
Le plan stratégique 2025-2030 pour les services financiers, récemment annoncé par les autorités, ambitionne de redéfinir le modèle économique du secteur. Si les opérateurs saluent l’orientation vers la Fintech et la finance durable, ils mettent en garde contre les défis liés à la mise en œuvre et au maintien de l’attractivité fiscale.
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Le gouvernement mauricien a récemment annoncé l’élaboration d’un rapport stratégique dédié à l’avenir du secteur des services financiers pour la période 2025-2030. Intitulé « Repenser l’avenir de l’industrie des services financiers à Maurice », ce document ambitionne de poser les bases d’un nouveau modèle économique pour un secteur qui représente actuellement 14 % du Produit intérieur brut (PIB) du pays.
Fruit d’un atelier consultatif de haut niveau, le rapport vise à doter Maurice d’une feuille de route pour renforcer la résilience, la croissance et l’innovation du secteur dans un contexte mondial en constante mutation. Il s’inscrit dans la lignée du programme gouvernemental 2025-2029, et fait écho à des priorités telles que la finance durable, l’essor de la Fintech et l’intégration régionale, en particulier avec l’Afrique.
Un modèle à adapter face à une concurrence accrue
Pour Nousrath Bhugeloo, directrice exécutive de Nexus Global Financial Services, il est impératif d’adopter une approche proactive. « Il faudrait revoir le mode d’emploi afin de créer davantage de valeur », affirme-t-elle, en rappelant que le secteur fait face à une forte concurrence d’autres centres financiers internationaux. Elle plaide pour une transformation du positionnement stratégique de Maurice, notamment par la création de partenariats ciblés avec des pays africains.
Selon elle, Maurice a les cartes en main pour se positionner comme un centre financier régional au service du continent. Cela nécessite toutefois une révision du cadre existant afin de mieux répondre aux attentes des investisseurs et de renforcer l’attractivité du pays.
Des enjeux fiscaux toujours sensibles
Parmi les freins évoqués, la question de la fiscalité appliquée aux entreprises offshore reste préoccupante. Pour Nousrath Bhugeloo, ces entreprises participent à la création d’emplois et leur présence à Maurice doit être préservée. Elle met en garde contre toute mesure qui pourrait dissuader de nouveaux investisseurs, alors même que le pays cherche à en attirer davantage.
Ce point de vigilance rappelle l’importance d’un équilibre entre attractivité fiscale et respect des normes internationales, un enjeu récurrent pour les juridictions financières comme Maurice.
Une vision à préciser et à concrétiser
Shahed Hoolash, directeur général de Vistra, accueille favorablement l’élaboration de ce plan stratégique, tout en soulignant la nécessité de disposer de détails concrets avant toute évaluation. Pour lui, les définitions contenues dans les documents stratégiques peuvent prêter à interprétation, d’où l’importance d’une lecture approfondie pour en cerner les réelles implications.
Selon Shahed Hoolash, la finance durable représente aujourd’hui une opportunité majeure de financement au niveau mondial. Il estime que Maurice ne peut se permettre d’ignorer ce levier de développement et doit accélérer les réformes pour en capter une part significative. La Fintech, autre pilier mis en avant dans le rapport, suit une dynamique similaire. Pour tirer parti de cette croissance, le pays devra démontrer sa capacité à allier politiques incitatives et structures d’accueil performantes.
La mise en œuvre, un maillon déterminant
Si les intentions stratégiques semblent bien orientées, la question de leur implémentation reste ouverte. Shahed Hoolash regrette l’absence d’un bureau dédié à la mise en œuvre des politiques envisagées. « La question de la mise en œuvre est cruciale », déclare-t-il, en soulignant le rôle clé des ressources humaines dans l’opérationnalisation de toute stratégie.
Ce constat n’est pas nouveau. Il fait écho aux limites rencontrées par le précédent Blueprint 2030, qui, selon lui, n’a fait que formaliser des idées déjà connues des acteurs du secteur. Des mesures, notamment fiscales, avaient été proposées à l’époque : certaines ont fonctionné, d’autres non. Il en ressort que la simple publication d’un rapport ne garantit pas son efficacité sans un travail approfondi sur le terrain.
Une ambition sous conditions
Shahed Hoolash appelle à une certaine prudence. « Il faut cependant être réaliste. Nous ne pourrons pas tout réaliser et devenir comme Singapour », affirme-t-il. Cette déclaration illustre la nécessité d’adopter une approche mesurée, tenant compte des capacités locales, des contraintes structurelles et de la position de Maurice dans l’écosystème financier mondial.
Le plan stratégique 2025-2030 marque une volonté affichée d’évolution du secteur. Reste à voir si les mesures concrètes qui en découleront sauront répondre aux attentes des professionnels du secteur, tout en permettant au pays de rester compétitif face à des rivaux de plus en plus agiles.
Le rapport stratégique s’articule autour de trois parties principales :
(a) une analyse de la situation du secteur des services financiers, offrant une vue d’ensemble complète et fondée sur des données de performance du secteur au cours de la dernière décennie ;
(b) l’identification des principaux défis, mettant en lumière les contraintes et goulets d’étranglement ayant un impact critique sur la croissance. Ces points ont été ouvertement discutés et documentés lors de l’atelier consultatif ;
(c) les piliers stratégiques et les orientations politiques définissant une trajectoire claire pour le Centre financier international de Maurice, en :
(i) facilitant et réduisant le coût des affaires via la rationalisation de la réglementation, l’e-KYC et des repères de redressement ;
(ii) diversifiant et modernisant les produits financiers, y compris la Fintech, la finance durable, la gestion de patrimoine, les family offices et les marchés de capitaux ;
(iii) redéfinissant l’image du Centre financier international de Maurice à travers une stratégie de promotion nationale cohérente ;
(iv) renforçant la visibilité, la présence sur les marchés internationaux et l’attractivité de la marque Mauritius International Financial Centre, notamment en Afrique et en Asie.

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