L’accès au financement a pendant longtemps été l’un des principaux obstacles rencontrés par les PME. Les différentes solutions disponibles tendent à briser cette barrière à leur développement.
La vulnérabilité des PME a été mise à rude épreuve au moment de la pandémie de Covid-19. La trésorerie de certaines d’entre elles a vacillé alors que d’autres ont été contraintes de mettre la clé sous le paillasson. Comme l’étape de redressement passe inévitablement par l’accès au financement, une augmentation du nombre de demandes de prêt cette année auprès de la SBM Bank par rapport à 2020 et 2022 a été constatée.
Darmen Hurkoo, Head of SME and Micro Finance à la SBM Bank, explique que la plupart des facilités demandées par les PME concernent les fonds de roulement pour les activités quotidiennes et des emprunts pour l’expansion et l’augmentation de la capacité de production. « La plupart des requêtes proviennent des commerçants et des secteurs manufacturiers, mais on note ces jours-ci une demande grandissante pour des investissements venant d’entrepreneurs opérant dans d’autres secteurs. Ces facilités sont principalement des découverts ou des crédits de fonds de roulement pour financer les matières premières importées ou achetées localement », indique-t-il.
La révision récente du seuil d’éligibilité des PME par l’État, passant de Rs 50 millions à Rs 100 millions, a eu des conséquences significatives. Cela a entraîné une augmentation des demandes provenant des PME actives dans l’importation de ressources, ainsi qu’une hausse des demandes de prêts à long terme.
De son côté, Shweta Beeharee, Portfolio Manager à l’IFCM Equity Fund, observe une amélioration de l’accès au financement pour les PME, notamment grâce aux diverses solutions proposées. L’arrivée de nouveaux acteurs, à l’instar de Nanocash, a également démocratisé cet accès au financement. Pour sa part, Jessen Valaythen, le directeur, soutient que ces nouveaux acteurs se positionnent principalement sur des segments où les banques ne sont pas présentes. « Nous proposons des prêts ne dépassant pas Rs 25 000. Le remboursement s’étale sur six mois à un taux de 9 %. Nous effectuons au préalable une analyse du rapport de crédit des demandeurs issu du MCIB », fait-il ressortir.
Défis existentiels
Malgré ces avancées, les PME ne sont pas encore totalement exemptes des difficultés liées au financement. Shweta Beeharee souligne qu’un défi incontournable demeure la nécessité de fournir des garanties lors de la demande de prêt. « Il y a une mesure dans le dernier budget qui devrait, néanmoins, aider à adresser cette problématique rencontrée surtout par les entrepreneurs qui tentent de se lancer », fait-elle comprendre. Selon elle, des recherches mondiales ont également démontré que le financement n’est pas le premier problème des PME. Il y aurait l’aspect organisationnel et les compétences entrepreneuriales également.
Participation bénévole (« sweat equity »)
Selon Shweta Beeharee, une solution qui pourrait aider les PME à franchir un cap serait la participation bénévole. Ce terme fait référence à la contribution d’une personne ou d’une entreprise à un projet commercial ou à une autre entreprise. Dans la plupart des cas, cette contribution n’est pas financière, mais prend la forme d’un travail physique, d’un effort intellectuel et d’un investissement de temps. Elle souligne que cette approche est courante dans des pays développés tels que l’Inde ou la France. « C’est une solution qui fait défaut à Maurice et qui pourrait aider les entrepreneurs », dit-elle.
Le site Investopedia indique que même si une entreprise ne dispose pas encore d’un capital suffisant pour rémunérer ses employés, elle peut leur offrir une compensation sous d’autres formes. « Par exemple, les entreprises en phase de démarrage peuvent offrir à leurs employés clés une participation au capital de l’entreprise. D’autres sociétés plus établies peuvent offrir à leurs employés des actions de l’entreprise en récompense de leur travail à la sueur de leur front », est-il mentionné.
Paroles aux entrepreneurs
En dépit des nombreuses difficultés, les petits et moyens entrepreneurs se battent pour maintenir à flot leurs entreprises. Réactions…
Clena Dubois, directrice de C&D Trends : « Ne baissez pas les bras malgré les difficultés »
« En cette Journée mondiale des micros, petites et moyennes entreprises, je ne peux m’empêcher de réfléchir à mes débuts et à tout ce que j’ai accompli en quelques années. C’est un moment de rétrospection qui me permet de mieux préparer l’avenir. Je dois admettre que cela n’a pas été facile, surtout en tant que femme ayant des responsabilités familiales. Quand j’étais représentante commerciale pour une importante compagnie de distribution, je gagnais bien ma vie, toutefois, j’ai décidé de me lancer à mon propre compte », indique-t-elle.
« Au début c’était difficile, mais je n’ai jamais regretté mon choix et c’est cela qui m’a donné la force de continuer. C’est pour vous dire qu’une personne doit toujours rester positive, car dans la vie, il y a toujours des hauts et des bas. En pensant à mon parcours, je suis d’autant plus fière d’avoir mon propre bâtiment à Pointe-aux-Sables et d’avoir pu traverser la pandémie sans licencier aucun de mes employés, malgré les innombrables difficultés. Bien que la situation reste difficile, en particulier en raison d’une baisse des commandes, je suis convaincue que les choses s’amélioreront progressivement avec la reprise économique », ajoute notre interlocutrice.
Pour conclure, Clena Dubois confie : « À l’occasion de cette journée, j’aimerais dire aux entrepreneurs, et surtout aux femmes, de ne jamais baisser les bras, car après un cyclone vient toujours le beau temps ».
Soulignons que C&D Trends est une entreprise spécialisée dans l’impression des logos de marques sur divers objets pour les compagnies.
Bindya Mahadew, secrétaire de Lucky Women Entrepreneurs Cooperative Society, Union Park : « Il est essentiel de toujours aller au-delà de ses rêves »
« En cette journée, j’aimerais lancer un message aux femmes pour qu’elles aillent au-delà de leurs rêves si elles veulent lancer une petite entreprise », confie Bindya Mahadew. Au sein de la Lucky Women Entrepreneurs Cooperative Society, elle ne cesse d’aider les aspirantes entrepreneurs. « Je leur prodigue des conseils et leur apporte tout mon soutien possible. Je les encourage à participer à des foires afin qu’elles puissent faire la promotion de leurs produits », dit-elle.
Selon elle, les femmes mauriciennes possèdent de nombreux talents qui méritent d’être davantage encouragés, en particulier dans le domaine de l’entrepreneuriat.
Tony Waller, directeur de Wally Plus Toys, Petite-Rivière : « Il faut un véritable one-stop shop pour les petits entreteneurs »
Le directeur de Wally Plus Toys, Tony Waller souhaite qu’il y ait un soutien plus accru aux petits et moyens entrepreneurs. « Les PME ont une grande importance pour l’économie nationale dans tous les pays du monde. Certes, je suis reconnaissant que le gouvernement nous apporte son soutien à travers les divers plans d’aide, mais je pense que nous devons disposer d’une one-stop shop où tous les entrepreneurs et aspirants entrepreneurs pourront s’adresser pour leurs démarches. Certes, la SME Mauritius épaule les entrepreneurs, mais moi je parle d’une institution où les jeunes pourront avoir sous un même toit tous les conseils, informations et toute aide administrative pour lancer leurs business. Les jeunes diplômés universitaires se retrouvent souvent désorientés face aux multiples démarches et exigences auxquelles ils doivent affronter lorsqu’ils envisagent de lancer leur propre petite entreprise. Concernant les PME qui sont bien établies, j’aurais souhaité qu’elles bénéficient d’un rééchelonnement de leurs dettes, car elles souffrent toujours des séquelles de la pandémie. C’est le message que j’aimerais faire passer », dit-il.
Patrick Fleury, ancien entrepreneur : « La situation est de plus en plus difficile »
« Je conseille aux jeunes de prendre le temps de réfléchir sérieusement avant de lancer leur propre entreprise. En comparaison à l’époque où j’ai débuté, la situation actuelle est bien plus difficile. J’ai connu plusieurs personnes qui se sont engagées dans l’entrepreneuriat du jour au lendemain et qui ont finalement abandonné, se retrouvant contraintes de rembourser les prêts qu’elles avaient contractés. Mon intention n’est pas de décourager quiconque de se lancer dans ce domaine, mais il est important de reconnaître que la situation est réellement difficile, en particulier pour les débutants. En cette Journée internationale des PME, j’espère sincèrement qu’il y aura une plus grande disponibilité de formations pour les jeunes », déclare-t-il.
Questions à… Darmen Hurkoo, Head of SME and Micro Finance à la SBM Bank (Mauritius) Ltd : « Les PME doivent être plus transparentes et les banques faire preuve de plus de flexibilité »
Quel constat faites-vous de la trésorerie des PME deux ans après l’impact de la pandémie ?
À mon avis, la situation de trésorerie des PME est globalement revenue à la normale. On observe une reprise rapide dans certains secteurs tels que le tourisme, le commerce et l’informatique, tandis que d’autres secteurs, comme le textile, mettent plus de temps à se redresser.
L’accès au financement a toujours été un défi pour les PME. Cela a-t-il évolué dans le bon sens ces dernières années ?
Ces dernières années, diverses institutions financières ont fait des efforts constants pour aider les PME à accéder au financement. Cependant, le problème principal réside dans le fait que de nombreuses PME ont encore beaucoup à faire en termes d’alphabétisation financière, communément appelée éducation financière, ainsi qu’en matière de pratiques comptables appropriées.
L’accès au financement des PME devrait être une initiative à double sens. D’une part, les PME devraient être plus transparentes en ce qui concerne leurs rapports financiers, et d’autre part, les institutions financières devraient faire preuve de plus de flexibilité.
Quelles sont les spécificités des prêts accordés par la SBM aux PME ?
La SBM Bank (Mauritius) Ltd propose une large gamme de produits aux PME, des facilités à court terme pour financer le fonds de roulement, aux facilités à moyen et long terme pour l’investissement dans les bâtiments, véhicules, équipements ou dans le capital. Ces financements couvrent tous les secteurs d’activité. Au niveau de la SBM, nous lançons au moins une campagne spéciale chaque année avec un forfait attractif pour soutenir les PME.
Le maintien du taux directeur à 4,5 % aura-t-il une influence sur les demandes de prêts des PME pour le reste de cette année ?
Avec la hausse du taux directeur entre novembre 2022 et mai 2023, comme cela a été le cas dans plusieurs autres pays, les PME ont eu à faire face aux augmentations sur le remboursement mensuel des emprunts. Cela étant dit, à la SBM, nous avons soutenu les entrepreneurs qui ont fait une demande de rééchelonnement de leurs emprunts.
Le maintien du taux directeur à 4,5 % p.a. suivant la dernière réunion du Monetary Policy Committee de la Banque de Maurice aidera les PME à se repositionner sur le marché local et à mieux se préparer pour faire face aux nouveaux défis de l’entrepreneuriat.
Quelle évaluation faites-vous de la capacité de remboursement des PME ?
Comme je l’ai déjà mentionné, la Banque de Maurice a augmenté à plusieurs reprises le taux directeur (ou « key rate ») au cours des derniers mois. Cependant, la SBM, en tant que banque responsable consciente de son rôle de soutien au développement socio-économique du pays, n’a pas augmenté le taux de prêt de référence (Prime Lending Rate) selon le même ratio que la révision du taux directeur.
Parmi d’autres mesures que la SBM a prises figurent la mise en place de nouveaux plans de financement à long terme, le rééchelonnement des facilités bancaires existantes selon le flux de trésorerie de l’emprunteur et la révision à la baisse des taux d’intérêt pratiqués sur les nouveaux emprunts.
Est-ce que les banques commerciales sont en mesure de rivaliser avec la DBM Bank, qui était jusqu’à présent le choix privilégié des PME ?
La DBM a énormément contribué au développement de l’île Maurice depuis sa création et elle opère selon une philosophie différente de celle des banques commerciales. Comme le souligne le Budget 2023-2024, la DBM a un rôle crucial dans le financement des PME avec diverses mesures d’accompagnement.
Les banques commerciales sont en mesure de concurrencer la DBM, car elles offrent une large gamme de produits que la DBM ne propose pas et également des facilités de financement du commerce, des garanties bancaires, des cartes de crédit, des services bancaires par Internet, entre autres, alors que la DBM se limite aux prêts à terme.
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