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Promesses électorales : ces mesures sont-elles réalisables ?

Les syndicalistes sont en faveur d’un seuil de Rs 15 000 maximum. Un « living wage » permettra aux ménages d’avoir un pouvoir d’achat plus élevé. La taxe sur les carburants a fait couler beaucoup d’encre jusqu’ici.

Lors du 1er-Mai, les dirigeants politiques n’ont pas manqué de faire des promesses à la population. Dans le camp gouvernemental, on a réitéré que le salaire minimum serait revu à la hausse. Alors que du côté de l’opposition, on relève surtout la proposition du Parti travailliste portant sur l’introduction d’un « living wage ».  

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Le seuil du salaire minimum revu à la hausse en 2024 

La proposition faite 

Le seuil du salaire minimum sera revu l’année prochaine. C’est l’assurance donnée par le ministre Soodesh Callichurn. Le salaire minimum est de Rs 11 075 depuis janvier 2022 (à son introduction en 2018, il était fixé à Rs 8 140). Dans le milieu syndical, on se dit en faveur d’un salaire minimum variant entre Rs 14 000 et Rs 15 000. 

Mesure réalisable ou pas ? 

« À première vue, c’est une mesure électoraliste. Les employés concernés seront contents, mais est-ce que le secteur privé aura la capacité de payer un salaire minimum plus élevé ? » s’interroge le Dr Vinaye Ancharaz. L’économiste rappelle que les PME ont été fortement impactées par l’introduction du salaire minimum en 2018. « Certaines ont été contraintes de fermer leurs portes. Avec une révision du seuil du salaire minimum, ce sont les mêmes craintes qui reviennent. Si le seuil grimpe à Rs 15 000, ce sera un bond considérable pour les compagnies », soutient notre interlocuteur. 

Quant à Eric Ng, directeur du cabinet PluriConseil, il s’attend à ce que le salaire minimum soit au-delà de Rs 13 500. « Le salaire minimum sera supérieur à la pension de vieillesse car le salaire ne peut être en dessous de ce que perçoivent ceux qui sont à la retraite. Je ne pense pas qu’on pourra augmenter le salaire minimum à Rs 15 000, du moins pas l’année prochaine. Cela dit, cette mesure aura un impact sur l’emploi. Les PME vont définitivement souffrir », prévient l’économiste. 

« D’un point de vue social, il y a des bonnes raisons d’augmenter le salaire minimum, compte tenu de la perte de pouvoir d’achat intervenue durant ces trois dernières années. C’est sans aucun doute une priorité ! Avoir un salaire minimum garanti, c’est ce qu’il faut dans une conjoncture où l’inflation n’est pas près de s’atténuer tant que la guerre en Ukraine ne s’arrête pas. C’est le côté pile de notre stabilité sur le plan social », avance, pour sa part, un observateur qui préfère garder l’anonymat. 

Côté face, poursuit-il, il faut créer dans le même souffle cette richesse qui nous permettra de financer ces coûts sans déséquilibrer la structure de notre pays. « On ne peut pas donner sans aussi fabriquer. Par fabriquer et construire, j’entends créer de la richesse, qui est nécessaire pour payer le salaire minimum. Les deux vont de pair sinon on finira comme le Sri Lanka ou bientôt il ne restera pas grand-chose dans le coffre du pays. Sans parler des dettes qui vont s’accumuler. Il ne faut pas perdre de vue cet équilibre à respecter pour ne pas être projeté dans la faillite sociale et économique, notamment si l’on veut assurer la stabilité de notre pays au cours des prochaines années », soutient l’observateur.  

Coût et financement 

Toute mesure a un coût ! Le paiement du salaire minimum représente un coût additionnel à la fois pour l’État et le secteur privé, fait ressortir Eric Ng. « Il faudra que le secteur privé génère des revenus. Les PME qui parviendront à payer le nouveau seuil répercuteront cette augmentation des coûts sur le prix final de leurs produits et services. C’est automatique que quand le coût augmente, le prix suit la même tendance. On entre alors dans un cercle vicieux car cela va favoriser l’inflation et, par conséquent, une demande pour la compensation salariale », fait ressortir le Dr Vinaye Ancharaz. 

Introduire un « living wage » pour que les Mauriciens puissent vivre décemment .

La proposition faite 

Le PTr introduira un « living wage » s’il revient au pouvoir. « Les Mauriciens retrouveront leur pouvoir d’achat », a assuré Navin Ramgoolam, le leader des Rouges. Il a précisé que le « living wage » n’est pas un salaire minimum, mais un salaire qui permettra aux Mauriciens de vivre décemment. 

Les implications 

« Que ce soit ‘minimum wage’ ou ‘living wage’, c’est une question de terminologie. Sémantiquement, en fin de compte, c’est la même chose », soutient un observateur. Pour Eric Ng et Vinaye Ancharaz, il y a ici un jeu de mots. « Cependant, le terme laisse penser que le ‘living wage’ sera supérieur au salaire minimum. La question est de savoir comment le secteur privé et le gouvernement pourront financer une telle mesure », souligne Eric Ng. Le Dr Vinaye Ancharaz est du même avis. « Il faut faire attention ici. Car si l’on demande à une personne combien elle souhaite gagner pour vivre décemment, elle risque de répondre Rs 30 000 ou Rs 40 000. De même, le ‘living wage’ sera plus élevé que le salaire minimum. Ce qui implique que l’impact sera plus important », prévient-il. 

Coût et financement 

Si la mesure est introduite en cas de victoire, le nouveau gouvernement paiera sa part et le secteur privé devra en faire autant, soutient le Dr Vinaye Ancharaz. « Il se peut que l’État apporte son soutien aux PME car elles sont les plus vulnérables, mais la mesure sera temporaire et au final, ce sera au secteur privé de casquer. La question se pose une nouvelle fois : où trouver l’argent ? » conclut l’économiste.

Abolir la TVA sur les carburants pendant deux ans

La proposition faite 

Parmi ses dix engagements en faveur des travailleurs, le Reform Party s’engage à abolir la TVA sur les carburants pendant deux ans s’il remporte les législatives.

Les implications 

Pour Eric Ng, une telle mesure est synonyme de manque à gagner conséquent pour les caisses de l’État. « On parle ici de plusieurs milliards de roupies. Il faudrait que ceux qui proposent cette mesure suggèrent aussi des moyens de réduire les dépenses de l’État. Car une telle mesure risque d’augmenter le déficit et la dette publique », fait-il ressortir. Le Dr Vinaye Ancharaz abonde dans ce sens : « C’est une proposition facile à mettre en place, mais qui implique moins d’argent dans le coffre du gouvernement. Il faudra combler ce manque à gagner. Comme on le dit si bien dans la comptabilité, pour chaque débit, il y a un crédit.

Il faudra baisser les dépenses ou générer plus de revenus, sinon cela va créer un trou ». « Si l’on donne de la main gauche, il faudra compenser de la main droite. Si l’on supprime la TVA, il faudra chercher ailleurs pour compenser cette perte budgétaire. Par quoi va-t-on la remplacer ? Une TVA sur les voitures, les biens durables, les importations ou encore le salaire ? Il y a un choix politique à faire ici », soutient un observateur. 

 

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