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Projet E-Health : le long chemin vers un système de santé informatisé

L’Integrated Hospital Management and Patient Care System a été lancé en 1994 à l’hôpital Jawaharlal-Nehru. Le même établissement devrait accueillir l’implémentation de l’E-Health dans les semaines à venir.
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Prévue pour être échelonnée en plusieurs phases, l’introduction de l’E-Health dans le service public de santé prendra effectivement du temps. Le projet en est encore à un stade embryonnaire, selon nos différentes sources. Celles-ci considèrent que c’est une bonne initiative qui demande beaucoup de travail préliminaire. Une enveloppe de Rs 180 millions est cependant prévue dans le Budget 2023-24 pour une mise en œuvre réussie.

Annoncé une fois de plus dans le Budget 2023-24, l’E-Health devrait enfin faire son entrée dans le service de santé en juillet prochain, selon le ministre des Finances, Renganaden Padayachy. La première phase devrait être complétée dans les 18 prochains mois, avait dit le ministre de la Santé, Kailesh Jagutpal, au Parlement en avril dernier.

Une certaine confusion persiste ainsi quant à la mise en place du système à l’hôpital Jawaharlal-Nehru en juillet prochain. Un prototype avait été lancé en 1994 sous le nom d’Integrated Hospital Management and Patient Care System. Malheureusement, il est évident que le projet n’a pas pu être reproduit dans les autres hôpitaux régionaux, malgré la volonté des différents ministres de la Santé qui se sont succédé depuis (lire hors texte). Cela a valu au ministère de tutelle diverses remarques de la part du National Audit Bureau, notamment dans son rapport de février 2017 intitulé « Computerisation of patient health records ».

On peut y lire que « la plupart des initiatives prises par le ministère pour informatiser les dossiers médicaux des patients n’ont pas été mises en œuvre avec succès, et les différents systèmes développés pour générer ces dossiers n’ont pas été utilisés comme prévu. Le ministère de la Santé n’était pas prêt à mettre en œuvre les différentes initiatives. » 

Cette situation demeure d’actualité, car cette année encore, les membres du personnel de la Santé affirment ne pas avoir beaucoup d’idée sur la manière dont l’E-Health sera introduit prochainement. « Il n'y a qu’une évaluation du système en place qui est en cours », nous ont affirmé plusieurs sources.

Du côté des responsables des dossiers médicaux (Records Officers), chargés de la gestion des dossiers des patients, on apprend qu’ils ne voient rien venir. « Il y a énormément de travail à réaliser en amont, notamment la numérisation manuelle des dossiers des patients, qui peuvent contenir jusqu’à 100 pages », fait remarquer un membre de ce département qui n’a pas souhaité être cité. En l’absence de formations et compte tenu du fait que des employés ne sont pas à l’aise avec l’informatique, certains se demandent comment la numérisation des dossiers actuels sera effectuée. De plus, ce département fait face à une pénurie critique de ressources humaines, comme tous les autres départements, selon notre source. Elle souligne cependant que le projet est une excellente initiative, mais qu’il prendra du temps pour se concrétiser.

Même son de cloche du côté du Government Medical Consultant in Charge Association. Le Dr Bhooshun Ramtohul, président de l’association, accueille très favorablement le projet, mais soutient qu’il est nécessaire d’organiser des sessions de formation à tous les niveaux pour sa mise en place. Selon lui, l’E-Health facilitera le travail de tout le personnel de santé, des infirmiers aux médecins, en passant par le département des pharmaciens et les divers services annexes tels que le laboratoire et la radiologie, entre autres. « Toutes les informations concernant un patient seront disponibles sur une seule plateforme et seront plus facilement accessibles. Il n'y aura aucun risque de perte de dossier avec ce nouveau système », souligne-t-il.

D’autres membres du personnel ajoutent que le projet sera un succès s’il bénéficie de la collaboration du personnel, à qui les détails et les avantages du système doivent être expliqués. Ils soutiennent que l’une des raisons pour lesquelles le projet n’a pas beaucoup avancé est le manque de volonté et la réticence de certains. Ce point est également soulevé par le National Audit Bureau dans son rapport de 2017 (lire hors texte).

Investissement de plusieurs millions de roupies

Une enveloppe de Rs 180 millions est prévue dans le budget 2023-24 pour la mise en œuvre du projet E-Health, qui débutera à l’hôpital Jawaharlal-Nehru, a affirmé le ministre des Finances, Renganaden Padayachy. Le ministère de la Santé bénéficie également du soutien du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) pour l’implémentation de ce projet. Le PNUD a fourni une aide financière d’environ Rs 121,8 millions, qui s’est ajoutée à une contribution de Rs 18,85 millions du gouvernement japonais. De plus, le ministère de la Santé prévoit d’injecter Rs 135,3 millions dans le projet. Le Programme d’investissement du secteur public 2023/24-2025/26 prévoit, quant à lui, un montant total de Rs 633 millions sur plusieurs années pour les logiciels et le matériel informatique.

Manque de planification

D’après le rapport du National Audit Bureau de 2017, l’Integrated Hospital Management and Patient Care System (IHMPCS) n’a pas été pleinement mis en œuvre ni utilisé. Les raisons principales avancées sont « une planification insuffisante, une approche inadéquate de la mise en œuvre, une formation insuffisante dispensée à certaines sections, ainsi que des corrections d’erreurs dans le système souvent incomplètes ». Le document relève également que le système était principalement utilisé comme un outil administratif.  

Le rapport mentionne également que l’IHMPCS n’a pas été reproduit dans d’autres hôpitaux régionaux comme prévu, car aucune évaluation n’a été effectuée pour déterminer si le système pouvait être reproduit de manière fiable.

Le document fait aussi référence au système informatisé du Cardiac Centre où, en mai 2016, les dossiers médicaux des patients étaient principalement sur papier. Sur les 18 modules développés pour l’IHMPCS, seul un module, à savoir le Patient Manager et la prise de rendez-vous, était utilisé.

Le rapport précise qu’au cours des 20 dernières années, la plupart des initiatives prises par le ministère de la Santé en vue de l’informatisation des dossiers médicaux des patients n’ont pas été mises en œuvre avec succès, et les différents systèmes développés jusqu’à présent pour générer ces dossiers n’ont pas été utilisés comme prévu.

Le National Audit Bureau avait recommandé au ministère de la Santé de procéder à une évaluation de l’état de préparation aux technologies de l’information avant d’entreprendre un projet d’informatisation à grande échelle à l’avenir. Il soulignait qu’une fois que tout projet visant à informatiser les dossiers médicaux des patients serait pleinement mis en œuvre, le ministère de tutelle devrait mettre en place un mécanisme de suivi afin de s’assurer que les différents systèmes développés sont utilisés comme prévu, tout en disposant d’un service de soutien pour garantir la continuité des opérations.

Informatisation des services

Le système du National Blood Transfusion Service est entièrement informatisé.
Le système du National Blood Transfusion Service est entièrement informatisé.

Parmi les services de la Santé qui pourront intégrer l’E-Health, figure le National Blood and Transfusion Service (NBTS) de Candos, qui est entièrement informatisé à tous les niveaux. Ce qui exclut toute marge d’erreur dans l’étiquetage des pochettes de sang et leur acheminement aux patients selon le groupe sanguin requis. 

Toutes les informations concernant chaque donneur se trouvent dans le système informatique de la banque de sang. Le sang collecté subit préalablement une série d’analyses avant sa distribution, affirme Chitanand Appanah, coordinateur des donneurs de sang au NBTS.

Un Digital National Renal Registry a aussi été développé et lancé en mars 2023. Avec le développement en cours de l’E-Health, le système d’information sur les maladies rénales devrait être encore amélioré.

Parmi les informations qui seront disponibles : le nombre total de patients en hémodialyse et le nombre de séances de dialyse réalisées dans le pays. Ce système sera également déterminant pour la réalisation de greffes d’organes.

Un projet datant de 1994

Initié en 1994, le projet E-Health a longtemps stagné avant d’être annoncé comme étant proche de sa réalisation. Après sa relance en 2016 à la suite d’une décision du Conseil des ministres en juillet de cette année-là, un projet pilote d’un coût de Rs 5 millions avait été prévu pour le service des urgences de l’hôpital Dr A.G. Jeetoo. Mais selon nos informations, il n’a pas connu beaucoup de succès. L’objectif du projet était de rendre l’ensemble des traitements et médicaments prescrits à un patient accessibles en un simple clic.

À l’époque, le ministre de la Santé Anil Gayan avait déclaré que le système permettrait non seulement de prescrire le traitement approprié au patient, mais aussi de détecter d’éventuelles erreurs médicales. Il avait également affirmé que le projet serait lancé dès l’adoption du Budget 2016-17. Le coût devait passer de Rs 5 millions à Rs 25 millions avant d’être étendu à tous les hôpitaux publics. Le ministre Gayan avait également souligné la nécessité d’un tel système pour un pays moderne.

Bien que certains aient avancé à l’époque que le projet pilote à l’hôpital Dr A. G. Jeetoo avait été concluant et que la numérisation des dossiers devrait être étendue aux autres hôpitaux régionaux, le processus de numérisation des dossiers et des services de santé, qui avait débuté vers 2016, semble avoir été abandonné peu de temps après.

En avril 2017, le ministre Anwar Husnoo, successeur d’Anil Gayan, avait déclaré que le projet se concrétiserait bientôt. Parmi les systèmes proposés figurait la possibilité d’offrir aux patients une clé USB ou une carte à puce pour stocker leurs données, afin de lutter contre la perte des dossiers. Le ministre avait affirmé : « Nous allons informatiser le système de santé dans les hôpitaux, les dispensaires et les Mediclinics. Nous ne pouvons pas continuer avec le système actuel, car il y a trop de problèmes. On entend souvent dire que les dossiers se perdent ».

Il était également question de relier les centres de santé entre eux pour un meilleur contrôle et pour obtenir plus de détails sur les patients et leurs traitements. Le suivi devait être facilité. Les dossiers des patients devaient inclure des informations sur leurs maladies, les traitements administrés, les médicaments prescrits, les médecins traitants et le nombre de visites, entre autres.

La centralisation des informations visait également à prévenir les abus du service de santé et le trafic de médicaments comme cela s’est produit il y a quelques mois. Une enquête avait en effet été initiée sur un patient qui avait visité presque tous les centres de santé de la région de Port-Louis pour des examens médicaux. D’autres tentent d’obtenir des prescriptions de médicaments pour les revendre ou en faire un usage récréatif. 

  • defimoteur

     

 

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