Une fille de 17 ans enceinte d’un garçon de 14 ans. Cette nouvelle a interpellé plus d’un, tout comme le nombre de cas de grossesses précoces qui est en hausse à Maurice. Pour Mélanie Vigier de Latour-Bérenger, psychosociologue et membre du Kolektif Drwa Zanfan Morisien, il faut briser le tabou.
Le nombre de grossesses précoces est en hausse à Maurice, selon les derniers chiffres de la Mauritius Family Planning and Welfare Association (MFPWA). La situation qui interpelle plus d’un. Le dernier cas en date remonte à une semaine. Une fille de 17 ans, enceinte d’un garçon de 14 ans, a fait la Une de l’actualité. Qu’est-ce qui explique cette situation ?
Mélanie Vigier de Latour-Bérenger, psychosociologue et membre du Kolektif Drwa Zanfan Morisien (KDZM), Vidya Charan, directrice exécutive de la MFPWA et Monique Dinan du Mouvement d’aide à la maternité (MAM) donnent des éléments de réponse.
Selon Mélanie Vigier de Latour-Bérenger, différents facteurs peuvent expliquer les grossesses précoces. Parmi, le manque d’informations sur l’éducation sexuelle et la santé reproductive. « Ce manque de connaissances, ou ces connaissances incomplètes, des risques quand on a des relations sexuelles et des divers moyens de contraception, pose question », indique-t-elle. Ajouté à cela, le Code pénal criminalise les rapports sexuels avec un/e mineur/e de moins de 16 ans. Ce qui ne facilite pas l’accès à la contraception pour les mineurs, notamment pour les jeunes issus de milieux vulnérables, vu le coût des moyens de contraception.
Tabou
Elle ajoute que l’accès restreint à l’avortement est aussi un facteur, même si sur le plan légal, depuis 2012, la santé physique et mentale de la personne enceinte est supposée être prise en compte. Se référant aux chiffres de l’Organisation mondiale de la santé en 2018, elle soutient que « les complications de la grossesse et de l’accouchement sont la deuxième cause de décès chez les jeunes filles âgées de 15 à 19 ans dans de nombreux pays à revenu faible ou moyen ».
Selon elle, une grossesse précoce peut aussi être la conséquence de violence sexuelle et de viol, notamment pour la fille dans l’incapacité de dire non, de se protéger ou d’exiger un moyen de contraception.
Mélanie Vigier de Latour-Bérenger est aussi d’avis que la sexualité demeure encore un sujet très tabou à cause de la culture et de l’éducation. « Il y a une méconnaissance qu’un enfant, dès son développement intra-utérin, a une sensorialité et une sexualité qui se construisent à travers le toucher et les caresses qui sont différentes de celles des adultes », dit-elle. Les érections physiologiques des garçons dès le plus jeune âge indiquent qu’ils ont une sexualité, selon la psychosociologue, qui souligne que la sexualité fait partie du développement normal des enfants.
« De 10 à 13 ans : c’est la préadolescence, phase de préoccupation sexuelle. Les adolescents veulent comprendre leur corps et comment ça marche. La sexualité est alors supposée être platonique. À partir de 14 ans, c’est la découverte de la masturbation, des premiers flirts et puis vient la sexualité génitale. »
Pour elle, la méconnaissance du développement psycho-sexuel des enfants et le tabou autour de la sexualité faisant que certains parents n’en parlent pas avec leurs enfants et comptent sur l’école pour le faire et vice-versa fait que les jeunes ne sont pas outillés pour se comprendre et se protéger.
« Il faut briser le tabou et oser parler davantage de sexualité aux enfants et aux jeunes. Cela ne leur donne pas des idées comme on peut entendre parfois. Au contraire, avoir des informations justes et vraies, avec des mots appropriés, aide », fait-elle observer.
Pour sa part, Monique Dinan considère qu’il y a un relâchement des mœurs dans le pays. « Auparavant, les jeunes filles savaient faire preuve de plus de retenue et ne donnaient pas leur corps au premier venu ou à n’importe qui. Dans de nombreux cas, elles pensent qu’elles sont amoureuses et ont des relations sexuelles sans penser aux conséquences de leur acte », estime-t-elle.
Selon elle, il faudrait avoir des groupes de jeunes qui se mobilisent pour dire qu’ils vont attendre jusqu’au mariage pour pratiquer l’acte sexuel. « Auront-ils le courage de le faire ? », demande-t-elle.
Vidya Charan ajoute que les ONG ne peuvent pas être tenues responsable du comportement des jeunes en dehors des institutions qui les encadrent, la famille, l’école, etc.
« Les jeunes ont parfois un tel comportement qu’il est difficile d’être avec eux et impossible de les surveiller. Nous ne pouvons pas nous assurer qu’ils mettent en pratique ce que nous leur enseignons », déplore-t-elle.
Selon elle, les ONG font ce qu’elles peuvent avec les moyens dont elles disposent. « La famille a également son rôle à jouer et doit assumer ses responsabilités en exerçant un certain contrôle et une surveillance concernant le comportement des enfants et les fréquentations de ces derniers », fait-elle ressortir.
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