De Cité La Ferme à Petit-Sable, des Mauriciens vivotant dans leurs cases en tôles ont été les plus touchés par les pluies torrentielles. Victimes de Berguitta, ils n’ont pas abandonné leurs demeures pour les centres de refuge. Ils ne veulent qu’une chose : un logement social.
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«Narien pa bon ! Labou partou anba ! Tou mo kiksoz inn andomaze. Mo larmwar, mo manze, mo masinn lave ». Enceinte jusqu’aux yeux, Dorothée Céline ne peut retenir ses larmes de désespoir et de rage en montrant l’état dans lequel s’est transformée sa misérable case en tôle à Cité La Ferme, Bambous, après le passage de la forte tempête tropicale Berguitta et les pluies torrentielles de mercredi soir.
Mère de deux enfants, elle espère que le gouvernement lui attribuera un logement social. Surtout depuis que les autorités ont mentionné les risques que les murs, vieux de plus d’un siècle et qui retiennent le réservoir de La Ferme, situé à quelques mètres de là, risquent de s’effondrer. Avec les fortes précipitations, l’eau lui est montée jusqu’aux mollets et elle doit patauger dans la gadoue pour se rendre à la boutique du coin.
Sa voisine, Nillabhai Gangaya, a passé deux décennies à attendre : elle garde encore l’espoir de lendemains meilleurs. Comme Dorothée, elle a passé une nuit d’enfer entre les feuilles de tôles rouillées de sa case, priant que la foudre ne vienne pas s’abattre sur elle. Son matelas sent déjà le moisi, l’eau s’étant invitée au plus fort de la nuit, malgré une feuille en plastique censée la protéger.
Quand l’eau monte, les latrines et la boue ne font qu’un. Dans sa case faite de drums aplatis, Sarah Jane Joseph se plaint qu’aucun épandage n’ait été effectué. Elle craint que ses deux enfants en bas âge n’attrapent une maladie. Louis Maleco, qui vit dans une case avec cinq adultes et quatre enfants, dont deux bébés d’un an et d’un an et demi, déplore l’absence de politiciens sur le terrain, eux qui sont pourtant omniprésents à l’approche des élections.
Plus au Sud, à Rivière-des-Galets, Seethanah Gooljar prie pour que les pluies accompagnées d’orages de mercredi ne se rééditent pas. « Fine gagne pli buku lapli ki kan Berguitta ti la », lâche la mère de famille qui habite face au mur où la houle s’écrase à répétition. À Anse Jonchée, sur la route de Mahébourg qui mène à la Pointe du Diable, Nadona Beeharry se plaint de l’eau de la montagne qui traverse sa cabane pour rejoindre l’océan de l’autre côté de la chaussée depuis maintenant un mois.
Les constructions sont en terrassement, comme à Quatre-Sœurs, située non loin et qui partage la même topographie. « Ce problème perdure depuis une décennie. Le châlit est constamment mouillé. L’eau passe chez une voisine avant de descendre chez d’autres familles en contrebas», soupire le beau-père de Nadona, Renaud Caillou, sous le regard consterné d’Anaëlle René qui montre les fissures qui strient son plafond en béton.
À Petit-Sable, Daddy Potiron, un Rodriguais marié et installé à Maurice depuis un demi-siècle, s’affaire à redonner une beauté à son potager. Sa récolte de pistaches est fichue, tout comme ses plants d’oignon abimés par l’eau dévalant du cimetière voisin. Il persiste à bêcher pour planter de nouvelles semences, refusant de baisser les bras ou de quémander une aide de l’État.
C’est la même résilience qui se lit sur le visage de Sabitna Nuckchady. Elle habite une case en tôle attenante à son salon en dur face à la mer et qui a été frappé par la foudre tard mercredi, sans doute à cause des fers de construction qui dépassent du toit. « J’y ai pris habitude. J’ai un mari handicapé. Je n’attends que la NEF pour m’aider à vivre mieux », glisse-t-elle. Tous ces sinistrés ont un point un commun : ils ont refusé de quitter leurs maisons au passage de Berguitta, ou durant les fortes inondations pour se réfugier dans les centres.
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