisation et des circuits dédiés. « Si Maurice disposait d’un circuit adapté, cela permettrait de canaliser les jeunes passionnés de moto vers un espace sécurisé. Cela réduirait considérablement les courses illégales sur la voie publique », précise-t-il.
Le club offre une structure encadrée à ses adhérents. « Les jeunes doivent commencer dans la catégorie pour débutants. Ensuite, au fur et à mesure de leur progression, nous évaluons leurs compétences pour les faire évoluer vers des catégories plus avancées », explique-t-il. Côté finances, pour devenir membre du club, la cotisation annuelle est de Rs 600, soit Rs 50 par mois. « Les membres doivent posséder une moto conforme aux critères de sécurité. Au départ, ils sont équipés d’un matériel de base : casque intégral, gants, blouson et chaussures montantes. Par la suite, ils peuvent investir dans des équipements plus sophistiqués, comme une combinaison en cuir », explique notre interlocuteur
Le sport mécanique, notamment la moto, reste un domaine coûteux, et le club doit constamment jongler avec des défis financiers pour maintenir un encadrement adéquat. Toutefois, Reshad Khoyratty insiste sur le fait qu’il est nécessaire de créer des alternatives viables pour éviter que ces jeunes ne se tournent vers des pratiques dangereuses.
Le tuning, qui consiste à personnaliser les motos pour en améliorer l’apparence et le bruit est également un phénomène fréquent parmi certains jeunes, souvent pour attirer l’attention. « Certains aiment le bruit des motos pour se faire remarquer. Cependant, cette passion peut vite devenir nuisible si elle est pratiquée sur la voie publique sans contrôle », fait-il ressortir.
L’initiative du Motoclub Racing Team pourrait offrir une solution à long terme pour réduire les courses illégales et la conduite dangereuse sur la voie publique. Cependant, la création de circuits dédiés et un soutien accru des autorités sont essentiels pour que ces jeunes puissent évoluer dans un cadre sécurisé. Comme le souligne notre interlocuteur, « la prévention doit primer, et si nous avons un circuit, nous réduirons drastiquement les risques sur nos routes ».

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !