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Médecins étrangers : solution ou illusion pour le service public de santé ?

3 327 médecins, dont 108 praticiens étrangers, figurent sur la liste du Medical Council en 2025.

Le service de santé public fait face à une pénurie de médecins et d’infirmiers. L’enregistrement, la reconnaissance des diplômes, les conditions de travail peu attractives et le recrutement de praticiens étrangers divisent les syndicats et les acteurs de la santé.

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Le recrutement de professionnels de santé à l’étranger refait surface alors que le pays manque de médecins et d’infirmiers dans plusieurs services. Les chiffres du Medical Council of Mauritius au 1er septembre 2025 offrent un aperçu de la situation. Au total, 4 302 médecins sont enregistrés auprès du Medical Council, dont 2 973 généralistes et 1 172 spécialistes. Ce chiffre inclut également 75 généralistes et 82 spécialistes étrangers exerçant à titre temporaire. Toutefois, seuls 3 327 médecins figurent sur la liste annuelle 2025, qui recense les praticiens autorisés à exercer pour l’année en cours. Parmi eux, on compte 2 233 généralistes et 986 spécialistes locaux, ainsi que 47 généralistes et 61 spécialistes étrangers.

Cette différence s’explique par divers facteurs : départs à la retraite, congés pour des études, raisons personnelles... Être « enregistré » signifie que le médecin détient une inscription officielle en vertu de la Medical Council Act. En revanche, la liste annuelle regroupe uniquement les médecins en règle sur trois points : inscription à l’ordre, conformité aux obligations de formation continue et paiement de la redevance annuelle.

Il reste cependant difficile d’évaluer combien de médecins exercent dans le public et dans le privé. En effet, le Medical Council ne distingue pas les secteurs d’activité. « Chaque praticien choisit librement son secteur. Si une pénurie se fait sentir, les employeurs – y compris le gouvernement – peuvent recruter des médecins étrangers, à condition que leurs qualifications, générales ou spécialisées, soient reconnues par l’ordre », précise l’organisme.

Le régulateur rappelle aussi que la procédure d’enregistrement est identique pour les citoyens et les non-citoyens. La différence est que ces derniers doivent obtenir un permis de travail de l’Economic Development Board, conformément à la section 26 de la Medical Council Act.

Obstacles

Les syndicats de médecins avancent plusieurs arguments pour expliquer les difficultés liées au recrutement de praticiens étrangers dans le service public. La barrière linguistique figure parmi les principales. Dans une récente déclaration au Défi Quotidien, le Dr Rajivsing Dawonath, vice-président de la Government Medical Consultant in Charge Association (GMCiCA), a mis en avant ce problème. « Le contact avec le public pose problème », dit-il. Il estime que les expériences passées n’ont pas été concluantes.

Il y a aussi les conditions d’emploi. « Les salaires offerts à Maurice ne sont pas suffisamment attractifs pour séduire des praticiens étrangers », estiment la GMCiCA et la Government Medical and Dental Officers Association (GMDOA). Pour le Dr Vinesh Sewsurn, président de la Medical Health Officers Association (MHOA), le gouvernement devrait améliorer les conditions de travail afin de recruter et de retenir ces professionnels. Selon lui, un tel changement évitera l’exode du personnel vers le privé ou vers l’étranger. « Il y a un travail énorme à faire à travers le Pay Research Bureau pour arrêter cette fuite de cerveaux », insiste-t-il.

Mais d’autres contraintes existent. Les diplômes doivent être reconnus par le Medical Council et l’établissement qui les délivre doit figurer sur la liste officielle. « Les généralistes sont tenus de passer le Medical Registration Examination, sauf exemption prévue par la loi, tandis que les spécialistes doivent être évalués par le Post Graduate Medical Education Board », souligne l’ordre. Seule une recommandation favorable de ce dernier ouvre la voie à l’inscription comme spécialiste, indique l’ordre des médecins.

Certaines demandes concernent d’ailleurs des diplômes émis par des organismes non répertoriés. Dans ces cas, la procédure n’aboutit que si l’organisme obtient une reconnaissance et figure sur la liste officielle, précise le Medical Council.

Reconnaissance universitaire

La pénurie médicale se reflète aussi à travers la reconnaissance des organismes de formation. Une nouvelle liste de facultés de médecine reconnues a été introduite en 2016, dans le cadre des Medical Council (Medical Institutions) Regulations 2016.

Ce changement a eu un impact majeur : plusieurs universités situées en Ukraine, Russie, Roumanie et dans d’autres pays d’Europe de l’Est en ont été exclues, empêchant les étudiants mauriciens de s’y inscrire. En Inde, sur 104 universités reconnues auparavant, seules 25 ont été maintenues après 2016. Une évolution similaire a eu lieu au Pakistan. Or, l’Europe de l’Est, l’Inde et le Pakistan étaient des destinations privilégiées par les étudiants mauriciens, en raison du coût abordable et de la qualité des formations.

Valorisation

« Les autorités gagneraient à valoriser le travail du personnel hospitalier », affirme Ramesh Purrunsing, secrétaire du Comité action la santé (CAS). Bien qu’il reconnaisse la présence de médecins étrangers dans le privé, il estime que le public devra aussi y recourir si les autorités ne changent pas leur attitude envers le personnel. « La façon de faire du ministère de la Santé va faire fuir le personnel hospitalier », fait-il observer.
Selon lui, les récentes déclarations du ministre ont entamé la confiance du public envers les médecins, malgré leurs longues années d’études. Il déplore une situation décourageante, d’autant plus que le secteur privé offre de meilleures conditions. « En tant qu’administrateur, le ministère devrait travailler en étroite collaboration avec le personnel et la direction de chaque établissement. » Le Health Advisory Board des hôpitaux régionaux devrait également être réorganisé pour mieux jouer son rôle,  ajoute-t-il.

Special Monitoring Team : une surveillance contestée

Décriée par les syndicats de médecins et l’ensemble du personnel hospitalier, la Special Monitoring Team est aussi critiquée par le Comité amélioration la santé (CAS). Pour Ramesh Purrunsing, cette équipe ne peut agir en chien de garde alors qu’il existe déjà un Regional Health Director pour chaque hôpital et des administrateurs à divers niveaux pour assurer la supervision. 

Selon lui, au lieu de confier à la SMT la mission de veiller à la bonne marche du service de santé public, le ministère de la Santé aurait mieux fait de réformer l’administration de chaque établissement hospitalier afin qu’elle soit plus efficiente. Pour améliorer le service public de santé, il plaide pour la mise sur pied de comités conjoints où siègeraient les syndicats et les organisations non gouvernementales liées au secteur de la santé.

Sollicité pour une déclaration, le responsable de la SMT, le Dr Vasantrao Gujadhur, nous a indiqué qu’il ne peut dévoiler qui sont les membres des deux équipes. Selon lui, les membres se sont rencontrés et « font leur travail de monitoring » et les rapports ont été transmis au ministère. Le Senior Advisor au ministère de la Santé n’a pas souhaité en dire davantage.

 

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