
Air Mauritius prévoit de lancer une expression of interest la semaine prochaine afin d’identifier un partenaire stratégique. Cette démarche exploratoire vise à susciter des propositions de collaboration, tout en maintenant l’État majoritaire et le contrôle sur la compagnie nationale.
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Un appel à manifestations d’intérêt (expression of interest, EOI) visant à identifier un partenaire stratégique pour Air Mauritius, sera lancé possiblement la semaine prochaine. Cette initiative, confirmée par des sources sûres au sein de la compagnie, marque une étape préliminaire non engageante dans la recherche de collaborations potentielles, alors que l’entreprise fait face à des défis financiers persistants.
L’objectif de cet EOI, qui devrait être donc publié d’ici la fin de la semaine prochaine, est d’inviter des compagnies aériennes ou d’autres entités intéressées à soumettre des propositions sur les formes de partenariat envisageables. Les candidats seront invités à présenter leur profil et les apports potentiels à Air Mauritius, tels que des investissements, une expertise opérationnelle ou des synergies réseau.
« Nous allons tout examiner et voir si une proposition cadre dans les ambitions de la compagnie. Il s’agit d’une première étape vers un éventuel partenariat. Cette expression of interest est toutefois non-binding », a indiqué une source à la direction d’Air Mauritius, soulignant le caractère exploratoire de la démarche. Une privatisation partielle de la compagnie, si elle a lieu, prendra cependant plusieurs mois.
Parmi les scénarios évoqués dans les milieux aéronautiques, figure la possibilité pour Airport Holdings Ltd (AHL), qui détient 99,99 % des actions d’Air Mauritius, de céder jusqu’à 49 % de son capital. Cette information, bien que non démentie par la compagnie, n’est pas encore confirmée comme une option définitive. « La forme exacte que devrait prendre un partenariat stratégique n’a pas encore été arrêtée. C’est d’ailleurs une des raisons de cet expression of interest, mais logiquement il n’y aurait pas d’intérêt pour un partenaire de venir sans avoir une part significative de l’actionnariat de la compagnie », explique-t-on au sein d’Air Mauritius. Une condition essentielle reste toutefois imposée : l’État mauricien, actionnaire majoritaire via AHL, ne descendra pas en dessous de 51 % du capital et conservera le pouvoir décisionnel.
Intérêt marqué
Dans les cercles gouvernementaux, l’attention se porte particulièrement sur Qatar Airways, l’une des compagnies aériennes les mieux cotées au monde. Depuis plusieurs années, la société qatarie manifeste un intérêt marqué pour Maurice, voyant dans l’île un potentiel de développement régional.
Selon des sources au sein du gouvernement, un partenariat avec Qatar Airways pourrait améliorer la qualité des services et des appareils d’Air Mauritius, contribuer à son redressement financier et transformer l’aéroport Sir Seewoosagur Ramgoolam en hub régional. Cependant, les autorités mauriciennes ont historiquement résisté aux demandes de Qatar Airways d’opérer des vols directs vers Maurice, préférant préserver une certaine exclusivité à Emirates, principale compagnie du Moyen-Orient desservant l’île. Le gouvernement est maintenant prêt à briser ce tabou.
Emirates, qui assure actuellement deux vols quotidiens vers Maurice avec des Airbus A380, renforcera sa présence à partir du 1ᵉʳ décembre 2025 en ajoutant un troisième vol quotidien opéré par un Boeing 777-300ER. Cette augmentation représentera une hausse de capacité de plus de 30 %. La seule autre compagnie du Moyen-Orient opérant à Maurice est Saudia, la compagnie nationale saoudienne, qui ne propose qu’une poignée de vols hebdomadaires. Dans le passé, d’autres acteurs comme Ethiopian Airlines ont exprimé un intérêt pour un partenariat avec Air Mauritius, mais ces options n’ont pas été poursuivies par les autorités mauriciennes.
Situation grave
La situation critique d’Air Mauritius a été soulignée lors de la conférence de presse samedi par Paul Bérenger, Premier ministre adjoint. « La situation est vraiment grave. C’est un défi énorme à relever. Nous sommes en train de discuter », a-t-il déclaré, ajoutant que les discussions avec le Premier ministre Navin Ramgoolam reprendront la semaine prochaine sur le dossier Air Mauritius.
Financièrement, la compagnie affiche un déficit actionnarial (shareholder’s deficit) de Rs 3,76 milliards, signifiant que ses dettes excèdent ses actifs de ce montant. Lors de l’émission « Au cœur de l’info » sur Radio Plus, le 18 août dernier, le président d’Air Mauritius, Kishore Beegoo, a affirmé que, suivant la tendance actuelle, la compagnie pourrait revenir à l’équilibre dans quelques années.
Ces perspectives de partenariat soulèvent toutefois des interrogations. Dans une interview accordée à Le Défi Plus le 23 août dernier, Megh Pillay, ancien CEO d’Air Mauritius, a mis en garde contre les risques d’une telle alliance. « Tout partenaire stratégique exigerait les mêmes garanties d’autonomie administrative, commerciale et opérationnelle, garanties qui auraient déjà permis à MK d’évoluer et de se redresser par elle-même », a-t-il déclaré. Il a également souligné l’importance des accords bilatéraux sur les services aériens (Bilateral Air Services Agreements, BASA) signés par Maurice avec une cinquantaine de pays, qu’il qualifie d’ « actif souverain inestimable » ne devant pas être cédé à des intérêts étrangers sauf en dernier recours. Selon lui, un partenariat pourrait privilégier les réseaux du partenaire au détriment de la stratégie nationale en tourisme et connectivité, ainsi qu’Air Mauritius, et entraîner une fuite de recettes en devises.

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