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Panama papers: les raisons d’un recours aux sociétés offshore

Depuis la publication des Panama Papers, les juridictions offshore, considérées comme des paradis fiscaux, sont montrées du doigt. Des articles de la presse internationale permettent de lever un coin de voile sur le modus operandi de certaines sociétés domiciliées dans l’offshore mauricien. Les motifs sont variés : échapper aux régimes fiscaux, éviter les droits de succession et dissimuler des fortunes.

Évasion fiscale

L’utilisation de l’offshore mauricien par des entreprises à l’étranger à des fins d’évasion fiscale est le principal reproche fait par des professionnels de plusieurs pays. Ettiene Retief, président du National Tax and Sars Stakeholders’ Committee d’Afrique du Sud, remet en cause le taux de profit des sociétés sud-africaines qui atterrissent dans des compagnies de l’offshore mauricien. « Une firme sud-africaine décide d’importer des marchandises de Chine. Elle passe par sa compagnie dans l’offshore mauricien qui ne s’occupe que de la commande. Les marchandises sont embarquées en Chine pour être acheminées directement en Afrique du Sud. Mais il y a un élément qui intrigue. L’entreprise mauricienne empochera 80 % des profits, contre seulement 20 % à la compagnie sud-africaine qui devra débarquer les marchandises, les stocker avant de les livrer. C’est là que le bât blesse ! » explique-t-il sur le site Moneyweb.

Les actionnaires d’une banque

L’évasion fiscale à travers le secteur offshore est pratiquée même par des actionnaires dans le secteur bancaire. Dans son édition du 8 avril, le journal The Standard du Kenya fait état d’une enquête qui révèle que quatre des principaux actionnaires de la Chase Bank au Kenya sont domiciliés dans le secteur offshore de Maurice, de Chypre et de l’île de Man. Rinascimento Global Ltd et Balst Investment Holdings, les deux principaux actionnaires, ont été enregistrés à Maurice, en 2010 et 2000 respectivement. « It is a smart way for investors to be tax-efficient. Such companies are usually registered in tax-friendly jurisdictions with the intention of minimising their payable taxes and maximising shareholder wealth », explique Philip Muema, Managing Partner de Nexus Business Advisory.

L’argent d’Amitabh Bachchan

[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"16000","attributes":{"class":"media-image size-medium wp-image-25277","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"300","height":"225","alt":"Amitabh Bachchan"}}]] L’affaire concernant Amitabh Bachchan refait surface après les révélations de Panama Papers.

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/div> Selon la presse indienne, ce procédé aurait également été utilisé par des compagnies dans lesquelles le célèbre acteur indien Amitabh Bachchan a des intérêts. Une société offshore incorporée à Maurice, impliquée dans ce cas, refait surface après les révélations de Panama Papers. En 2003, la société offshore mauricienne aurait reversé, en deux tranches, la somme de £ 6,05 millions (Rs 300 millions) à la firme Pattchom International Engineering AG, dont £ 4,65 millions le 26 mars 2003 et £ 1,4 million le 10 avril 2003. Il s’agirait du remboursement de prêts contractés entre 1993 et 1995 par Amitabh Bachchan, patron d’Amitabh Bachchan Company Ltd (ABCL). Mais la société offshore mauricienne, enregistrée par un milliardaire australien, a obtenu ces £ 6,05 millions par le truchement d’un transfert de la société Lahari Productions Pvt Ltd, basée à Bombay, en Inde, dont le propriétaire est Shripal Morakhia, un banquier devenu producteur de films. Ce dernier aurait, à son tour, obtenu cet argent de la firme Sahara India Media Communications Ltd, rebaptisée Sahara One Media & Entertainment Ltd. Cette société est détenue par un dénommé Subrata Roy. Le département d’impôts indien soupçonne que cette somme provient des droits d’Amitabh Bachchan que Lahari Productions Pvt Ltd avait acquis, à la suite d’un accord entre les deux parties, le 28 juin 2000. Cet argent aurait été placé dans la société offshore mauricienne pour éviter de payer des taxes en Inde.

Capital Gains Tax

Heritage Oil and Gas Ltd, firme basée à Jersey, aurait tenté de ne pas payer 400 millions dollars, en termes de Capital Gains Tax, au gouvernement ougandais. Selon les Panama Papers, elle a été enregistrée aux Bahamas et à Maurice en 2010. Maurice a été choisi en raison de l’accord de non-double imposition avec l’Ouganda, qui permet à des compagnies de payer la taxe dans un seul des deux pays. Sans compter que Maurice n’impose pas de Capital Gains Tax. Un officiel de Heritage Oil and Gas Ltd indique que l’objectif est d’établir une « second line of defence » afin de « eliminate the potential tax charge imposed by the Ugandan authorities ».

Droits de succession

Échapper aux droits de succession. C’est l’autre raison pour laquelle des gens, pas forcément riches, ont recours au secteur offshore mauricien. Dans l’article Ces Français moyens qui ont un pied dans les paradis fiscaux, la semaine dernière, Le Monde cite le cas d’un retraité. Pierre M., vivant à Maurice, a ainsi désigné son fils, qui habite en France, comme héritier de la fondation créée par ses soins : « S’il habite à Maurice, il ne paiera pas de frais de succession ; s’il est en France et qu’il ne veut pas payer d’impôt, il pourra toujours refuser de devenir le bénéficiaire de la fondation. » Selon Le Monde, sur le millier de Français de ces Panama papers, 95 % sont des citoyens lambda, aux profils et aux motivations bien plus divers que l’on pourrait imaginer à l’évocation de paradis fiscal et de finance offshore. Ils ne sont pas tous riches, ne sont pas forcément familiers avec les rouages des banques, et ils n’ont pas tous l’intention de frauder. Parmi ces Français qui ont créé des sociétés offshore se nichent aussi ceux ayant des professions moins communes : éleveur de chevaux, joueur de poker, boucher, chanteur lyrique… ou producteur de melons. Quelques fonctionnaires s’y égarent également. Un inspecteur du travail, qui possède une société au Panama, a indiqué au Monde avoir voulu « respecter la volonté des parents ». Il a, depuis, entrepris de régulariser sa situation. Sont aussi évoqués des enfants, à peine majeurs, dont on repère la trace dans les résultats du bac de l’année précédente ou qui posent sur les réseaux sociaux avec leurs copains… et à qui leurs parents ont voulu transmettre une partie de leur patrimoine.

Médicaments contrefaits en France

L’offshore est aussi exploité à mauvais escient. Le propriétaire d’une société offshore installée à Maurice est poursuivi en France. Il est l’un des deux intermédiaires français qui ont organisé l’importation, en Europe, de médicaments contrefaits fabriqués en Chine. La seconde est responsable d’une entreprise implantée à Nice. Ils proposaient à des distributeurs et à des grossistes deux médicaments contrefaits: le Plavix et le Zyprexa. En juin 2015, 1,07 million de comprimés et 1,1 tonne de médicaments falsifiés (de contrebande ou de contrefaçon de produits pharmaceutiques) ont été saisis par la douane en France, essentiellement des érectiles, des produits de régime et des substances dopantes. Selon l’Organisation mondiale de la santé, un million de personnes sont, chaque année, victimes de la contrefaçon de médicaments. Selon Bernard Leroy, président de l’IRACM, 62 % des médicaments achetés en ligne dans le monde sont frauduleux.
 

Mieux comprendre le fonctionnement de l’offshore

[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"15073","attributes":{"class":"media-image aligncenter size-full wp-image-25276","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"1280","height":"652","alt":"Panama papers"}}]] La firme Vanille-Stratégie apporte un éclairage sur le mode d’opération des acteurs du secteur de l’offshore. En quoi une société offshore diffère-t-elle d’une entreprise classique ? Si le terme effraie parfois, cela vient simplement de la caractéristique principale de ces sociétés qui peuvent agir dans le monde entier, à l’exception de leur pays de création. Une société offshore mauricienne pourra ainsi faire des affaires dans l’ensemble des pays de la planète à l’exception de Maurice. On les différencie des entreprises « onshore » qui travaillent principalement dans leur pays de création et s’y acquittent de l’impôt sur les sociétés. Les sociétés offshores ne paient-elles vraiment aucun impôt ? Oui et non. Si l’entreprise est offshore à 100 % (à Maurice ou aux Seychelles), elle n’aura aucun impôt sur les bénéfices à régler dans son pays d’accueil. Néanmoins, si vous optez pour une entreprise « hybride », mi-offshore mi-onshore, comme la GBC1 mauricienne, celle-ci paiera 15 % d’impôt sur les sociétés sur son activité mauricienne et 3 % sur son activité à l’étranger. Est-ce illégal de posséder une société offshore ? Non. Détenir les parts d’une société basée à l’étranger, qu’elle soit offshore ou onshore, n’a absolument rien d’illégal. Le fisc français exige, par contre, que vous en déclariez l’existence et idem pour ses bénéfices. Les comptes offshore sont-ils totalement anonymes ? Oui. Votre nom n’apparaît pas dans les registres du pays où les sociétés sont créées. Seul notre cabinet d’avoués partenaires y a accès. Doit-on m’associer à un ressortissant mauricien pour créer une société ? Non. Toutes les sociétés que nous constitutions sont détenues à 100 % par nos clients. Il est recommandé d’éviter tout montage qui ne vous donnerait pas le contrôle total de votre société. Suis-je le seul à avoir accès à mon compte bancaire ? Oui. Vous êtes le seul à posséder les accès Internet de votre compte. Ceux-ci vous permettent d’envoyer ou de recevoir des virements dans le monde entier en toute sécurité. La banque ne répond qu’à votre seule adresse email et au numéro de téléphone que vous lui avez communiqué.
 

Quand Oxfam critique la Banque mondiale

L’offshore mauricien est également utilisé par des entreprises qui reçoivent des prêts de la Société financière internationale (SFI), branche de la Banque mondiale, pour investir en Afrique subsaharienne. D’après une étude de l’Ong Oxfam, sur 68 bénéficiaires, 51 passent par des territoires considérés comme des paradis fiscaux. Environ 40 % des entreprises passent par Maurice qui est accusé de pratiquer du « carrousel » (ou round-tripping) qui consiste à placer des avoirs offshore avant de les rapatrier sous la forme déguisée d’investissements directs étrangers. à travers ce procédé, selon Oxfam, ces entreprises ont « déguisé (ces fonds) en investissement étranger direct », leur permettant d’obtenir des allégements fiscaux et d’autres avantages, là où la région la plus pauvre du monde « a désespérément besoin des impôts sur les sociétés pour investir dans les services publics et les infrastructures ». Selon Oxfam, les investissements de la SFI dans des entreprises ayant recours à des paradis fiscaux ont plus que doublé en cinq ans, passant de 1,20 milliard de dollars en 2010 à 2,87 milliards en 2015. « Il est insensé que le Groupe de la Banque mondiale encourage des entreprises à investir dans le ‘développement’, tout en fermant les yeux sur le fait que ces mêmes entreprises puissent priver les pays pauvres de recettes fiscales nécessaires pour lutter contre la pauvreté et les inégalités », s’indigne Susana Ruiz, spécialiste des questions de politique fiscale chez Oxfam. « La Banque mondiale ne doit pas prendre le risque de financer des entreprises qui se soustraient à l’impôt en Afrique subsaharienne et dans le reste du monde. Elle doit mettre en place des garanties obligeant ses clients à prouver qu’ils paient leur juste part d’impôt », dit-elle. Selon Oxfam, alors que la SFI fait sans doute figure d’autorité au sein du secteur privé avec ses normes environnementales, sociales et d’information, le public n’a toujours aucun moyen de savoir dans quels pays plus de la moitié des financements de l’institution aboutissent, car ceux-ci passent par d’obscurs intermédiaires financiers.Il reste, en outre, très difficile pour la SFI d’évaluer son impact sur le développement et de s’assurer que les projets qu’elle finance ne portent pas préjudice aux populations locales. Cette nouvelle étude d’Oxfam montre que le groupe de la Banque mondiale a encore beaucoup à faire pour s’assurer que ses clients sont également des contribuables responsables.
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