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Production d’électricité dans dix ans - 40% de renouvelable : douce utopie ou projet réalisable?

Dans son discours-programme, le gouvernement annonce qu’il donnera un coup d’accélérateur au projet d’installation de panneaux photovoltaïques chez les particuliers, dans les bâtiments publics, au sein des organisations non gouvernementales, dans les coopératives et chez les éleveurs.

Maurice a dix ans pour atteindre 40 % de production électrique d’origine renouvelable. C’est du moins l’objectif que s’est fixé le gouvernement. Dans son discours-programme 2020-24, il annonce même un coup d’accélérateur à ce projet. Mais alors que le débat sur la transition énergétique est lancé depuis un moment déjà, peut-on aspirer à passer au 100 % renouvelable ? Ou cela ne reste-t-il qu’un doux rêve irréalisable ? C’est possible, selon des experts, à condition de consentir à de gros investissements et à innover tant sur le plan technique que politique.

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Une électricité produite à 35 % par les énergies renouvelables d’ici 2025 pour ensuite atteindre les 40 % en 2030, est-elle possible ? C’est en tout cas ce qu’espère le gouvernement en accélérant le développement des énergies dites vertes. Dans le désir de transition énergétique auquel tout le monde aspire, Maurice pourra-t-il un jour atteindre les 60 %, voire 100 % en termes d’énergie renouvelable dans la production électrique ? Pas impossible, diront des experts. à condition toutefois de faire de gros investissements et d’apporter des innovations tant du point de vue technique que politique. 

Dans son discours-programme, le gouvernement annonce qu’il donnera un coup d’accélérateur au projet d’installation de panneaux photovoltaïques chez les particuliers, dans les bâtiments publics, au sein des organisations non gouvernementales, dans les coopératives et chez les éleveurs. Il espère également réduire notre dépendance des sources fossiles et migrer vers l’utilisation du gaz naturel liquéfié. Le gouvernement compte aussi promouvoir la recherche sur de nouvelles technologies en matière d’énergies renouvelables. Un autre de ses projets est de revoir la politique sur la biomasse. S’il n’a pas donné plus de détails sur le type de biomasse, il a toutefois parlé de la bagasse et des mesures pour encourager la production énergétique à partir de cette source. C’est tout un programme. Mais est-il réalisable ?

Oui, selon un spécialiste du Central Electricity Board (CEB), qui précise toutefois que, dans la pratique, il faudra des remaniements techniques. Selon lui, c’est tout à fait possible pour Maurice d’atteindre les 40 % de part d’énergie renouvelable en 2030, voire plus à long terme. Il explique qu’il faut d’abord une base fiable. « Cela comprend une production constante et permanente basée sur une source renouvelable fiable et abondante 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. Cette source doit fournir 35 % à 40 % de part d’énergie. » Et cette base, nous l’avons, précise le spécialiste. Il s’agit, dit-il, de la bagasse. 

Le hic, toutefois, est que cette biomasse provenant de la production sucrière n’est pas, pour l’instant du moins, une source renouvelable fiable. Raison : elle n’est pas disponible tout au long de l’année. Notre part de production énergétique à partir de la bagasse ne dépasse pas les 14 %. Même les Independent Power Producers (IPP) dépendent à moins de 15 % de la bagasse. Cette biomasse n’étant pas toujours disponible, ils doivent se rabattre sur le charbon afin de produire la quantité d’électricité voulue. Le volume de bagasse produit diminue d’année en année, comme le souligne Jacqueline Sauzier, secrétaire générale de la Chambre d’agriculture. 

Ce qu’il faudrait donc, c’est une source renouvelable fiable qui contribuerait à hauteur de 35 % à 40 % à la production énergétique. Les autres sources d’énergie pourraient alors, elles aussi, apporter leur contribution, ce qui permettrait de pousser la barre jusqu’à 50 % et, pourquoi pas, un jour dépasser les 60 %. 

Maintenant, admettons que Maurice parvienne à trouver une biomasse qui contribue à 40 % à la production énergétique. Afin de dépasser les objectifs fixés, il faudrait miser sur l’apport de l’énergie solaire. Or, le photovoltaïque, telle qu’exploité jusqu’à présent, ne peut pas jouer ce rôle. Raison : l’énergie solaire est intermittente. L’expert du CEB explique qu’il y a deux solutions : le stockage et la nouvelle technologie. Pour le stockage, le processus est déjà enclenché. Le CEB a installé des batteries de 4 mégawatts (MW). D’autres de 14 MW additionnels seront bientôt mis en opération et d’autres encore de 18 MW seront installés vers la mi-2020. Ces batteries comblent le problème d’intermittence de l’énergie solaire et permettent donc une alimentation constante et fiable. 

Pour l’autre solution évoquée par l’expert, il faudra attendre un rapport de l’United Nations Development Programme (UNDP). Celui-ci a dépêché des consultants à Maurice pour se pencher sur la possibilité de mettre en place une nouvelle technologie : la Concentrated Solar Power (CSP), aussi appelée solaire thermodynamique. La technique consiste à faire converger les rayons solaires vers un point qui sera chauffé. La chaleur sera acheminée vers une chaudière et la vapeur fera tourner une turbine pour produire de l’électricité. L’avantage avec la technologie CSP est que le stockage se fait sous forme de chaleur. Cette technologie est utilisée en Afrique du Sud, en Israël et en Californie. 

Du coup, si la part de la bagasse à la production énergétique passe à 40 % et si la CSP devient une réalité, couplés avec le changement de politique du gouvernement sur la biomasse et les batteries utilisés par le CEB pour l’énergie solaire, Maurice peut aspirer à produire 100 % d’énergie renouvelable. « Il n’y aura qu’à utiliser la CSP en journée pour recueillir de la chaleur, une partie des batteries, la bagasse et l’hydroélectrique le soir », souligne l’expert. 


Jacqueline Sauzier, secrétaire générale de la Chambre d’agriculture : « Il faut valoriser la bagasse »

Pour que la bagasse ait un apport plus conséquent à la production énergétique, il faut une volonté politique. C’est ce qu’estime Jacqueline Sauzier, secrétaire générale de la Chambre d’agriculture. Elle explique qu’aujourd’hui, la bagasse fait partie à hauteur de 13 % du mixte énergétique, contre 14,7 % en 2017. Cette baisse est attribuée à l’abandon de certains champs par les petits planteurs. 

Jacqueline Sauzier précise que, pour l’instant, la rémunération des planteurs est basée uniquement sur le prix du sucre, pas sur les autres sous-produits. « Et nous savons tous que le prix du sucre baisse. Ce qu’il faudrait c’est valoriser la bagasse », dit-elle. Il faudrait donc, selon elle, que le gouvernement rémunère les planteurs sur la bagasse et ses autres sous-produits pour les encourager et, par conséquent, augmenter la production de cette biomasse. Ce qui profiterait aux IPP, qui utiliseraient ainsi davantage de bagasse dans leur production énergétique. 

Pour la secrétaire générale de la Chambre d’agriculture, il faudrait déjà stabiliser la part de la bagasse dans la production énergétique à 20 % avant de songer à aller plus loin. « Je fais bien comprendre que ce ne sont pas les IPP qui demandent une rémunération pour la bagasse, mais les petits planteurs. Il y a urgence », souligne Jacqueline Sauzier. Elle explique qu’à l’horizon 2024, certaines banques refuseront de financer les projets à base de charbon et que les IPP se retrouveront alors en difficulté. La politique du gouvernement sur l’industrie cannière influencera certainement la production de la bagasse et, par ricochet, la production énergétique. La Chambre d’agriculture a formulé des propositions et des demandes en ce sens au ministère de l’Agro-industrie. 


Joël de Rosnay, scientifique et ex-conseiller du Premier ministre : « C’est possible, à condition de combiner l’économie d’énergie, l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables »

Joël de Rosnay

Vous avez travaillé à Maurice comme conseiller. Est-ce possible d’atteindre le 100 % renouvelable ?
Oui, je pense que c’est tout à fait possible, à condition de combiner et de cumuler ce que j’appelle les trois E : Économies d’énergie, Efficacité énergétique et Énergies renouvelables. L’électricité ainsi produite pourrait être distribuée par une Smart Grid, réseau intelligent de distribution de l’électricité, à l’échelle de tout le pays. Ce qui est possible. 

Pourquoi est-ce possible ? 
C’est possible, parce que Maurice dispose de toutes les énergies renouvelables. La question technique et industrielle est de les combiner entre elles pour avoir un output qui multiplie les synergies énergétiques et ne les additionne pas seulement. C’est aussi une question de volonté politique. Car les savoir-faire industriels sont présents aujourd’hui.

Quel magnifique projet pour la jeune génération de construire une nouvelle démocratie énergétique pour le pays »

Maurice peut-il exploiter une source renouvelable ferme qui produira 40 % de son énergie ? 
Pas une seule source, mais une combinaison de plusieurs sources, comme je viens de l’expliquer. Par exemple : 40 mégawatts de vent avec les éoliennes, 50 mégawatts avec la biomasse et le biogaz, 60 mégawatts avec le solaire photovoltaïque et le solaire thermique, 60 mégawatts récupérés avec les économies et l’efficacité. 

À l’époque du concept Maurice île Durable, avait-on entamé des travaux pour augmenter cette part ?
Oui, on avait commencé à lancer des projets en ce sens à l’époque. 

Comment pensez-vous que Maurice doive procéder pour dépasser les 50 % de part d’énergie verte dans sa production électrique ?
Maurice a les moyens de le faire. Tout est une question de volonté politique pour aller dans ce sens et la mobilisation de la participation citoyenne. Quel magnifique projet et programme pour la jeune génération mauricienne de préparer la transition énergétique et de construire une nouvelle démocratie énergétique pour le pays. 

Un plan de redressement en route 

Le 30 janvier 2020, le gouvernement a signé un accord sur la réforme de l’industrie sucrière avec le directeur de la Banque mondiale, Mark Lundell. Selon l’accord, une étude sera menée sur l’industrie sucrière et des recommandations seront faites au gouvernement vers décembre 2020 ou janvier 2021. 

Maneesh Gobin, ministre de l’Agro-industrie, a fait appel à des experts de la Banque mondiale, car son ministère travaillera ensuite sur un plan de redressement pour le secteur. L’accord comprend une évaluation de la compétitivité et des avantages des entreprises du secteur. Il tient aussi compte de la contribution des agriculteurs et de la productivité, des coûts de production, des opportunités et des revenus provenant de différentes sources potentielles de marché, dont les sous-produits de la canne. 

Les experts comptent examiner et analyser la structure institutionnelle du secteur, étudier les performances de chaque partie prenante et voir les méthodes d’encouragement mises en place par le ministère de l’Agro-industrie, le Mauritius Sugar Syndicate, le Sugar Insurance Fund Board, le ministère des Finances, le Central Electricity Board et les petits producteurs, entre autres. Le rapport aidera les décideurs politiques à revoir leur politique sur l’industrie cannière et d’apporter la réforme tant attendue. Il faut dire que les attentes sont grandes de la part de chaque partie prenante de l’industrie. Outre le sucre, il y va de la pérennité de la production énergétique durable.

Les producteurs :

  • Neuf stations hydroélectriques
  • Quatre stations thermiques 

Independent Power Producers (principales stations)

  • Une station éolienne à Plaine-des-Roches
  • Une ferme solaire à La Ferme
  • Cinq centrales thermiques, dont Terra, Alteo, Médine, Savannah et la Centrale thermique du Sud. 

Les sources d’énergie et leur contribution à la production électrique

Les sources d’énergie et leur contribution à la production électrique

Autres données 

  • Maurice a une capacité électrique installée de 876,76 mégawatts (MW) : 498,47 MW étant produits par le CEB et 378,29 MW provenant des IPP et des petits producteurs. 

En 2018 :  

  • Le pays a produit 2 827,6 gigawattheures (GWh) d’électricité. 
  • Le CEB a produit 1 307,8 GWh, soit 46,25 % de la production globale. Cette production provient des quatre stations thermiques et des dix stations hydroélectriques. 
  • Les producteurs indépendants ont, eux, produit 1 519,8 GWh, soit 53,75 % de la production globale. 
  • Le CEB produit principalement à partir de l’huile lourde et du kérosène pour les turbines à gaz durant les heures de pointe. Les IPP produisent, eux, à partir du charbon pendant la coupe et à partir de la bagasse en dehors de la saison de la coupe de la canne. 

Parts énergétiques

Parts énergétiques

En 2018, la production d’électricité à partir :  

  • de charbon a diminué de 4 %, passant de 1 312 GWh à 1 260 GWh. 
  • d’huile lourde et de diesel a augmenté de 3,5 %, passant de 1 181 GWh à 1 222 GWh. 
  • de sources renouvelables a augmenté de 4 %, passant de 624 GWh à 649 GWh. 
  • de gaz d’enfouissement a augmenté de 35,3 %, passant de 17 GWH à 23 GWh.
  • d’hydroélectrique a augmenté de 38,9 %, passant de 90 GWh à 125 GWh.
  • de la bagasse a diminué de 5,6 %, passant de 463 GWh à 437 GWh.
  • de l’éolienne est restée constante, soit à 15 GWh.
 

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